Quel est le rôle du CLO (Chief Learning Officer) et de ses équipes dans un groupe mondial diversifié comme Danone ?

Thierry Bonetto : Le premier rôle de l’équipe Danone Academy, c’est de comprendre les besoins business, pour construire les programmes nécessaires aux enjeux de transformation qui peuvent porter tant sur la mise en œuvre de « fondamentaux » - en particulier dans les pays en croissance, pour transférer les compétences de base aux équipes - que sur l’anticipation des compétences nécessaires pour le futur. Je crois que la formation peut même avoir un rôle d’innovation : nous utilisons par exemple un type de séminaire, dont la dynamique part d’un challenge business, pour construire de façon collaborative des solutions innovantes, créer un alignement sur le changement à opérer, et engager les participants autour de plans d’actions… tout cela grâce à l’apport d’éclairages et d’outils spécifiques. Notre deuxième rôle : construire ces programmes, en sélectionnant les meilleures approches ; nous nous appuyons en particulier sur le digital, par exemple pour accélérer le cycle de transfert des compétences, mais aussi sur des approches telles que les « learning expeditions », pour nous inspirer de ce qui se fait à l’extérieur. Enfin, nous avons pour rôle de veiller au bon déploiement des programmes dans l’ensemble du groupe, et d’en mesurer les impacts. Ces 3 rôles sont pleinement joués par l’équipe centrale Danone Academy à travers des « learning & development committees » existant dans chaque grande fonction : composé d’opérationnels de la fonction, chacun de ces comités définit les enjeux de compétences, la stratégie de formation, l’architecture des programmes… On peut considérer que l’expression « business partner » traduit bien le positionnement des équipes. J’ajouterai pour terminer sur ce point notre responsabilité d’orientation et de suivi de la politique de formation globale, et d’animation de la fonction formation, à travers notamment la définition annuelle des priorités globales, ou la construction de « capabilities » pour la fonction.

Vous utilisez la formule « One Learning a Day » (apprendre quelque chose tous les jours) … est-ce votre vision du modèle 70.20.10 chez Danone ?

Thierry Bonetto : Absolument ! Tout d’abord, cette stratégie veut répondre au challenge d’apprendre à la vitesse du changement.  Dans un monde en constante et rapide évolution, où l’obsolescence des compétences est programmée, nous souhaitons multiplier les opportunités d’apprendre pour chaque employé, et accélérer le transfert des savoirs : apprendre plus vite collectivement est un défi crucial. Au fond la stratégie « One Learning a Day » vise à compléter les formations « présentielles », qui restent importantes chez Danone où la culture de proximité est forte, par l’apprentissage avec les pairs (le « networking » est également inscrit dans la culture du Groupe, même s’il s’est développé beaucoup en face à face), et l’apprentissage « on the job ».  Par rapport au modèle « 70.20.10 », nous avons introduit un angle « digital », afin de le promouvoir dans la transformation de la « culture learning ». Vous l’aurez compris : « One Learning a Day » permet d’engager les RH, les managers et les salariés dans une démarche qui permet de valoriser les différentes modalités d’apprentissage. Affaire de « culture » : c’est pourquoi nous avons démarré par une campagne de communication utilisant une vidéo emblématique du « One Learning a Day ». Notre second axe de travail a été de construire et diffuser des outils. D’une part à destination des employés – par exemple « Comment construire un plan de développement individuel en utilisant l’esprit « One Learning a Day » » -, d’autre part à destination des RH – par exemple « Comment construire un plan de formation en intégrant plusieurs modalités ». Notre 3ème axe a été le lancement de la transformation digitale de la formation en mettant en place une plateforme digitale, « Campus 2.0 », qui touchera à terme tous les employés, et en intégrant une plateforme LMS, une technologie vidéo, la connexion au réseau social d’entreprise - pour favoriser le « Social Learning » - le tout rassemblé sur un portail Web d’accès pour tous. En parallèle, nous avons accéléré la production de modules digitaux.

Quelles sont les principales technologies de formation utilisées ?

Thierry Bonetto : Au-delà du portail « Campus 2.0 », nous avons depuis 2 ans exploré plusieurs voies, certaines classiques, d’autres plus innovantes. Au-delà de modules e-learning « classiques », nous avons développé l’utilisation des vidéos qui trouvent leur place dans des modules courts et thématiques, lesquels intègrent aussi divers outils dont des fiches pratiques, voire des articles d’approfondissement. Nous commençons à expérimenter les Mooc’s :  soit sélectionnés et proposés comme ingrédients d’un programme plus large ; soit prochainement en développement spécifique pour accompagner une transformation au sein de la fonction marketing. Enfin, nous expérimentons depuis 1 an l’utilisation de classes virtuelles, ainsi que d’Apps, par exemple autour du management de proximité. Dans certains cas, la technologie est de fait un moyen incontournable de notre ambition « One Learning a Day » ; parfois, elle est aussi un vecteur de transformation de nos façons d’apprendre.

Comment les dispositifs de formation Danone vont-ils évoluer dans les prochaines années ?

Thierry Bonetto : Au moins selon 3 orientations majeures. D’abord la poursuite de la stratégie que je viens d’évoquer, en termes d’outils et de pratiques, bien sûr, en termes de culture aussi. Par ailleurs nous souhaitons renforcer le rôle de la formation comme levier de transformation au service des mutations de l’entreprise. Enfin, nous voulons contribuer toujours plus étroitement à révéler le potentiel et accélérer le développement des talents individuels des 100 000 employés de Danone… Ce dernier enjeu est de taille,  il pose notamment la question des modalités pratiques de formation, et de l’accessibilité, à la fois technique (multi-device, équipements pour les opérateurs en usine et les forces de vente de proximité) et culturelle, aux modules digitaux.

Propos recueillis par Michel Diaz