Avant
Longtemps, les services formation s'en sont principalement tenus à deux rôles. D’abord, celui de préparer les collaborateurs aux compétences requises dans les différentes composantes de l’organisation à partir du recueil, de la planification puis de l’exécution du plan de formation correspondant ; ensuite, ils ont assumé un rôle que je qualifierai, sans doute abusivement, de « stabilité sociale », notamment en choisissant de lancer ou non telle ou telle action de formation complémentaire pour répondre à des demandes imprévues en cours d’exercice. Cette double mission procède largement d'une approche « top-down » de l’offre de formation, dans laquelle le service formation apparaît comme « l’alpha et l’oméga ». On notera que ce processus (recueil des besoins, élaboration des plans) obéit, sauf exception, au temps long (un an, voire plus dans le cas des plans pluriannuels) : la formation avait un air de long fleuve tranquille ! Et l'on peut constater que l'accès aux formations métier (hard skills, compétences techniques) était accessible au plus grand nombre de collaborateurs, les soft skills étant essentiellement réservées au management.
Aujourd’hui
Aujourd’hui, le curseur s’est déplacé : doivent être prioritairement servies les compétences nécessaires à la survie de l’entreprise : dans l’urgence de l'ère VUCA, la dichotomie hard ou soft skills n’est plus de mise. Il s'agit de répondre à des questions cruciales :
- Comment assurer à l’entreprise un avantage économique sans cesse renouvelé dans une course échevelée à l’innovation, avec toujours plus d’entrants sur des marchés devenus chaotiques et des cycles de vie de produits et services plus courts ?
- Comment perpétuer l’attractivité de l’organisation sur fond de guerre des talents ?
- Comment relever ces défis via une offre de formation libérée des carcans qui l'enserraient jusque-là, et déstructurée (chaque individu peut activer d’un clic une solution de formation sur laquelle le service formation n’aura pas la mainmise) ?
- Comment orchestrer la réponse du service formation dans une temporalité plus courte et face à des compétences dont l’obsolescence, si elle n’est pas programmée, est néanmoins une certitude ?
La fonction formation devenue pièce maîtresse de l’organisation
Dans ce changement (focus, temporalité, environnement), la fonction formation devient une pièce maîtresse de l’organisation, l’accélération du monde lui procurant une formidable opportunité de remplir pleinement des missions à haute teneur stratégique.
Un mot, ici, sur le modèle 70/20/10 de développement des compétences : assis sur des formations traditionnelles sur étagère ou sur mesure, il doit muter en une véritable stratégie de développement du collaborateur « au travail » : connecter le collaborateur à des expériences, des projets, à d’autres collaborateurs pour qu'il puisse accélérer sa montée en compétences. Le programme « Culture Circle » de Medtronic témoigne de l’intérêt de cette approche : des équipes « cross » (fonctionnelles, BU et country) collaborent à la résolution de défis internes préalablement relevés par des collaborateurs, pour porter ensuite leurs recommandations devant le leadership. Courage, Collaboration, Curiosité, Aptitude à créer des relations, Analyse critique, Présentation : l’usage du 70/20 débouche sur des compétences qui permettent individuellement et collectivement une adaptation agile à l’environnement qui change.
À présent centrale aux yeux des stratèges de l’entreprise, la fonction formation doit se mettre à leur niveau de préoccupations. Ce faisant, elle identifiera et leur « vendra » la valeur qu’elle peut créer dans l’entreprise. La refonte de cette approche et des instruments de mesure de sa performance est une clé de ce brillant avenir : c’est à ce compte que la fonction L&D se glissera dans la peau d’un « Learning Strategist ». Dans ce mouvement, elle sera aussi amenée à réduire le risque de fragmentation apparu dans les organisations dans le sillage du travail hybride depuis deux ans. Les programmes, le choix des formats de formation (virtuels ou présentiels, théoriques ou expérientiels, en solo ou en groupe, etc.) doivent faire l’objet d’un soin particulier : ils peuvent négativement influer (le renforcement des « silos » dans l’entreprise) ou positivement (des échanges replacés au cœur du travail et de l’organisation).
La fonction L&D n’échappera donc pas à une réflexion sur la façon dont elle est structurée, notamment avec l’apparition de nouveaux postes (par exemple, Learning Advisor), ainsi qu’avec la multiplication des partenariats qu’elle doit développer dans l’entreprise (et à l’extérieur !) pour diffuser plus efficacement et plus vite la connaissance et les compétences dont l’organisation a besoin pour avancer. Face à ces nouveaux défis, le service formation est tenu de revoir sa matrice (voire, ce qui n'est pas simple, de modifier son ADN) s'il veut changer de rôle : de pilote de la formation à stratège des richesses humaines (qui n'oubliera pas, en passant, la question prégnante du bien-être humain) !
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