E-learning contre stage ? On a oublié cette bataille d’Hernani du début des années 2000. Les Modernes : le e-learning va creuser la tombe du présentiel ; les Anciens : aucune chance que le e-learning dure, puisque ce n’est pas de la formation (entendue dans son sens canonique : formation égale cours en salle) ! Gagnants : les Anciens, aidés des offres e-learning de fait trop médiocres pour séduire durablement les apprenants. Le présentiel s’est donc maintenu (principalement sous la forme du stage) et l’ensemble des offres, processus, jeux des acteurs qui vont avec. Toutefois les avantages “business” du e-learning (auto-formation en ligne) restaient tels - optimisation des coûts, raccourcissement des délais de formation, etc. - que le stage a dû composer avec lui.
Les querelleurs signent une trêve : c’est le Blended Learning, première manière… Le stage saupoudré de e-learning, avant et après, et quand la personne ne peut participer au stage, elle se contentera de ces contenus en ligne. Un compromis donc, qui arrange tout le monde : le Blended Learning demeure l’affaire des professionnels (formateurs, entreprises et organismes de formation), l’apprenant n’est guère consulté. Le Blended Learning comme simple extension (digital réactive) de ce qui se faisait : beaucoup d’entreprises en sont encore là, et leurs prestataires de formation traditionnels aussi qui se gardent de trop pousser les feux de l’innovation (il s'agit de ne pas cannibaliser les revenus de toujours).
Ce qui se dessine pourtant : un monde où les dispositifs de formation ne sont plus conçus dans un entre-soi de spécialistes (“les professionnels de la profession” de Jean-Luc Godard) ; un monde où ce sont les usages qui décident, c’est-à-dire les apprenants, utilisateurs, “users”… peu importe leur nom pourvu qu’on évite le terme d’usager ! Le Blended Learning part donc de l’apprenant (profil, métier, activités au quotidien, interactions dans l’entreprise) ; c’est l'apprenant qui décide du succès des offres délivrées par le département formation, lequel doit donc étudier vite et de très près la question des usages, mobiles et sociaux en particulier.
Ce qui fait évoluer le Blended Learning ? C’est ce glissement du formateur (/ concepteur / professionnel) à l’apprenant (/ consommateur de formation). Avec un point de fuite : toujours plus de distanciel et de virtuel, un cours en salle dont le champ se réduit considérablement au profit de l’apprentissage au poste de travail, et qui devra se réinventer pour justifier ses coûts, une redéfinition de l’action de formation pouvant supporter les diverses modalités qui permettent aujourd’hui de se former et de s’informer, et qui sera doublement brève, car, du point de vue de l’apprenant, plus court c’est mieux, et les offres doivent se succéder rapidement faute de lasser.
C’est ce mix formation, plus souple, plus riche que le département formation doit aider à émerger et se développer, car c’est celui qu’attendent les apprenants. Le stage n’est pas exclus de ce mix formation, au contraire. Mais ce qui l’est, c’est de penser toute solution de formation à partir du stage. Dans les changements en cours, on voit bien que ce rôle central sera dévolu aux plateformes digitales, comme support des interactions entre le salarié, l'utilisateur et son écosystème d’apprentissage (ressources d’auto-formation, échanges avec les formateurs, les experts et la communauté des co-apprenants). C'est ce que nous disent, chacun à sa manière, tous les contributeurs de ce nouveau Dossier de la rédaction de e-learning Letter : "Blended Learning : où en est-on ?".
Michel Diaz
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