Évaluer les savoirs, dans et hors l'entreprise ; prendre en compte leur diversité ; s'assurer d'un tiers de confiance incontestable… Les "Open Badges" sont appelés à transformer en profondeur les pratiques d'évaluation Un Open Badge (on parle aussi d'Open Credentials ou Micro-Credentials) est un enregistrement numérique qui se présente sous la forme d'une image dans laquelle ont été saisies des métadonnées, en particulier sur l’émetteur du badge (une entreprise, une institution d’enseignement…), son propriétaire (celui qui l'a obtenu), les critères et preuves d’obtention. Les badges sont mobiles, et c'est leur propriétaire qui choisit où les afficher. On est bien au-delà des « micro-accréditations » qu’on trouve par exemple dans Linkedin où les critères ou les preuves sont absents, où la mobilité n’existe pas.
Caractéristique particulière des Open Badges : la confiance qu’on peut leur porter : un badge explicite une relation de confiance entre son émetteur et le récepteur. La composition de l’ensemble des badges émis et reçus permet ainsi de créer des chaînes, puis des réseaux de confiance permettant l'émergence de dispositifs de reconnaissance « informelle » des apprentissages eux-mêmes informels. C'est selon moi un apport majeur des badges, et un gisement d’innovation considérable pour l’évaluation et la reconnaissance des savoirs.
Autre propriété des badges : leur diversité. Il y a en effet des millions de types de badge ! On peut recevoir un badge pour avoir participé à une conférence, pour avoir démontré une compétence, on peut s'auto-attribuer un badge et demander à une tierce partie de l'accréditer, concevoir un badge que l'on demande à quelqu'un d'autre de nous attribuer, on peut demander un badge pour démontrer son attachement à des valeurs (j'ai par exemple créé un badge « je suis Charlie ») ou parce que l'on appartient à un réseau. Un badge peut être attribué par une communauté de pairs à une personne et une personne peut attribuer un badge à un groupe (le même badge à chacun de ses membres)... La parole est à l’imagination, mais avec cette rigueur dans cette relation de confiance déjà mentionnée.
Pour celles et ceux qui, à la pensée d'une telle diversité, auraient le vertige, je propose qu’on la réduise à cette simple alternative : concevoir des badges « pour les personnes » ou bien « avec elles ». A ce jour la plupart des badges sont créés par des institutions qui ensuite les attribuent à des personnes. Mais il existe des exemples intéressants, moins nombreux, comme le Volunteer Centre Blackpool au Royaume Uni où ce sont les personnes elles-mêmes, avec le soutien de la communauté, qui conçoivent et attribuent leurs propres badges.
Du coup l’avenir des badges apparaît sans limite, tout le monde pouvant en émettre et en recevoir.… Un peu comme dans eBay où tout le monde peut être vendeur et acheteur ! Les badges sont à la fois personnels et anonymes. Il est impossible pour quelqu'un d'afficher le badge d'un autre ou de prétendre en avoir obtenu un d'une institution qui ne l'aurait pas délivré. Le mécanisme de protection intrinsèque est simple et très efficace. Quant au mécanisme extrinsèque - les réseaux de confiance - il est tout aussi simple beaucoup plus redoutable encore.
Avec l'Open Badge Passport, un projet open source que nous développons avec l'éditeur d'Open Badge Factory, chacun pourra disposer d'une sorte de coffre fort personnel pour stocker, gérer et afficher ses badges, mais aussi d'autres données numériques, comme les preuves associées aux badges. La partie la plus novatrice de l'Open Passport est l'ouverture des données personnelles qu'il contient à des services en ligne, sous le contrôle de leurs propriétaires. Ce dispositif permettra d’offrir une palette riche de milliers de service - ce dont nous nous assurerons dans les prochains mois : les services liés à l'éducation, en tout premier lieu, comme un nouveau type de ePortfolio, des services en relation à l’emploi pour les auto-entrepreneurs en particulier. Avec l’énorme volume de données générées par les badges, les innovateurs n’auront pas de difficultés à imaginer des services auxquels on n'aurait jamais pensé auparavant !
Les éditeurs de plateformes LMS s’intéressent beaucoup au support de ces badges. On mentionnera bien sûr Moodle, une plateforme leader dans le monde open source, qui dispose depuis plus de deux d’une extension pour émettre des badges. La nouvelle norme experience API sera elle aussi intégrée dans l'Open Badge Passport. La plupart des CMS (Wordpress, Drupal, etc.) ont aussi des extensions pour émettre et afficher des badges.
Ces développements commencent à intéresser sérieusement les entreprises. Certaines pensent à tort la question des badges est étroitement liées, voire dépendante, d’un approche MOOC (Massive Online Open Course) ou autres PLOOC (Personal Learning Online Open Community) ! Mais la conception d’un dispositif de badges commence par celle de l'écosystème, et donc du territoire de ses applications, avec une série de questions : quel est le territoire pertinent pour une entreprise ? son bassin d'emploi et de vie ? sa branche professionnelle ? comment valorisera-t-elle les badges émis ?… A Austin où j’intervenais récemment sur les Open Badges à la conférence SXSWedu, j'ai rencontré un collègue Suédois qui m'expliquait sa collaboration avec un groupe d'employeurs sur un dispositif de recrutement fondé sur la participation à des défis : les candidats qui réussissent le défi mais ne sont pas embauchés obtiennent un badge. A suivre, évidemment… Mais c’est un bon exemple en conclusion, pour porter le message que les badges sont de beaux outils permettant de penser en dehors des cadres pré-définis ! On l’aura compris : les Open Badges ont la simplicité des blocs de Lego™. Cette simplicité faite d’une image et de quelques métadonnées ouvre sur des dispositifs fortement innovants. La parole est à l’imagination !
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