E-learning Letter : Quels sont les outils auteurs que vous utilisez pour créer les modules e-learning de vos clients ?
Philippe Delanghe : Un prestataire de service a besoin de bons outils de développement pour arbitrer au mieux sur les variables pédagogie, graphisme et coût. Nous en avons utilisé … un certain nombre, en surfant sur des vagues technologiques dont la fréquence est de 2 ou 3 ans !
Pour faire court : les outils Macromédia (Director, Authorware) plutôt orientés CD ROM à la fin des années 1990 ; Flash à partir de l'an 2000, car distribué avec tous les navigateurs à partir de 2000, et incontournable dans l’utilisation d'une plateforme LMS : permettant d'externaliser les données en XML, et donc d'utiliser le copier / coller des blocs de XML pour développer rapidement des modules vite et bien. C'est cette philosophie qui a été à la base de l’Atelier e-learning, notre propre outil auteur, utilisant XML et Flash pour maintenir, localiser et développer rapidement… Bref industrialiser la production de modules e-learning. En 2004, émergence du rapid learning, notamment avec Adobe Presenter, que nous commençons alors à utiliser. 2006 : cap sur la complexité : nous développons des Serious Games avec Thinking Worlds, outil auteur spécialisé… Pour atteindre 2010 : la révolution des tablettes numériques incompatibles avec Flash, ce qui prend un peu tous les concepteurs au dépourvu ! La vie d'un studio de création ne manque pas de piment, comme vous pouvez le constater !
Mais l'important, c'est le service que nous attendons de ces outils : il faut que ça marche ! Notre expérience nous permet aujourd'hui de matcher le projet client et ses machines cibles avec l'outil auteur que nous allons utiliser, par exemple : Captivate ou Articulate pour du rapid learning, et notre Atelier e-learning pour les modules "classiques" avec diffusion PC ou Mac. Quant aux modules à diffuser sur tablette, Articulate Storyline, Lectora font bien l'affaire, voire Mohive qui semble assez prometteur. Nous développons par ailleurs nos Serious Games à l'aide de Unity3D.
E-learning Letter : Pensez-vous qu'une agence créant du e-learning sur mesure doive disposer de son propre outil auteur ?
Philippe Delanghe : Une agence de création e-learning comme UnI Learning est forcément tentée de développer son propre outil auteur… ne serait-ce que pour pallier les défauts des outils existants, et pour se différencier des studios concurrents ! Mais 20 ans d'expérience chez de grands éditeurs américains de CAO et d’ERP me disent que les métiers d'éditeur et d'agence obéissent à des business models très différents, et sont donc largement incompatibles au moins dans une structure de taille moyenne ! En particulier le métier d'éditeur est fort consommateur de capitaux, alors que les métiers du sur mesure e-learning sont sous-capitalisés… Les éditeurs d'outils auteurs, une centaine au moins dans le monde, seront au reste les premiers touchés par la vague de fusion-acquisition qui ne va pas manquer de les toucher. Cette consolidation se fera au profit des "pure players" de classe mondiale qui viennent du monde du logiciel.
E-learning Letter : Quelle réponse faites-vous à une entreprise qui vous demande de développer un module e-learning avec l'outil auteur qu'elle a acquis et sur lequel Uni Learning n'a pas de compétences particulières ?
Philippe Delanghe : Anecdote déjà lointaine : test à l'appui, l'Atelier e-learning permettait de développer des modules e-learning de bonne qualité, en plusieurs langues et rapidement pour le client auquel je pense ; la nouvelle responsable de formation nous convoque : "Vous avez finalement le choix entre Lectora et Captivate, car nos équipes en Australie ou au Canada ne sauront pas se servir de l'Atelier". Argument imparable, cap sur Captivate ! C'est pourquoi nous sommes devenus œcuméniques : nous utilisons Erudis, Lectora, Articulate, Raptivity, MOS Solo, ou Mohive, pour servir des clients et des besoins différents… Et la liste s'allongera sans doute ! Ce qui n'est pas pour nous inquiéter : les outils auteurs, c’est un peu comme les langues étrangères : plus en connaît, plus c'est facile à apprendre ; et puis ça nous oblige à une veille permanente sur ce qui se fait de mieux.
Ceci dit, il y a une limite à notre capacité d'adaptation : la demande déraisonnable, par exemple, d'un client qui veut un module très complexe, avec sous-titres, plusieurs langues, beaucoup d’animations et impose l'utilisation d'Articulate : explosion du budget garantie faute d'adaptation de l'outil. Dans ce cas, on passe notre tour.
Au fond une entreprise demande souvent à son prestataire d'utiliser son propre outil auteur dans l'idée qu'elle pourra maintenir les modules qu'il a produit pour elle. Séduisant sur le papier, mais rarement mise en œuvre, parce que les entreprises manquent de temps ou de moyens et que les modules e-learning vieillissent vite : mieux vaut les refaire complètement plutôt que de les replâtrer !
E-learning Letter : Quelles conséquences peut avoir l'émergence du Mobile Learning sur les agences de création ?
Philippe Delanghe : L’explosion des tablettes et des usages mobiles est une révolution dans un univers qui était assez stable depuis que Flash y avait pris une place totalement dominante. Nous nous retrouvons dans une situation très ouverte, puisque le HTML 5 est encore en cours de rédaction. Pour l’instant il n’existe pas, dans le domaine du e-learning, de technologie simple permettant de "jouer" des animations interactives complexes en l’absence de Flash, même si on parle beaucoup de Javascript. Les outils actuels comme Lectora qui annoncent une publication sur tablette en HTML 5, proposent une conversion de Flash en vidéo, ce qui est loin de couvrir tous les usages…
Je n’imagine pas qu’Adobe ou un concurrent n'en vienne rapidement à proposer une solution technique pour accommoder les animations vectorielles aux navigateurs utilisés dans les tablettes. Le player AIR d’Adobe permet déjà de faire tourner des apps en Flash sur iPad, mais sans assurer la communication avec une plateforme LMS, au moins pour l’instant.
Quant à la pédagogie, nous sommes amenés à imaginer des nouvelles approches : une tablette n'est pas un ordinateur sans clavier ! Les dispositifs de formation devront rapidement prendre en compte cette dimension, sauf à être rapidement ringardisés !
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