Point d’étape avec Bart Schutte, Director, Digital Learning & New Technologies, à Saint-Gobain, où il est question d’engagement de l’apprenant, de modèle de production des contenus et de plateforme LMS… Surtout le chantier de la formation n’est jamais terminé !
Quelle est la meilleure façon de démarrer le e-learning en entreprise ?
Bart Schutte : Premier constat : une grande partie des modules e-learning actuels ne sont pas très engageants ! D’abord parce qu’ils ont été créés il y a plusieurs années, et les compétences de développement et les technologies ont beaucoup avancé depuis. Ensuite, parce que, même aujourd’hui, les compétences et les moyens restent peu répandus. Résultat : nos apprenants continuent d’avoir une impression mitigée du e-learning ! Mon premier conseil, à une entreprise qui démarrerait dans le e-learning : commencer par des cours d’une qualité suffisante - parlons d’excellence - pour établir une image positive du e-learning. Ce qui, au passage, exclut le développement en interne, ainsi que la simple transposition de formations présentielles existantes… Les modules e-learning ne doivent pas être de simples vecteurs d’information. Pratiquement, le Département Formation pourra commencer par un besoin à fort enjeu pour l’entreprise, et y répondre par une solution sur étagère, ou l’intervention d’un vrai expert du e-learning. A Saint-Gobain par exemple, nous sommes en train de travailler sur un module de sensibilisation aux risques de corruption… Un sujet critique sur lequel tous les cadres du groupe, en France et à l’International, devront se former, et sur lequel nous avons opté pour des vidéos simulant des situations réelles, avec des comédiens professionnels et des apprenants tenus de faire des choix d’action… D’où le nom du programme : « Business Simulation » ! Si le coût en est élevé par rapport à celui de contenus génériques, le niveau de qualité va sensiblement changer la perception du e-learning dans le groupe… Nous voulons que les premières actions remportent le plus vif succès ! Une façon aussi, pour nos équipes, de développer leur expertise sur la pédagogie du e-learning qui ne peut se suffire d’une conversion sommaire d’un fichier PowerPoint. Quant aux contenus sur étagère, pourquoi pas s’ils répondent à un vrai besoin de l’entreprise et sont soutenus par un programme de communication et de conduite du changement, avec une limitation dans le temps, 6 mois par exemple pour 6 heures de e-learning. Quels sont les indicateurs à mettre en œuvre pour suivre les progrès de la stratégie e-learning ? Bart Schutte : Nous utilisons le nombre d’heures moyen de e-learning par mois et par employé, que nous rapportons au nombre d’heures total de formation. Un taux que nous voulons voir augmenter fortement, car il n’est actuellement que de 5,5%… en ligne avec d’autre grands groupes, mais encore insuffisant. Le plus important, ça reste tout de même l’efficacité du e-learning et l’optimisation des coûts qu’il permet, qu’on aimerait pouvoir démontrer par la mise en application du modèle de Kirkpatrick… Mais les données sont très difficiles à recueillir, pour la raison qu’il faut être très clair sur les « learning objectives » : qu’est-ce que le salarié doit savoir ou savoir faire à l’issue de son parcours e-learning ? Après quoi on peut dérouler le modèle : mesure de la satisfaction des apprenants, évaluation des connaissances « à chaud », puis « à froid » pour s’assurer du bon transfert en situation de travail… Il faut aussi impliquer et sonder le manager de l’apprenant, lequel doit connaître les objectifs de la formation, donner à l’apprenant l’opportunité de mettre en pratique, etc. Nous n’en sommes pas encore là, mais c’est notre cible ! Est-il préférable de produire ses contenus sur mesure en interne ou en sous-traitance ?
Bart Schutte : De façon mixte, car la réponse dépend du sujet, des objectifs et du budget. Une sous-traitance maximise la probabilité d’un livrable de qualité, mais ça coûte cher ! Le faire en interne suppose la maîtrise d’outils (qui restent relativement simples) ainsi que des compétences pédagogiques. Comme une partie significative du coût provient des médias, vous avez tout intérêt à vérifier si elles n’existent pas déjà dans l’entreprise. Les coûts internes dépendent aussi de la sensibilité du sujet. Par exemple sur des sujets comme la diversité ou les règles de comportement, la validation des textes et du module prennent beaucoup de temps. Quant au délai, ils dépendent aussi de cette sensibilité : d'un mois sur des sujets simples à plus d’un an sur d’autres. J’ajouterai la prise en compte du facteur multi-langue qui n’est pas le moins compliqué. Nous avons une utilisation croissante de la vidéo, parce que c’est bon marché et très en prise avec ce que les apprenants attendent. Pour 1500 € d’équipement, un peu de recherche sur le Web, et 300 € de logiciel, le tout facile à utiliser, on arrive à de beaux résultats… La plateforme LMS est-elle essentielle aux nouvelles stratégies de formation ?
Bart Schutte : Un rôle essentiel déjà pour remplir les obligations de reporting social et règlementaire. Mais pas seulement : le LMS permet de mettre à disposition le catalogue de formation, et la gestion de sa formation par le salarié lui-même… En même temps on peut apprendre autrement : par le Web, par YouTube… Ce qu’on appelle le learning 2.0 est d’actualité, et le challenge pour les LMS, c’est de progresser pour prendre en compte ces nouvelles évolutions. Le choix d’un LMS reste ardu : l’entreprise doit être au clair sur ses besoins, ses objectifs, sa vision pour la formation qui doivent être validés dans le LMS sous la forme d’un Proof-Of-Concept !
Quelles sont les nouvelles compétences requises du Département Formation ?
Bart Schutte : D’abord avoir une bonne maîtrise de la la pédagogie. La formation sur le tas ne suffit pas, il faut aussi se former de façon structurée, auprès d’experts. Le contact avec les fournisseurs peut aussi être fructueux, même si on n’adhère pas toujours à leurs propositions pédagogiques… Car c’est le Département Formation qui sera jugé par les apprenants, et non les fournisseurs ! Là où le métier devient passionnant, c’est qu’il faut maintenir une veille permanente sur les évolutions de la formation, identifier les meilleures pratiques, les technologies utiles… Et sortir de l’artisanat, en promouvant une gestion de projet professionnelle, des processus solides, partagés… A Saint-Gobain, nous y travaillons !
Propos recueillis par Michel Diaz
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