Faut-il jeter le Blended Learning avec le e-learning traditionnel ?
Blended Learning : l’expression ne date pas d’aujourd’hui. Elle est apparue dans le sillage immédiat du e-learning : le Blended Learning, c’était cette "paix des braves" négociée entre l'e-learning et le présentiel : le second reste au coeur du dispositif de formation, ce qui rassure les professionnels de formation, le premier vient en préalable du second (bénéfice : dès avant l'entrée en stage, le groupe est mis à niveau par un apport de connaissances théoriques sous forme d'auto formation en ligne) puis après lui (compléments de formation différés pour éviter d’alourdir le cours en salle). Ce Blended Learning n’a plus la cote, notamment (mais pas seulement) parce que les modules e-learning d’alors sont aujourd'hui largement rejetés (qui souhaiterait encore avaler pareille médication : trente minutes ou plus d’un film d’écran, une mascotte qui prend l’apprenant pour un demeuré, une navigation inspirée de celle qu’on trouve dans feu les magnétoscopes).
On comprend qu'on puisse récuser l’utilisation du terme "Blended Learning", et par exemple préférer celui de "Continuous Learning" (à l’instar de Laurent Reich). Si d’autres n’ont pas cette réticence, c’est qu’ils considèrent que le Blended Learning d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier. On ne tranchera pas dans ce “débat des appellations”, car les deux points de vue sont légitimes ; surtout, ils partagent ce constat que la formation s’est dotée d’un potentiel de modalités et de combinaisons sans commune mesure avec ce qui existait auparavant. Si les modules e-learning tels qu'évoqués sont en voie de disparition, nous ne jetterons pas avec eux le concept toujours actuel de Blended Learning, c’est-à-dire d’architecture de divers médias ou modalités de formation.
Formation et Blended Learning aujourd’hui
En effet les modalités du Blended Learning ne sont plus limitées, loin s’en faut, au e-learning traditionnel et au cours en salle… Cours en salle qui n'a pas attendu le numérique pour être un "mix formation", le formateur jouant de sa palette pédagogique - apports de connaissances, jeux de rôle, démonstration, simulation, répétition, reformulation, ateliers, quiz, etc. - pour mobiliser l’attention des apprenants, faciliter la mémorisation et mettre en pratique les connaissances acquises. Si l’on ajoute la prise d’information individuelle par le formateur auprès des apprenants avant le stage et son offre de leur apporter un soutien post stage, on admettra que la formation est sans doute “blended” depuis des siècles ! Mais c’est au digital qu’on doit l’exponentialisation des modalités de formation et donc de leurs combinaisons possibles ; c’est avec le digital qu’on a pris l’habitude de parler de Blended Learning. Dont acte.
Un catalogue de modalités toujours plus vaste
Le Blended Learning peut ainsi puiser dans un catalogue toujours plus vaste de modalités. Celles qui étaient là avant le digital : la conversation téléphonique, par exemple, dans le cadre d’une formation à la pratique de l’anglais, ou bien un atelier non digitalisé d’un présentiel. Celles qui sont nées du digital : on n’a que l’embarras du choix, du vidéo learning au serious game ou à la VR/AG, en passant par le module e-learning… D'autres modalités, qui retrouvent une nouvelle jeunesse avec le digital : des séquences pédagogiques digitalisées pour faire interagir les apprenants dans un cours en salle, les livres numériques offrant des nouvelles possibilités de navigation ou de partage d’annotations… Une digitalisation qui permet aussi d'étendre le territoire de la formation : le coaching de terrain, la formation sur le tas… entrant plus avant dans ces attributions.
À la recherche de la martingale
C’est au casino qu’on se confronte à l’infinitude (c'est au moins la perception qu'en ont les joueurs) des combinaisons possibles, certains joueurs recherchant la série des combinaisons qui les fera gagner à coup sûr : une martingale. Si la formation s'appuie depuis toujours sur le ressort du jeu, elle ne devrait pas être un jeu de hasard… C'est pourtant l'impression qu'elle donne parfois dans sa quête d’une martingale pour le Blended Learning ! On varie les ingrédients, une innovation est introduite par ci par là, dont on mesurera l’effet a posteriori (“test and learn”)…
Mon constat depuis vingt ans, c’est qu’il reste ici beaucoup reste à faire : les services formation ont du mal à justifier pédagogiquement pourquoi ils ont choisi telles ou telles modalités, et plus encore pourquoi ils les ont assemblés dans tel ou tel ordre dans un parcours Blended Learning. On ne leur en tiendra pas rigueur : est-il seulement possible d’identifier tous les facteurs qui entrent en jeu ? Faudra-t-il attendre que l’IA nous éclaire, voire finisse par faire le travail à la place des formateurs ?
Le nouveau Blended Learning : mix d’objectivité et de subjectivité
Ou bien la formation est-elle condamnée à être un Art mixant objectivité (celle des données, du fait brut) et subjectivité (celle de l’interprétation, de l’intuition, de la liberté… celle de l’humain) ? Le digital aurait ainsi offert un joli retournement de situation ! Je ne connais pas un formateur qui s'en plaindra.
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