L’évaluation de la formation doit se cantonner à celle de la satisfaction des apprenants ?
Antoine Amiel : La satisfaction est évidemment un aspect important de l'évaluation de la formation mais elle donne peu d'indications sur le transfert en situation de travail et les compétences. L'un des problèmes de l'évaluation de la formation est qu'elle pose des questions sur la satisfaction en prétendant évaluer le développement des compétences, ce qui revient à demander à un végétarien ce qu'il pense d'un os à moelle. Il faut appeler un chat un chat : demander leur avis aux apprenants fait partie d'une démarche qualité, d'une culture orientée client, c'est essentiel. Mais ce n'est pas évaluer des compétences.
Faut-il évaluer l’impact de la formation sur le développement des compétences, voire sur la performance opérationnelle des apprenants ?
Antoine Amiel : Lorsque j'ai lancé Learn Assembly, j'ai été très surpris de voir que le lien entre les SIRH ou outils de déclaration de compétences et l'offre de learning n'était pas systématique, même de manière artisanale. Pour nous, tout dispositif pédagogique doit inclure a minima un auto-positionnement amont et aval des apprenants : cela lui permet d'être réellement acteur de son parcours. Par contre, aller jusqu'à évaluer performance opérationnelle me semble un peu risqué : il y a trop de facteurs en jeu et le learning doit aussi rester un acte gratuit, un cadeau offert aux collaborateurs pour leur employabilité. Les KPI, c'est bien, mais attention à l'overdose.
Par ailleurs, on peut constater que l'évaluation est encore trop tournée vers le "training", c'est-à-dire la formation formelle (e-learning et présentiel). La preuve, on parle d'évaluation de la formation et non d'évaluation de la culture apprenante ou de l'apprentissage. C'est normal, puisque les entreprises ne considèrent pas encore totalement les pratiques informelles de learning comme des moments d'apprentissage crédibles. L'évaluation ne fait que reproduire une vision qui se limite à l'apprentissage formel. Chez Learn Assembly, nous pensons qu'il faut changer de paradigme en évaluant la culture learning des organisations, plus que leurs formations.
Évaluer les apprentissages informels, n’est-ce pas prendre le risque de les dénaturer par un formalisme qu’on doit réserver aux formations structurées ?
Antoine Amiel : L'un n'empêche pas l'autre ! Les modalités peuvent et doivent se superposer en fonction des objectifs pédagogiques, du nombre de personnes à former, de leur emplacement géographique etc... Avant d'évaluer les apprentissages informels, commençons par les outiller, les valoriser, les légitimer. C'est ce que nous essayons de faire en intégrant les moments informels dans la conception des expériences pédagogiques que nous proposons. On peut proposer des séquences de mentorat dans un dispositif classique par exemple.
Quelle est la part des managers dans l’évaluation de la formation ?
Antoine Amiel : Aujourd'hui, elle reste malheureusement très faible. Nous avons récemment conçu un dispositif pour développer la posture coach et développeur de compétences des managers, mais ce type d'initiative reste assez rare. Peu de nos clients ont ce volontarisme. Dans le monde du travail actuel, les managers sont débordés, soumis à des objectifs court-terme et long-terme. Seuls ceux qui ont une vraie fibre manager coach s'impliquent, ce qui est regrettable.
Quelle approche pour s’assurer qu’ils interviennent de façon pertinente ?
Antoine Amiel : Nous proposons via notre solution Learning Boost une cartographie de la maturité d'apprentissage des entreprises via une questionnaire individuel sur l'agilité d'apprentissage. Les managers de pôles reçoivent un rapport sur leurs équipes, avec un plan d'action pour développer la culture learning. Les rapports sont bien sur anonymisés car Learning Boost est une solution de développement de la capacité à apprendre et pas d'évaluation des collaborateurs. Les managers que nous outillons sont heureux d'avoir un référentiel et des plans d'actions concrets pour développer leurs équipes. Cela leur fait gagner du temps et les valorise. Trop souvent, on leur demande d'être proactifs dans le développement des compétences, sans les accompagner concrètement.
L’évaluation est-elle selon vous une composante de l’organisation apprenante / de la culture d’employabilité ?
Antoine Amiel : Disons que pour aller quelque part, il peut être utile de savoir d’où l'on vient. Et qu'évaluer sa culture learning permet de se donner des objectifs réalistes et concrets. Lorsque nous évaluons la culture learning, nous intégrons des dimensions organisationnelles, process, culturelles et bien sur learning. L'employabilité est un sujet très complexe, encore assez anxiogène. Nous pensons qu'il est important d'avoir une cartographie concrète sur sa culture learning, pour pouvoir la développer. Nous lançons d'ailleurs un baromètre des entreprises apprenantes pour valoriser les meilleures initiatives.
Propos recueillis par Michel Diaz
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