L’EdTech : une bulle florissante. L’émergence quasi quotidienne de startups (à la station F ou aux quatre coins de l’hexagone sinon par-delà nos frontières) : un puissant moteur d’innovation pour la fonction formation. Des innovations qui, soulignons-le, même si elles semblent d’essence pédagogique (par exemple, la classe inversée), restent le plus souvent sous-tendue par la technologie. D’aucuns utiliseront la technologie comme un artifice pour donner un peu de piquant et de modernité à des programmes fondamentalement traditionnels. D’autres (j’en fais partie) militeront pour que l’innovation figure au cœur de la fonction formation, qu’elle révolutionne notre approche de l’apprenant et des besoins du business, notre vision de la contribution que la fonction L&D peut apporter à la stratégie de l’entreprise.
Trois leviers permettent d’inscrire l’innovation au cœur de la fonction formation :
#1 La capacité à sélectionner la technologie
La première tâche incombant ici à la fonction formation, c’est d’être au fait des offres existantes via un benchmark continuel des technologies / tendances à l’œuvre dans les autres entreprises et secteurs d’activité. Ce processus de veille, cet appétit pour l’innovation et la valeur qu’elle peut créer reposeront largement sur la curiosité qui doit désormais animer les équipes formation ; à commencer par la curiosité dont fera preuve la fonction « Up stream » du département formation — cet Up stream s’assurant, à l’instar du marketing, de produire ses recommandations (benchmarking, gestion de la conformité avec l’écosystème IT, pilotage) en mode Agile. Ces recommandations pourront ensuite se décliner dans les déploiements assurés par la fonction « Down stream » chargée de coordonner la bonne application de la technologie dans les programmes de formation et d’en mesurer l’impact ; car il s'agit de démontrer aux commanditaires quelle a été la valeur réellement créée et d'informer les prochaines décisions de l’Up stream. C’est le modèle adopté par l’Académie des Ventes Monde de Medtronic — l’Up stream et le Down stream se partageant également l’évangélisation des réseaux L&D du Groupe.
#2 Question de pertinence
Si une nouvelle modalité ne crée pas assez de valeur, elle ne pourra pas s’inscrire durablement au cœur des dispositifs de formation. Sauf à se contenter d’un saupoudrage cosmétique, l’innovation doit, en effet, résoudre des problématiques business ou, au moins, combler des écarts de compétences / performance conjointement identifiés par la fonction formation et par ses commanditaires. Accélération des parcours, transfert de la connaissance au terrain, gain de performance opérationnelle… ces sujets sont inépuisables, et les KPI qui leur sont associés doivent attester de la pertinence des solutions retenues. La fonction formation y gagnera par ailleurs en matière de conduite du changement, à travers un mode d’adoption pérenne d'une innovation qui aura fait ses preuves.
#3 La toujours nécessaire conduite du changement
Cependant, on n’impose pas l’innovation contre la volonté des hommes et des femmes du département formation ! Le changement doit être conduit avec professionnalisme parce que toute innovation technologique est potentiellement source d’anxiété (« vais-je être remplacé par ChatGPT ? »). Faciliter la compréhension et l’acceptation de l’outil et des changements induits suppose de tenir compte, très en amont, de l’état d’esprit des équipes formation dont les membres pourront s'inspirer de réussites identifiées ailleurs : développer leur curiosité n'est jamais inutile… Alors, l’innovation ne sera plus perçue comme une menace, mais comme une opportunité de développement, et la distance à franchir comme un progrès sensible pour l’organisation et pour les équipiers. C'est affaire d’information, d’écoute et de capacité à rassurer, de vision partagée. Les freins qui s’exprimeront naturellement chez des formateurs / concepteurs / voire prestataires externes devront être anticipés et gérés, par exemple dans l'exercice d’un travail collaboratif permettant à l’équipe de s’approprier l’innovation. Au passage, des « champions » apparaîtront, incitant leurs collègues, par leur exemple et par leur action, à l’utilisation "organique" de l’innovation technologique. C'est ce qu'on a pu constater avec les cours virtuels mis en œuvre bien avant la crise Covid, à un moment où les mentalités n’étaient pas encore prêtes à cette innovation. Enfin, célébrer les premiers succès, même s’il ne s’agit que de pilotes, participera utilement à l’ancrage de l’innovation au cœur du service formation.
Innover ne se décrète pas…
Un dernier mot : si l’innovation dans tous ses états (contenus de formation, formats, expériences d’apprentissage, etc.) finit par s’inscrire dans l’ADN du département formation, en vue de procurer des solutions de formation dont la pertinence et l’individualisation ne cessent de croître, il faut l’admettre : l’innovation est un combat de tous les instants ! Son intégration durable, efficace dans les dispositifs est au prix d’une démarche volontariste de la fonction formation. Tout ceci, en attendant qu’une IA pilote elle-même la destinée des services formation ?
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