Rencontre avec Vincent Belliveau, General Manager EMEA de Cornerstone OnDemand… Analyse des tendances qui animent la gestion des talents, en France, et ailleurs, et de la réponse qu'y apporte ce leader des solutions intégrées…
Comment voyez-vous l'évolution de la gestion des talents dans les entreprises ?
Vincent Belliveau : Autrefois, la notion de "talent" se limitait souvent à des cas particuliers : formation des cadres, gestion des hauts potentiels, graduate programmes et parcours d’intégration.
En situation de crise et pour demeurer durablement compétitive, l’entreprise doit considérer chaque employé comme une réelle ressource dont tout le potentiel doit pouvoir s’exprimer. Répondre à ce défi modifiera considérablement la gestion des talents en France, comme l’étude ANDRH-Féfaur soutenue par Cornerstone l’a démontrée. Nous observons une réelle prise de conscience de la portée stratégique de la gestion des talents pour l’ensemble des collaborateurs. Une prise de conscience aussi de l'importance du poste salaires, qui doit être considéré comme un investissement très rentable et non comme un coût.
Par ailleurs, la « consumérisation » de l’entreprise change complètement la donne en ce qui a trait aux attentes des collaborateurs quant aux systèmes et moyens que l’entreprise met à leur disposition. Cela a un impact majeur en particulier au niveau de la gestion de la formation et des talents.
Qu'appelez-vous "consumérisation de l'entreprise" ?
Vincent Belliveau : Il y a sans doute une part d'ironie dans cette expression… mais de plus en plus, les collaborateurs ont des outils personnels - smartphone, tablettes, etc. - plus puissants que ceux mis à leur disposition dans l’entreprise. On constate que l’accès au savoir a radicalement changé ces dernières années avec Google, YouTube et autres plateformes. Il en va de même pour les moyens de communication et d’échange, avec LinkedIn ou Twitter. Les SIRH doivent impérativement se mettre à la pointe de ces avancées technologiques, au moins pour ne pas être distancés par ces grands courants sociétaux. Par exemple l’utilisation des outils personnels dans l’entreprise, qui était une hérésie pour les services informatiques, devient la norme pour les téléphones et tablettes… Ce phénomène qu'on qualifie de "BYOD" (bring your own device) permet à l’employé de maîtriser son matériel… et à l'entreprise de ne pas avoir à tout financer !
Les échanges que je peux avoir avec les DHR, notamment sur les défis qui s'imposent à eux, confirment qu’ils veulent sinon prendre les devants au moins rattraper leur retard… Il faut aujourd’hui composer avec les nouveaux outils de la mobilité, les réseaux sociaux et l'ensemble des flux d’informations dont le volume croît de façon exponentielle… Les DRH doivent s'approprier les démarches BigData, faire de la technologie un moyen de mettre sa stratégie en musique et non plus de simples outils de support.
Quels sont les principaux facteurs d'évolution de la gestion des talents ?
Vincent Belliveau : La globalisation des marchés et des entreprises, les profonds changements intervenus dans les façons de travailler, l’éclatement des hiérarchies, l’avènement de la consumérisation des entreprises, le nombre et la diversité des générations en activité (traditionalistes, baby boomers, génération X, génération Y)… On est en fait bombardé de facteurs qui changent la donne ! Ce qui nous marque : la façon dont la relation entre les employés et leur entreprise a bougé, évolué depuis quelques années, crise et changements générationnels aidant. Il ne s'agit pas seulement que le collaborateur soit motivé par sa description de poste, une meilleure visibilité de son impact pour l’entreprise ou son potentiel de développement… Il faut aussi que l'environnement de travail réponde à de nouvelles exigences : flexibilité des horaires, travail de chez soi, mobilité, importance des relations interpersonnelles… Ces aspects sont encore plus présents dans la génération Y : ils s'imposeront aux entreprises qui veulent attirer et fidéliser les meilleurs employés.
Autre chose : fédérer l'ensemble des données et échanges est devenue une tâche impossible, sauf pour les entreprises qui investissent résolument dans des solutions adaptées intégrant notamment ce qu'on appelle des outils de Business Intelligence.
En quoi la nouvelle version de la suite Cornerstone OnDemand répond à ces enjeux ?
