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Les effets de la réforme – épisode 3 : les organismes de formation au pied du mur !
17 MARS 2014 / tendances
Crise, digitalisation, concurrence exacerbée… Le marché de la formation résiste toujours et finalement évolue lentement. La réforme de la formation va t-elle être l’élément déclencheur d’une transformation en profondeur ? C’est fort probable. En tous les cas la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 porte en elle les germes d’un changement radical.
Fin de l’obligation fiscale : diminution de l’effort de formation ?

Négociateurs et Gouvernement jurent l’inverse, mais nous sommes prêts à prendre le pari que la fin de l’obligation ouvre la voie à une diminution sensible de la demande de formation. Les mentalités vont changer autour de la formation. "Formation comme taxe obligatoire", c’est terminé. Comment les responsables de formation vont-ils résister à leur direction financière ? Jusqu’à présent, ils pouvaient invoquer l’obligation légale, les cofinancements OPCA, le DIF. Demain, une fois versé le 1% à l’OPCA, que leur restera t-il pour financer le plan de formation ?

L’orientation qualification

Les plus optimistes estiment qu’ils s’adapteront et feront du CPF au lieu du DIF et du plan. Possible, mais cela pose une autre question pour les organismes de formation. Comment faire pour transformer les catalogues DIF et plan en parcours de formation qualifiants ? Car la loi exige que les formations CPF soient qualifiantes. Formation en vue d’obtenir le socle commun de compétences, accompagnement VAE, certifications RNCP ou inventaire RNCP, CQP ou CQPI exactement.

Tout cela ne va pas se faire en claquant des doigts. Il y a de forte chance pour que le CPF démarre lentement en 2015 et 2016. Les fonds non utilisés ne seront pas perdus pour tout le monde. Ils seront réorientés vers la formation des demandeurs d’emploi. Mais ce marché de la formation est bien différent de celui de la formation en entreprise. Ce transfert risque de détruire de la valeur. Les Régions sont de redoutables acheteurs de formation. Le moins coûtant est souvent le critère prépondérant. Au final, à la baisse de la demande se rajoutera probablement une tension sur les prix très forte.

Critères de qualité

Et ce n’est pas fini. A cela s’ajoute un troisième risque majeur pour les organismes de formation : la nouvelle compétence des OPCA et des FONGECIF en matière de qualité de formation. Jusqu’à présent leur rôle consistait à payer sur la base de la réalisation effective de la formation. L’article L.6332-1 leur confie dorénavant la charge d’évaluer "la capacité du prestataire de formation à dispenser une formation de qualité". Cela va probablement tout changer. OPCA et OPACIF seront en droit de refuser une prise en charge s’ils estiment que la prestation n’est pas de qualité.

Reste à savoir ce que l’on entend par qualité de la formation. Les débats sont vifs, les enjeux importants. Des groupes de travail réfléchissent à la question en vue de préparer la rédaction du futur décret. La qualité de la prestation sera t-elle reconnue sur des critères de processus de conception et de mise en œuvre (certification de qualité), sur des critères de profils de formateurs (habilitation de personnes) ou sur des critères de résultat (taux de réussite à la certification, taux de retour à l’emploi, taux de promotions…) ?

La question donne le vertige. On n’ose imaginer ce qu’il restera dans le décret. Quels critères permettront d’évaluer objectivement et, surtout administrativement, la qualité d’un programme blended ! L’usine à gaz nous guette.

Allier les contraires pour sortir gagnant

La réforme semble porter en elle davantage de risques que d’opportunités. Les organismes de formation vont devoir changer vite et radicalement. Ils n’ont que trop retardé leur adaptation au marché. Le syndrome du marché de la presse ou de la musique les guette. Baisse des volumes, baisse des coûts, nouveaux entrants venant de l’internet… tous les ingrédients sont là pour une remise en cause des rentes de situations. Ceux qui résisteront sauront allier les contraires.

Ils devront être à la fois agiles pour avoir des coûts compétitifs et de taille suffisamment importante pour faire face aux pressions sur les prix des donneurs d’ordre entreprises aux budgets limités, OPCA, OPACIF, de Pôle Emploi ou les Régions.

Ils devront être experts du contenu, pour apporter une réelle valeur ajoutée par rapport aux contenus pléthoriques à disposition sur le web, et innovants pédagogiquement pour améliorer la qualité de leurs formations.

Ils devront imaginer des parcours de formation de plus en plus courts et proches des besoins immédiats en compétence, et à la fois proposer des parcours qualifiants pour espérer être financés dans le cadre du CPF.

Ils devront former massivement. On pense alors immédiatement aux MOOC. Mais ils seront certainement attendus sur des résultats concrets en matière d’adaptation au poste de travail ou de retour vers l’emploi. Et cela ne peut se faire qu’à travers une individualisation poussée, ce qui n’est pas la première qualité des MOOC. Le défi à relever est d’industrialiser l’individualisation. La digitalisation, trop souvent retardée de leur offre de formation, va s’imposer comme un incontournable.

Marc Dennery
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