#1 L’évaluation de la formation se numérise (certes une évidence)
La numérisation s’est emparée du sujet de la rétention des connaissances à chaud, à travers le fréquent renseignement par les apprenants d’un quiz au sortir de leur module d’auto-formation e-learning. Cette bonne habitude s’est portée sur la feuille d’évaluation traditionnellement au format papier. Des organismes de formation démontrent qu’un cours en salle peut s’achever par la saisie, toujours par les apprenants, du formulaire d’évaluation sur un ordinateur réservé, à moins que ce soit le lendemain de la formation directement au poste de travail, hors la présence du formateur qui constitue souvent un biais.
#2 L’évaluation de formation se nomadise et “s’adoucit”
De plus en plus souvent l’apprenant évalue sa formation (satisfaction, rétention à chaud, niveau de transfert des acquis… ) via son smartphone. L’évaluation se nomadise ; elle peut se jouer, comme la formation, n’importe où n’importe quand ! Sous l’influence des usages mobiles, elle se gamifie, perdant au passage son aspect solennel et vaguement inquiétant. Tout est fait pour “adoucir l’évaluation”, apprivoiser l’apprenant : “regardez comme il est amusant d’évaluer ses connaissances, ses comportements, et vous pouvez obtenir une collection de badges en échange !”.
#3 En devenant extrinsèque, l’évaluation de la formation gagne en épaisseur
L’évaluation ne concerne plus seulement la satisfaction des apprenants, source d’amélioration possible pour la qualité des offres de formation (vision largement auto centrée / intrinsèque portée par la Direction Formation). Elle s’applique de plus en plus à un objet extérieur, notamment l’évaluation de son impact sur la performance et le confort du collaborateur au travail, dans les semaines suivant sa formation, ou bien à plus long terme sur sa capacité à évoluer dans l’entreprise. L’évaluation se décentre, elle devient plus extrinsèque. L’évaluation gagne ainsi en profondeur de champ, ce qu’exprime bien l’échelle de Kirkpatrick : l’évaluation de la satisfaction apprenante au premier plan, puis : rétention des connaissances, transfert des acquis, impact… Dans ces plans et arrière-plans, des nouveaux acteurs s’imposent peu à peu (notamment les commanditaires et les managers, qui vont négocier les indicateurs de réussite avec la formation).
#4 L’évaluation de la formation se généralise et devient un exercice d’introspection pour les apprenants
La généralisation de l’évaluation est une conséquence de sa numérisation. L’outil ou la plateforme d’évaluation existant, la tendance est de tout évaluer ! Id est évaluer toutes les formations, même quand ça n’a pas grand sens (pourquoi évaluer qu’un apprenant a bien compris telle ou telle fonctionnalité de Word au sortir d’un court film d’écran / aide en ligne qui lui a servi uniquement à dépasser une difficulté dans un document qu’il était en train de produire ?). Généralisation aussi à tous les apprenants pour qui l’évaluation devient un moment obligé de leur formation, en même temps qu’on leur demande d’évaluer leurs connaissances voire leur transformation, et non plus seulement d’évaluer la qualité de la formation reçue… Ce mouvement, qui voit l’apprenant contraint à un exercice d’introspection, est cohérent avec le constat déjà évoqué que la formation ne se préoccupe plus seulement d’elle-même, mais de la façon dont elle contribue à transformer l’organisation et les personnes.
#5 L’évaluation s’étend et devient un flux
On peut donc affirmer que l’évaluation s’étend dans toutes les directions en même temps qu’elle se généralise. Extension donc à toutes les formations, à différents objets de l’évaluation, à l’ensemble des apprenants (y compris dans le cadre de l’extended learning). Extension aussi de sa temporalité : avant la formation (par exemple l’auto-diagnostic de pré-positionnement, qui fleure bon son jargon), pendant la formation (la plupart des sessions sont segmentées en séquences qui sont l’occasion chacune d’une évaluation), après la formation (notamment l’évaluation du transfert des acquis, ou l’évaluation dite à froid). De même que la formation devient un flux - grâce à la multiplication des formats de formation et l’accessibilité des contenus pédagogiques digitaux de plus en plus brefs -, l’évaluation (qui colle maintenant à la formation comme le sparadrap aux semelles du Capitaine Haddock) devient un flux elle aussi.
#6 L’évaluation de la formation s’automatise
L’évaluation consomme des données existantes ; elle en produit aussi de plus en plus. Son but, c’est finalement d’aider toutes ses parties prenantes (apprenants, managers et formateurs en particulier) à prendre des bonnes décisions juste à temps ; pour résumer : la bonne formation au bon moment acheminé vers le bon collaborateur. Plus les données sont nombreuses et de nature variée, plus elles sont potentiellement utiles à la décision, moins elles sont manipulables (traitables “à la main” ou avec Excel). C’est pourquoi l’évaluation de la formation n’échappera pas à une automatisation croissante. Jusqu’où ? Quelle liberté l’humain conservera-t-il face à la prescription automatique ? La liberté qu’il voudra continuer de faire valoir, contre sa paresse de s’en remettre aux algorithmes.
Michel Diaz
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