La création de parcours pédagogiques s’appuie depuis toujours sur la volonté de « rejoindre » deux points : le point de départ, que l’on caractérise par les prérequis et les pré-acquis, et le point d’arrivée, défini par les objectifs à atteindre. Une fois ces deux points identifiés, la créativité pédagogique se donne libre cours… Du serious game par ici, du world café par là, pourquoi pas un soupçon de classe inversée… La solution peut être élégante, pertinente, parfois même brillante, mais n’auriez-vous pas oublié (parfois) d’en appeler à un géomètre avant de vous lancer dans la construction de cette somptueuse architecture ? Le géomètre : ce professionnel qui arpente et mesure le terrain où vous allez bâtir votre future maison pour éviter qu’elle ne s’écroule comme un château de cartes, à peine livrée. Autrement dit : avez-vous sérieusement vérifié que vos point de départ et d’arrivée sont fiables ?
De Lyon à Marseille sans passer par Paris
Quelques réflexions (sous forme de questions) sur le point de départ… Pensez-vous que vos 10, 100, 1000+ apprenants possèdent tous les mêmes pré-acquis et la même maîtrise des prérequis ? Si vous répondez négativement (on voit mal que la réponse pourrait être positive), alors l’écroulement de la maison est programmé ! Quelle serait la pertinence d’un parcours pédagogique obligeant tout le monde à partir d’un même point qui n’aurait de valeur que pour certains apprenants ? Si vous étiez Lyonnais, accepteriez-vous de passer par Paris pour rejoindre Marseille, parce que le point de départ décidé par l’organisateur du déplacement serait situé à Paris ?
« Renverser la table » en modifiant le processus d’élaboration
Si le point de départ n’est pas fixe, le point d’arrivée n’est-il pas commun à tous les apprenants, comme cible à atteindre ? Problème : ce point d’arrivée n’est que rarement maîtrisé par les concepteurs de parcours. Pire : l’usage qu’ils vont avoir de leur créativité, l’implication intellectuelle et affective qu’ils consacreront à l’élaboration du parcours de formation risquent à la longue de leur dissimuler l’objectif initial, ou du moins à ne pas s’interroger sur la façon dont l’atteinte du point d’arrivée pourra être mesurée. Pour remédier à cela, il faut « renverser la table » en modifiant le processus d’élaboration.
Méthode du renversement : l’ingénierie de certification
La première étape de ce renversement consiste à créer l’évaluation qui permettra effectivement de valider les compétences attendues à la fin du parcours. Cette approche, appelée ingénierie de certification, vous permettra d’identifier plus rigoureusement les séances activités pédagogiques à produire pour réussir l’examen final, et de gagner du temps de conception grâce à une visée plus juste. Il ne s’agira plus tant de produire pour matérialiser chaque étape du parcours que d’apporter les éléments nécessaires à la validation des compétences. Certains pourraient considérer que c’est ce qu’ils font déjà, car une ingénierie de formation classique prévoit bien la création d’une évaluation sommative en fin de parcours. Pourtant, dès lors qu’on s’en tient à une véritable démarche d’ingénierie de certification, on observe rapidement combien le concepteur et les apprenants gagnent en efficacité.
Retour sur l’innovation pédagogique
Finalement, qu’est-ce que l’innovation en pédagogie ? Proposer des ressources pédagogiques d’un nouveau type ? Mais, dans quel but ? L’innovation ne devrait-elle pas être d’abord source d’efficacité ? Former moins, mais pour développer les compétences à acquérir. L’innovation résiderait alors dans la valeur apportée aux apprenants, dans sa contribution à leur développement personnel et professionnel quand ils réservent du temps à leur formation ; elle résiderait également dans le surcroît de reconnaissance que la personne obtiendrait de sa formation. C’est un autre apport clé de l’ingénierie de certification : la matérialisation des compétences validées par un badge ou par un certificat. Ces reconnaissances renforcent l’estime de soi ainsi que l’identification des compétences maîtrisées dans l’organisation. Une cartographie unique fondée sur des compétences réellement validées : une mine d’or pour les entreprises !
Trois principes, pour résumer…
La réelle innovation pédagogique consiste donc à changer le paradigme en s’appuyant sur trois principes :
- Commencer toujours par créer l’évaluation qui validera les compétences acquises avant de vous lancer dans la création de votre parcours de formation.
- Ne jamais considérer qu’il y a un point de départ, mais autant de points de départ que d’apprenants et par conséquent, la seule chose à maîtriser, c’est leur passage de la ligne d’arrivée.
- Ne cherchez pas à tracer le parcours de l’apprenant, mais à cartographier les preuves de compétences validées par des badges ou des certifications.
|