À l’occasion d’un webinaire organisé par Frello, les résultats d’une étude menée par Féfaur ont permis de mettre en lumière l’impact méconnu des lacunes en langue française dans les entreprises. Entre enjeux opérationnels, performance des formations et développement humain, la question de la maîtrise du français mérite une attention nouvelle de la part des responsables formation.
Une formation rare et peu structurée
Selon le premier sondage lancé en direct pendant le webinaire, plus de 60 % des participants déclarent que moins de 5 % de leurs collaborateurs ont bénéficié d’une formation en français ces trois dernières années. Un chiffre qui ne surprend pas Gabriel Maurisson, co-fondateur de Frello : « C’est un sujet souvent sous-estimé, et d’ailleurs rarement mesuré ». Dans les faits, la maîtrise du français est présumée, jamais vérifiée. Et lorsqu’elle fait défaut, la réponse formation est fréquemment absente ou improvisée. Pourtant, dans un environnement où l’on multiplie les dispositifs d’évaluation, la langue reste un angle mort, sans indicateurs, sans suivi, sans stratégie.
Des conséquences visibles sur l’activité
Deux responsables formation, Lydie Lepage (Brioche Pasquier) et Karine Poizat (Groupe AGPM), ont partagé leur expérience sur les effets très concrets des lacunes linguistiques dans leurs entreprises respectives. Chez Brioche Pasquier, la question s’est posée dans un contexte de recrutement sous tension et de forte diversité culturelle. « Les difficultés sont surtout orales : comprendre les consignes, suivre un brief, travailler en sécurité », explique Lydie Lepage. La langue devient un prérequis invisible pour exister dans le collectif de travail. Du côté d’AGPM, c’est la relation client qui est en jeu. Karine Poizat observe que « la qualité de l’expression a un impact direct sur la satisfaction client et sur la durée des appels. Mais elle joue aussi sur l’image professionnelle du collaborateur, et donc sur sa mobilité ». Le lien entre maîtrise du français et progression interne est explicitement établi.
Des difficultés souvent dissimulées
Ce que l’étude commandée par Frello à Féfaur confirme, c’est que la plupart des salariés concernés n’expriment pas leur difficulté. Gabriel Maurisson parle de « stratégies d’évitement : on n’écrit pas, on ne parle pas, on contourne ». Résultat : un niveau mal évalué, des besoins mal identifiés, et une sous-performance invisible. Les profils concernés sont variés. Les salariés de terrain, bien sûr, souvent peu qualifiés ou issus de parcours migratoires, ainsi que des managers intermédiaires, anciens opérateurs promus, ou encore des jeunes diplômés dont l’expression écrite laisse à désirer. Les lacunes linguistiques ne sont plus cantonnées à une seule catégorie de personnel.
Un accompagnement dans la durée
Chez AGPM comme chez Brioche Pasquier, les solutions mises en œuvre ont en commun une temporalité longue et une logique individualisée. Karine Poizat a lancé un programme volontaire sur un an, avec évaluation initiale, parcours modulaires en ligne et accompagnement RH : « Beaucoup ont été surpris par leur niveau. L’évaluation a joué un rôle déclencheur ». Même logique chez Brioche Pasquier, avec un parcours hybride : trois heures par semaine sur le temps de travail, accès à la plateforme Frello, et accompagnement en interne par des « parrains » chargés de faciliter l’appropriation du vocabulaire métier. « Chacun avance à son rythme, selon son planning et ses besoins », précise Lydie Lepage. Une formule adaptée à un environnement industriel fortement contraint.
Des contenus contextualisés et mesurables
L’un des enseignements du webinaire tient à la nécessité de relier la formation en français aux réalités concrètes de l’entreprise. Gabriel Maurisson insiste : « Il ne s’agit pas de refaire l’école. Il faut ancrer les contenus dans les usages métiers : hygiène, sécurité, consignes, relation client ». Cette approche facilite l’appropriation et permet de mesurer des effets directs, notamment en matière de réduction des erreurs, d’amélioration de la productivité ou de performance managériale. Le français devient un levier opérationnel à part entière, dont le retour sur investissement peut être objectivé.
Une compétence absente des référentiels internes
L’étude menée par Féfaur révèle un angle mort récurrent : dans la majorité des entreprises, la maîtrise du français n’apparaît pas dans les référentiels de compétences. Karine Poizat le regrette : « Tant que la langue n’est pas reconnue comme compétence professionnelle, elle ne sera ni évaluée ni développée ». Les chiffres confirment cette absence de pilotage : 71 % des entreprises interrogées ne procèdent à aucune évaluation du niveau linguistique de leurs collaborateurs. L’intégration de la langue dans les diagnostics de compétences reste l’exception. Or, sans visibilité, pas de stratégie.
Un impact au-delà du strict cadre professionnel
Pour nombre de salariés, progresser en français ne se limite pas à mieux comprendre une consigne ou à écrire un e-mail. Cela signifie aussi être plus autonome dans la vie quotidienne. Gabriel Maurisson évoque « la capacité à lire un document administratif, à aider ses enfants à faire leurs devoirs, à s’exprimer dans l’espace public ». Chez Brioche Pasquier, certains salariés poursuivent leur formation en dehors des horaires prévus. D’autres demandent à intégrer le dispositif alors qu’ils ne faisaient pas partie du public cible. « Cela crée une dynamique positive dans l’équipe, et remet l’humain au centre », observe Lydie Lepage. La langue devient ici un facteur de cohésion et d’intégration.
Replay du Webinaire du 3 avril 2025 - La maîtrise du français, un levier de performance ?
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