Vincent Belliveau : Nous innovons continuellement à travers tous nos modules, mais trois innovations transverses sont particulièrement importantes, et reflète bien notre volonté de ré-imaginer le monde du travail avec nos clients. D’abord, le lancement de la nouvelle version de Connect, notre outil de collaboration et de gestion des réseaux sociaux : les collaborateurs ont maintenant un outil unique de gestion des projets et de travail en équipe avec des fonctionnalités avancées de reporting, de formation et d’évaluation. Nous avons complètement repensé la collaboration dans l’entreprise, et notamment l’apprentissage dit informel, dans le contexte de cette consumérisation des entreprises déjà évoquée et spécifiquement dans le but d’accroître la productivité des collaborateurs. Ensuite, notre nouvelle suite Mobile permet de gérer les processus de gestion de la formation, du recrutement et des talents avec une productivité et une accessibilité inégalée. Notre souci d’aider nos clients à tirer profit des volumes de données toujours grandissants nous a poussé à améliorer significativement les outils d’analyse et de reporting de notre suite Analytics.
Où en est la croissance de Cornerstone OnDemand ?
Vincent Belliveau : Cornerstone compte plus de 1300 entreprises clientes et 11 millions d’utilisateurs dans 190 pays et 41 langues. Notre chiffre d’affaire 2012 atteint $117.9 million, en croissance de 56% par rapport à l’année précédente. Notre capitalisation boursière atteint aujourd’hui plus de 2 milliards de dollars et notre actionnariat est stable. Nous continuons à gagner des clients importants partout dans le monde, en Europe et en France, incluant des entreprises de toute taille et de toute industrie, avec, pour ne prendre que des exemples européens : Hydro, Statkraft, Damart, Saint Gobain ou Bulgari.
Nous continuons certes d’afficher des pertes, comme la majorité des grands acteurs en mode SaaS, mais nous continuons de générer des flux de trésorerie d’exploitation positifs, et ce depuis 2011. Comme nos liquidités se montent par ailleurs à plusieurs centaines de millions de dollars, nos clients sont garantis d'une grande pérennité et d’un partenariat pour de très longues années !
Le marché français est important pour Cornerstone OnDemand…
Vincent Belliveau : En Europe, la France est certainement après le Royaume-Uni le pays le plus avancé en matière de gestion des talents. La notion de formation professionnelle est plus avancée que dans de nombreux autres pays grâce aux incitations telles que le DIF ou les programmes de financement gérés par les OPCA. Le e-learning affichait un retard important il y a quelques années, mais l’écart commence à être comblé. En revanche, la notion d’évaluation n’est pas la même qu’aux états-Unis par exemple, de même que les processus de recrutement. Enfin, le principe d'une gestion intégrée des talents, unifiant les processus de gestion de la formation, de la performance, des compétences, des talents, du recrutement et de la rémunération, est en train de s’imposer à une vitesse qui va franchement au-delà de nos espérances. Les entreprises, organismes à but non-lucratifs, et aussi organisations gouvernementale voient bien tous les avantages qu'il y a à s'engager dans cette démarche, notamment en matière d'efficacité RH et d'optimisation de leur architecture informatique.
L'arrivée de SuccessFactors et la mise en ordre progressive de Taleo changent-t-ils la donne ?
Vincent Belliveau : Légèrement, mais plutôt de façon positive. Nous voyons Oracle et SAP autant comme des partenaires que des compétiteurs. Une grande majorité de nos clients utilise l’une de ces solutions pour la gestion de leur base de données RH. Les entreprises françaises voient les bénéfices de travailler avec un véritable spécialiste de la gestion des talents, plutôt que de faire appel à un généraliste, notamment au niveau du rythme d’innovation. Notre stratégie de développement organique (contrairement aux stratégies de développement de l’offre par acquisition) plaît également aux entreprises françaises, pour des raisons évidentes, ne serait-ce qu'en terme d'expérience utilisateur et de qualité de service qu’une solution véritablement unifiée permet d’offrir.
Enfin, Cornerstone est présent depuis de nombreuses années en France et a considérablement investit pour que la plateforme soit conforme aux exigences du marché français, en particulier au plan réglementaire. Toute concurrence est saine et notre positionnement de principal fournisseur indépendant spécialiste du Talent Management nous permet de proposer à nos clients des prestations de qualité !
Propos recueillis par Michel Diaz
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