Quel responsable de formation n'a pas un jour reçu pareil message : « Le stage que nous venons de financer pour l'équipe commerciale était-il vraiment utile ? » La question de l'impact hante les responsables de formation comme un fantôme qui n'aurait jamais trouvé le repos. Dans une récente conférence organisée par Docebo et Féfaur, un état des lieux sans concession sur cette problématique a été dressé. La plupart des entreprises françaises, bien que matures dans leur stratégie de formation, limitent trop souvent encore leur évaluation au seul niveau de la satisfaction.
De la satisfaction à la mesure d’impact
Quand on demande aux responsables de formation quelle mesure reflète le mieux la valeur d'une formation, 57 % choisissent désormais « l'augmentation de la productivité et les économies générées ». Lucas Chauvin, executive account chez Docebo, commente ce résultat : « Trop souvent, on voit des entreprises sur le marché qui confondent satisfaction et impact de la formation. L'augmentation de productivité est une réponse qui prouve qu'il y a eu un impact sur l'entreprise puisqu'on constate une économie sur la partie pécuniaire. » Cette maturité conceptuelle ne se traduit malheureusement pas toujours dans les faits. Combien se contentent encore de distribuer des questionnaires de satisfaction à la fin des sessions ?
Retour sur le modèle de Kirkpatrick… et la question des données
Le modèle de Kirkpatrick nous rappelle qu'une évaluation complète comporte quatre niveaux : la réaction (satisfaction), l'apprentissage (connaissances acquises), le comportement (transfert en situation de travail) et les résultats (impact sur la performance). Michel Diaz, Senior Analyst chez Féfaur, souligne : « Ces quatre niveaux ne sont pas indépendants les uns des autres. La difficulté vient de la nécessité d'assurer une continuité entre eux. Traditionnellement, le responsable formation avait un champ d'action limité jusqu'à la fin de la formation, rarement au-delà. » Le responsable formation d'une grande entreprise témoignait récemment : « J'ai organisé une formation pour les managers seniors. Après la session, un membre du CODIR m'a fait part de son scepticisme… Mais, je n'avais aucune donnée pour comprendre ce qui n'avait pas fonctionné. » Cette anecdote illustre un véritable talon d'Achille : l'absence de données structurées sur l'impact réel des formations au-delà de la simple satisfaction. Or, l'exploitation des données représente aujourd'hui l'une des clés pour résoudre cette équation.
L’IA au secours de la mesure d’impact ?
L'intelligence artificielle n'est finalement que le prolongement d'une tendance plus ancienne : l'exploitation des données pour personnaliser l'apprentissage. « L'IA a été créée en 1956, quand un ordinateur a joué aux échecs pour la première fois contre un humain, rappelle Lucas Chauvin. Elle ne va pas remplacer les emplois, mais vous aider à automatiser des processus, à les accélérer et à être beaucoup plus personnalisée dans votre approche pour chaque apprenant. » Cette technologie procure trois avantages majeurs pour mesurer l'impact : l'automatisation du suivi des compétences, l'hyperpersonnalisation des parcours, et la recommandation intelligente de contenus. Un exemple ? Les commerciaux formés à un nouveau pitch de vente. Un questionnaire préformation révèle que 50 % d'entre eux maîtrisent déjà l'argumentaire. Après la formation, ce taux passe à 90 %. Les résultats commerciaux montrent ensuite une augmentation du taux de conversion de 10 %. La corrélation est établie, l'impact démontré. Mais, la véritable révolution réside dans ce que Josh Bersin appelle « learning in the flow of work ». Car l'impact d'une formation dépend largement de sa capacité à s'intégrer dans le quotidien professionnel.
Travailler c'est apprendre, apprendre c'est travailler
« La distinction qui existe entre l'apprentissage et le travail dans le monde professionnel est une distinction totalement arbitraire, affirme Michel Diaz. Travailler, c’est apprendre, et apprendre, c’est travailler ! » . Cette idée simple transforme radicalement notre approche de la formation. Les plateformes modernes proposent désormais d'intégrer le contenu pédagogique directement dans les outils quotidiens des collaborateurs. Plus besoin de quitter Teams ou le CRM pour se former : l'apprentissage vient à l'utilisateur, pas l'inverse. Cette intégration transparente représente un gain d'engagement considérable. « Nous avons une augmentation de l'engagement de plus de 22 % en moyenne quand on intègre Microsoft Teams directement dans la solution LMS », précise Lucas Chauvin. « Plutôt que de demander à un apprenant de quitter son outil quotidien pour se connecter à une solution tierce, on va pousser du contenu directement dans ses outils quotidiens. » L'exemple du groupe REXEL, qui a déployé cette approche auprès de 30.000 collaborateurs, est édifiant. Dès le premier mois, 44 % des employés se sont connectés à la plateforme. Sur l'année, l'engagement des apprenants a atteint 87 %, aboutissant à 258.000 cours validés.
On peut rendre la formation obligatoire, mais pas l'engagement
« On peut mettre en place tous les dispositifs de formation possibles, mais on ne peut pas forcer l'engagement », souligne Michel Diaz. « Vous pouvez créer les conditions, néanmoins, c'est à l'apprenant de faire le pas décisif. ». Malgré des investissements massifs dans les outils et contenus, les taux d'engagement restent souvent décevants. Pourquoi ? Parce que la formation reste perçue comme une activité déconnectée du travail réel, une contrainte supplémentaire dans un emploi du temps surchargé. La solution passe par un renversement de perspective : au lieu de demander aux collaborateurs de s'adapter à la formation, c'est à la formation de s'adapter aux collaborateurs. L'apprentissage doit arriver au moment précis où le besoin se fait sentir, avec exactement le contenu nécessaire. Cette approche est particulièrement pertinente pour les populations « de terrain », traditionnellement plus difficiles à toucher. Les plateformes modernes proposent plusieurs réponses à ce défi : applications mobiles simplifiées, formation par les managers de proximité, intégration des certifications externes. « Tout cela est largement résolu aujourd'hui grâce à des systèmes comme Docebo et l'exploitation des données », conclut Michel Diaz. « Les données sont connues par les responsables formation, mais elles sont aussi partagées avec les métiers, avec les managers. Il y a une capacité ensemble, autour des données, à identifier la situation et à donner vie au modèle de Kirkpatrick. »
La mesure de l'impact devient ainsi un processus continu, permettant aux responsables formation de changer leur positionnement : non plus simples gestionnaires d'un centre de coûts, mais véritables partenaires stratégiques contribuant directement à la performance.
|