Jean-Roch Houllier : « une nouvelle posture pour les Directions formation, centres d’expertise et de services reconnus, curateurs, agrégateurs de contenus variés, produits en interne ou en externe et architectes de parcours de formation innovants et impactants. »
Si je dois retenir une forte tendance récente en matière de transformation de la formation et d’innovation qui l’accompagne, je mentionnerai la prise de conscience que tout système de formation doit se fonder sur la diversité des approches pédagogiques, avec un digital jouant le double rôle de « composante » et de « contenant ».
La « composante digitale » a permis un enrichissement sans précédent des approches pédagogiques. La valeur ajoutée du digital n’est plus à prouver, comme le montrent les opportunités offertes par la mobilité, l’intelligence artificielle, l’ancrage mémoriel ou encore, les réalités virtuelle et augmentée. En particulier, la multiplication, depuis quelques années, d’outils auteurs variés, associés aux nouvelles approches pédagogiques, a donné un coup d’accélérateur au « collaborative learning », et finalement à l’entreprise apprenante, ainsi qu’à une idée-force précieuse : chacun possède un savoir spécifique et peut donc contribuer au savoir collectif. Les Directions formation, qui ont pu s’inquiéter un temps d’être désintermédiées, voient aujourd’hui que cette transformation ouvre un champ d’opportunités sans précédent, impliquant chacun et replaçant les professionnels de formation dans une posture renouvelée de centre d’expertise et de service.
Quant au « contenant digital », il incarne l’idée d’une « porteuse » agençant, « liant » et dressant un pont entre toutes les approches pédagogiques. C’est ce qu’il me plaît d’appeler le « voyage d’apprentissage », fortement collaboratif et participatif (communautés d’apprentissage), empruntant à des géographies (présentiel (face-à-face) / distanciel / formation au poste de travail) et des temporalités (synchrone / asynchrone) différentes. Les Directions formation héritent d’une nouvelle responsabilité, dont la valeur n’échappera à personne : celle d’architecte de parcours de formation, à même de sélectionner des contenus digitaux qualitatifs et de concevoir des parcours de formation multimodaux complexes, porteurs de sens et fortement connectés aux besoins et ambitions pédagogiques.
Ainsi, portés par le digital, innovation et avenir de la formation s’ancrent, à mon sens, dans la diversité des approches pédagogiques au travers d’une dualité assumée favorisant, d’une part les contributions et participations individuelles à la création et à l’aventure du savoir, et, d’autre part, l’émergence d’une nouvelle posture pour les Directions formation, centres d’expertise et de services reconnus, curateurs, agrégateurs de contenus variés, produits en interne ou en externe et architectes de parcours de formation innovants et impactants.
Xavier Voilquin : « Le modèle 70/20/10 est mort… ou presque » !
En décembre 2019 à Berlin, la montée en puissance des technologies numériques m’a permis de signaler la mort du modèle 70/20/10 devant une trentaine de mes collègues… À leur mine incrédule, sans doute m’étais-je aventuré un peu trop loin. Trois ans, une pandémie et une accélération technologique sans précédent, je persiste : le 70/20/10 me semble bel et bien mort. On n’oubliera pas qu’il était mal né, reposant sur la simple étude d’un minuscule échantillon de 200 managers non représentatifs ; mais, on lui reconnaîtra le mérite d’avoir renouvelé la réflexion sur la façon dont les compétences se développent, et d’avoir attiré l’attention sur une anomalie : les professionnels de formation concentrent 80 % de leurs efforts sur seulement 10 % du modèle (la formation formelle) et laissent filer les 90 % (70/20)… Un défi à relever pour toute Direction formation voulant être reconnue pour sa contribution aux métiers de l’entreprise.
Depuis, l’environnement de la formation a fortement évolué, notamment avec l’accélération des technologies de l’Ed-tech (déjà mentionnée) et la multiplication des start-ups et des projets pilotes auxquels elles sont conviées (confère les dossiers de candidature des Trophées du Digital Learning). Dans l’acculturation universelle au digital, les professionnels de formation sont toujours plus enclins à embrasser le virtuel, sinon le blended learning…
Que devient le modèle 70/20/10 dans ce mouvement ?
Déploiement d’un dispositif d’apprentissage par la pratique et l’expérience (70 %) ? Des dizaines d’applications sont à la rescousse (métavers, IA, et autres NLU (Natural Language Understanding)), offrant des « environnements terrains » où les apprenants pourront prendre des décisions, effectuer des tâches, interagir avec des avatars, tout en recevant un retour immédiat et automatisé préludant à l’ancrage mémoriel et au transfert continu des connaissances sans les risques et coûts d’une expérimentation physique. Crowdsourcing de la connaissance via le social learning (20 %) ? Le choix s’embarrasse de centaines d’applications permettant aux apprenants d’interagir et de s’engager comme jamais dans leur action de formation. Quant aux tenants de la « formation formelle », ils savent qu’elle s’enrichit sans cesse de nouvelles modalités telles que l’interactivité ou l’adaptive learning…
Si l’on doit tirer une conclusion de ces évolutions, c’est que les services formation ne sont plus enfermés dans le carcan du 10 % de la formation formelle ; au contraire, il leur faut saisir l’opportunité historique d’un possible investissement dans le champ des 90 % restants, qui leur permettra un repositionnement au centre de l’échiquier corporate, en démontrant, à l’instar d’autres fonctions opérationnelles, la valeur ajoutée de la formation.
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