La question posée n'est pas anodine. De sa réponse, dépendent en particulier : le montant du budget qu'il faudra consacrer à cette acquisition, la complexité du processus d’acquisition et d’intégration de la nouvelle plateforme dans le SI formation, ainsi et surtout que la facilité et l'expérience d'utilisation du dispositif de formation, pour les apprenants comme pour les formateurs et les administrateurs.
Rappelons que les plateformes LMS (Learning Management System) sont traditionnellement dédiées à la diffusion massive de contenus pédagogiques digitaux (modules e-learning sur des thématiques sur mesure ou transversales, fiches techniques, quiz, etc.), et au reporting des temps et des résultats (scores) obtenus par les apprenants. La plupart des plateformes se sont progressivement dotées de la capacité d'agencement de ces ressources digitales pour créer des parcours blended learning 100 % en ligne (en même temps qu’elles multipliaient d’autres fonctionnalités qu’on ne rappellera pas ici).
La question s’est alors vite posée d'intégrer les cours en salle avec le digital, ces cours ayant longtemps constitué l’essentiel des pratiques de formation. Dans cette intégration, la plateforme LMS a souvent rencontré un logiciel qui lui préexistait de longue date au service formation : les TMS (Training Management System) permettant de gérer les cours en salle, et plus généralement l'ensemble du processus qui leur est attaché : planification des ressources (formateurs, salles, matériels), gestion des apprenants, gestion des inscriptions et des listes d’attente, production des documents du cours en salle tels que la feuille d’émargement, les feuilles d’évaluation (Kirkpatrick niveau 1), du rapport du formateur…
Accompagnant des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité dans le choix de leur plateforme de formation, j'ai constaté qu’au moment de lancer son appel d’offres, le service formation se trouve confronté principalement à trois scénarios (qui traduisent chacune une urbanisation particulière de son SI).
Premier scénario : le service formation tient à conserver sa plateforme TMS et à s'assurer que son nouveau LMS pourra s’y intégrer au mieux. Notons ici que l’intégration n’est pas réduite au seul partage des comptes apprenants (tirés ou non du SIRH). Elle concerne également les historiques de formation (présentielle, distancielle), de façon que l’apprenant, son manager ou le gestionnaire de formation aient une vue détaillée et consolidée de toutes les formations suivies ; elle concerne aussi la capacité de la double plateforme ainsi intégrée à bâtir x combiner des parcours blended learning mariant présentiel et distanciel, dans une expérience unifiée (sans couture, seamless) pour les utilisateurs. (Par ailleurs, mais c’est un autre sujet, l’intégration devra considérer le plan de développement du collaborateur (lien formation-compétences), ce qui est une attente de plus en plus forte de l’entreprise).
Deuxième scénario : le service formation souhaite profiter de son appel d'offres pour se débarrasser du TMS qui traîne depuis longtemps dans l’entreprise et qui n'est plus guère maintenu. Il attend alors que sa plateforme LMS dispose d’un certain nombre de fonctionnalités TMS dont il a pris l'habitude. Force est de constater que ce scénario monte en puissance depuis quelques années, grâce à l’enrichissement fonctionnel des plateformes LMS qui n’ont cessé de mordre sur le fonctionnel des TMS. Dans ce scénario, le service formation devra toutefois accepter la perte de certaines fonctionnalités, pas forcément au cœur des traitements, mais auxquelles les gestionnaires de formation tiennent par habitude, surtout lorsque ces fonctionnalités de confort ont été spécifiquement développées à leur demande. Question, donc, essentiellement d’acceptabilité du nouveau système et de conduite du changement au service formation.
Troisième scénario : le service formation veut lancer « deux appels d’offre en un », pour acquérir une plateforme LMS et une plateforme TMS. Ce scénario est le moins fréquent, notamment pour des raisons de coût, de complexité de mise en œuvre, de difficulté de synchronisation… et d’argumentation auprès de la direction de l’entreprise.
Ces quelques considérations ne doivent pas faire oublier que le SI formation n’a cessé de se complexifier depuis une dizaine d’années, du fait, notamment, des nouveaux usages, pour se muer imperceptiblement en un véritable « écosystème digital de formation ». Le fort développement des classes virtuelles dans le sillage du télétravail n'a pas simplifié un paysage qui pose la question cruciale de l’intégration : le service formation ne peut plus y échapper ; elle conditionne la réponse à notre question initiale (votre plateforme de formation supporte-t-elle vraiment le blended learning ?). Aucun outil (même le LMS) ne saurait, seul, supporter le blended learning tel qu’il continue d’évoluer, dans les modalités qu’il utilise, comme dans ses architectures sans cesse changeantes. C’est en revanche un objectif qui peut être rempli par la « Plateforme des plateformes » qui intègre tous les outils numériques de la formation, autrement dit l’écosystème digital de formation.
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