Nés en 1997, les Groupes de Codéveloppement Professionnel (GCP) s’imposent progressivement comme une méthode innovante et structurée pour améliorer les pratiques professionnelles. Ils visent à développer l’intelligence collective et à favoriser la résolution de problèmes dans divers secteurs. Denis Cristol souligne que, si leur efficacité semble patente dans le champ du développement des compétences individuelles comme dans celui de la transformation organisationnelle, des études quanti devront toutefois en approfondir la portée.
Bref rappel historique…
Les Groupes de Codéveloppement Professionnel (GCP) sont des dispositifs d'apprentissage collectif, initialement conçus par Adrien Payette et Claude Champagne en 1997. Ils permettent aux participants de réfléchir sur leurs pratiques professionnelles et d'améliorer leurs compétences. Cette méthode repose sur un protocole structuré en plusieurs étapes et met l'accent sur le collectif, le partage d’expériences et la résolution de problèmes. L’intérêt pour les GCP a suscité de nombreuses recherches, principalement en francophonie, afin d’évaluer leur efficacité, leur implantation dans divers secteurs, et les effets qu’ils produisent sur les participants, les groupes et les organisations. Je me réfère ici à une étude s'intéressant à 50 recherches qui montrent l'efficience de la méthode et qui en cerne les effets à titre individuel et organisationnel.
Une méthode structurée et collective
Le GCP repose sur un protocole rigoureux qui guide le groupe dans l’analyse de problématiques concrètes, soumises par l’un des participants. Ce protocole suit plusieurs étapes clés : choix du sujet, exposition de la problématique par le « client » (celui qui présente un cas), questions de clarification par les autres membres, contrat de consultation, phase de consultation où des conseils sont apportés, synthèse et plan d’action par le client, suivi d’un débriefing collectif. Cette structuration permet de créer un cadre sécurisé dans lequel les échanges sont productifs et respectueux. La méthode repose sur la conviction que le collectif peut générer des solutions plus riches et nuancées que celles trouvées de manière individuelle. Un des aspects fondamentaux du GCP est l’accent mis sur le rôle du « facilitateur », qui, contrairement à un formateur ou à un expert, ne fournit pas directement de solutions. Il s’assure plutôt que les processus relationnels au sein du groupe se déroulent de manière fluide et efficace, permettant ainsi aux participants de tirer le meilleur parti de l’intelligence collective. Le facilitateur veille également à ce que chacun puisse activement participer et que les interactions restent constructives, dans un cadre de respect et de bienveillance.
Déclinaisons et usages des GCP
Le GCP trouve des applications variées dans de nombreux contextes professionnels. En éducation, il est utilisé pour soutenir la réflexion des enseignants sur leurs pratiques, et faciliter la transition professionnelle lors de changements de posture ou de contextes. Des études, comme celle de Caron (2019), montrent que l’adoption du GCP dans les établissements scolaires peut encourager les enseignants à modéliser des comportements réflexifs qui se transmettent ensuite à leurs élèves, renforçant ainsi la dynamique d’apprentissage collectif.
Dans les métiers du soin, le GCP est aussi un outil précieux pour améliorer la compétence pédagogique des préceptrices infirmières et pour briser l’isolement des professionnels. Il procure un espace où les soignants peuvent échanger sur leurs expériences, trouver des solutions à des problématiques complexes et renforcer leur capacité d'analyse et de recul sur leurs pratiques. Jacques (2014) a montré que les préceptrices ayant participé à des GCP sont devenues des modèles pour leurs collègues, leur permettant ainsi d’améliorer la qualité de la formation au sein de leur institution.
Les entreprises ne sont pas en reste, et l'adoption des GCP est devenue courante dans de nombreuses organisations. En France, des structures comme l'Association Progrès du Management (APM) et Germe, qui regroupent respectivement des milliers de dirigeants et cadres, ont intégré le GCP dans leurs pratiques de management. Cette méthode permet de rompre l'isolement des dirigeants, d'encourager la réflexion sur des problématiques managériales et d'améliorer la cohésion d'équipe. Les GCP y sont souvent perçus comme un levier pour favoriser une transformation organisationnelle, en développant la collaboration, l’ouverture au changement, et une mentalité d’apprentissage collectif.
Les effets des GCP : des individus aux organisations
Les recherches montrent que les GCP produisent des effets positifs tant sur les participants que sur les organisations dans lesquelles ils sont implantés. Sur le plan individuel, les participants au GCP développent une meilleure maîtrise de l’écoute, une capacité accrue à poser des questions réflexives, et une ouverture à d’autres points de vue. Ces bénéfices sont particulièrement marqués dans les contextes où les professionnels traversent des transitions ou font face à des défis complexes, comme les enseignants en début de carrière ou les managers en période de transformation organisationnelle. Morneau (2013) a ainsi montré que les GCP soutiennent l’acquisition de compétences en gestion, en permettant aux participants de mieux envisager les problématiques organisationnelles sous différents angles et d’améliorer leur capacité à collaborer.
Sur le plan collectif, le GCP renforce la dynamique de groupe, en créant un espace où la parole peut librement circuler et où les émotions peuvent être exprimées et accueillies. Au fil des séances, les groupes de GCP évoluent, gagnant en maturité et en capacité à co-apprendre. Champagne (2018) a montré que les GCP développent une « sagesse collective », où les participants apprennent à sortir de leur isolement, à clarifier leurs objectifs professionnels, et à contribuer activement à la résolution de problématiques communes.
Concernant les organisations, l’impact des GCP est notable en matière de développement organisationnel. Utilisés à grande échelle, ils participent à la transformation des cultures managériales et à l’accompagnement du changement. Le cas de l’entreprise mutualiste étudiée par Combes (2022) illustre comment la pratique des GCP peut transformer les postures managériales en favorisant une approche plus humaine et collaborative du management. En impliquant les managers dans des GCP, cette entreprise a cherché à renforcer la confiance et la communication entre les collaborateurs, avec des effets bénéfiques sur la motivation et l'engagement des équipes.
Les perspectives et limites de la recherche sur les GCP
Malgré leur succès grandissant, les études sur les GCP restent principalement qualitatives et se basent souvent sur des études de cas ou des observations de terrain. Bien que ces enquêtes proposent des insights précieux, elles manquent parfois de rigueur scientifique pour mesurer de manière systématique l’impact des GCP. La plupart des études sur les GCP sont menées par des praticiens ou des chercheurs impliqués dans les groupes, ce qui peut biaiser les résultats. Il serait donc pertinent de mener des recherches quantitatives plus robustes pour évaluer précisément les effets des GCP sur les compétences individuelles, la dynamique de groupe et le développement organisationnel.
Pour prendre du recul et approfondir : L’art de la facilitation
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