Les années se suivent et se ressembent : mutations tous azimuts (transformation environnementale, généralisation numérique, révolution de l'IA)… Des mutations qui donneront le tournis aux responsables de formation dont le rôle (central) se confirme, dans l’adaptation des organisations aux exigences du marché du travail ( l'horizon 2030). L'édition 2025 du rapport annuel toujours très attendu « Future of Jobs Report » met en lumière les stratégies gagnantes pour former et requalifier (re skilling) efficacement les collaborateurs.
Les moteurs du changement : technologies et transitions vertes
Selon le rapport du World Economic Forum (disponible ici : Future of Jobs Report 2025), l’élargissement de l’accès numérique et les avancées en intelligence artificielle (IA) transformeront près de 60 % des entreprises d'ici à 2030. Les responsables de formation sont confrontés à un défi complexe : intégrer des compétences technologiques telles que la cybersécurité ou l’analyse de données tout en préparant leurs équipes à répondre aux défis environnementaux. Soit l’exemple de l’industrie automobile : pour accompagner la transition vers les véhicules électriques et autonomes, les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants investissent massivement dans la formation de spécialistes en énergie renouvelable et en conception de systèmes autonomes. Soit l’autre exemple du secteur de la formation (pour que le cordonnier ne soit pas le plus mal chaussé !) : la transition environnementale et les avancées en IA incitent les organismes à développer des programmes spécifiques, tels que la gestion durable des équipements ou la conception de modules d’apprentissage personnalisés par l’IA. Ces efforts illustrent une tendance globale : à chaque innovation correspond une augmentation de la demande en compétences pointues.
L’évolution des compétences : entre stabilité et bouleversements
Le rapport prévoit que près de 39 % des compétences existantes seront transformées d'ici à 2030, un chiffre légèrement inférieur à celui observé en 2023. Cependant, les compétences dites « stables » – comme l’analyse critique, la créativité et la capacité à influencer – restent des piliers essentiels. Les entreprises qui s’adaptent le mieux sont celles qui mixent habilement ces fondamentaux avec des compétences technologiques montantes. (Contrairement aux doutes qui subsisteraient encore, il est toujours possible, jusqu’à un certain point, de développer les compétences « stables » des adultes : par exemple, l’analyse critique peut être renforcée par des exercices de résolution de problèmes et des études de cas ; la créativité se cultive par des ateliers de design thinking ; et la capacité à influencer peut être travaillée via des simulations de négociation ou des formations en leadership.) À cet égard, les écoles d’ingénieurs et les organismes de formation jouent un rôle capital en adaptant leurs programmes à ces tendances. L’ajout de modules d’apprentissage sur l’IA et la gestion de la résilience au changement reflète une stratégie de plus en plus répandue : combiner des savoir-faire techniques avec des compétences interpersonnelles.
Les stratégies de requalification : un élément décisif pour la compétitivité
Pour 85 % des employeurs interrogés dans l’étude du WEF, la requalification représente une priorité absolue. Pourtant, un autre chiffre interpelle : seuls 29 % des employés devraient être requalifiés dans leur poste actuel. Cela souligne l’urgence de mettre en place des politiques ambitieuses de mobilité interne. Un exemple frappant est celui du programme ReKnow lancé par Renault visant à requalifier ses employés vers les métiers de l'électrique et du numérique, en réponse à la transition vers les véhicules électriques ; un programme intégrant des formations intensives et des partenariats avec des institutions académiques pour assurer une montée en compétences adaptée aux besoins futurs.
Inclusion et bien-être : des leviers de transformation
Les employeurs reconnaissent de plus en plus l’importance des initiatives de diversité et d’inclusion. En Amérique du Nord, par exemple, 83 % des entreprises ont déjà mis en place des politiques de diversité. Cependant, on observe récemment un démantèlement de ces politiques dans certaines grandes entreprises, qui signe un possible retournement de tendance. En Europe, l’accent est mis sur le bien-être des employés, identifié comme un facteur clé d’attraction et de rétention des talents. Ces pratiques traduisent une vision élargie de la formation : il ne s’agit plus seulement d’acquérir des compétences techniques, mais également de créer des environnements où les collaborateurs se sentent valorisés et soutenus.
Vers une formation continue alignée sur les enjeux globaux
L’adaptation des programmes de formation à l’échelle mondiale est indispensable pour répondre aux besoins des économies locales tout en anticipant les tendances globales. Avec une prévision de 170 millions d’emplois créés d'ici à 2030, et par ailleurs 92 millions de postes détruits, la compétition pour les talents qualifiés s’intensifie. Quant à la France, environ un million d'emplois pourraient être créés d'ici à 2030, selon les projections de la DARES et de France Stratégie, tandis qu'environ 760 000 postes seraient à pourvoir chaque année, en tenant compte des départs à la retraite. Ces données soulignent l'importance d'adapter les dispositifs de formation pour répondre aux besoins spécifiques de l'économie française.
Direction L&D : virage stratégique imminent ?
Les responsables de formation doivent donc opérer un virage stratégique, intégrant des outils d’anticipation comme les données prédictives, les analyses sectorielles et les simulations scénaristiques pour orienter leurs actions. Ces outils permettent d’identifier les compétences critiques à court et moyen terme, tout en anticipant les tendances globales du marché du travail. Des solutions technologiques (comme Galaxy, développée par Cornerstone (voir article dans e-learning Letter) supportent cette approche en procurant des fonctionnalités avancées pour analyser les besoins en formation, personnaliser les parcours d’apprentissage et aligner les compétences des collaborateurs sur les objectifs stratégiques des organisations. Par ailleurs, le regroupement, dans l’entreprise, entre emploi et formation, qui a parfois existé sous divers titres (responsable formation et emploi, responsable formation et recrutement, responsable formation et développement), retrouve pleinement sa pertinence. Car, l’enjeu n’est plus seulement de former, mais de prévoir et d’éclairer l’avenir du travail.
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