L’occasion m’a récemment été offerte de participer à une table ronde de KPMG portant sur l’expérience employé. Au menu, notamment, la recherche grandissante d’une « vie polycentrique » par les jeunes générations, pressentie comme source d’équilibre vie professionnelle x vie personnelle et de « sens pluriel ». Les moins jeunes (moi le premier !) sont tout aussi concernés ; à quoi ressemble l'individu polycentrique ?
Je est un autre : la vie plurielle
Retour d'expérience : fasciné depuis mon plus jeune âge par les insectes, je me passionne ensuite pour la préhistoire, la formation et la conduite de projet. La passion des insectes développe sens de l’observation, curiosité et capacité à revisiter « le croit-on déjà vu ». Passion intacte : cet été encore, au Muséum National d’Histoire Naturelle de Nantes, je tombe en arrêt devant la buse féroce, un oiseau ramené de Chine par le père Armand David, grand naturaliste et découvreur de dizaines d’espèces animales et de plantes (« cerf du père David », panda géant, arbre aux mouchoirs et arbre à papillons…). La préhistoire ? L'opportunité d'une rencontre avec un maître (Denis Vialou) auprès duquel je me perfectionne pendant trente ans dans l’art de la recherche, dans la rigueur et l’écriture scientifique. S'impose progressivement à moi ce goût de transmettre : j’apprends à concevoir et à enseigner, je découvre tout le potentiel des technologies numériques au service de la formation. La conduite de projet, enfin, en filigrane, comme dénominateur commun : école de méthode et d’organisation, clés essentielles à la réalisation et réussite de mes projets variés. Pour résumer : l’individu polycentrique (si tant est que je le sois) s’engage dans la vie autour de plusieurs sujets d’intérêt et passions qui contribuent ainsi à son individuation et à la construction de sa propre identité.
Univers interconnectés : creuset de « l’innovation des ponts » et génération de sens
Cette diversité de passion et d’univers, qui se nourrissent et s’enrichissent mutuellement, contribue à développer des capacités d’interdisciplinarité et de polyvalence, qui augmentent l’épaisseur de l’existence. De là, des perspectives variées pour mieux appréhender le monde, pour mettre en relation des pensées jusque-là atomisées, parfois même pour « inventer » en s’appuyant sur « l’innovation des ponts ». Exemple d’application : le projet de modélisation numérique de sites archéologiques du Brésil, fruit d’un partenariat inattendu entre mes deux « maisons » d’alors (le groupe industriel Thales et le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris), un « pont dressé » : le système Babel de modélisation de constellations complexes de satellites transposé dans l’univers de l’archéologie et présenté au balcon des sciences du nouveau Musée de l’Homme lors de son inauguration en 2015. Ces rapprochements aventureux qui génèrent un sens pluriel, sont un rempart à l’ennui et aux aléas de l’existence ! Car il existera toujours un « territoire-passion » où se replier si, par exemple, notre engagement dans l’entreprise est amené à faiblir. Dans pareils territoires, on pourra même trouver l'appui de personnes de confiance aux visions et aux apports variés, propices à la réflexion et au recentrage de notre propre existence. Les réseaux développementaux en sont un exemple éloquent.
Univers multiples : le plein de compétences pour l’entreprise
La complexité grandissante du business requiert désormais qu’on fasse appel à toutes les compétences, dans et hors l’entreprise ! Ce constat incite les entreprises à s’intéresser toujours plus aux compétences propres de leurs collaborateurs, bien au-delà de celles qui sont directement associées à leur emploi ; des collaborateurs invités, s’ils le souhaitent, à les exprimer afin de documentation et d’entrée dans le référentiel de compétences de l’entreprise. Les individus polycentriques, « grands voyageurs et explorateurs » de territoires parfois très différents, sont les porteurs d’un « capital-compétence » unique dont le dénominateur commun est fondé sur l’interdisciplinarité et la polyvalence. Des principes de grande importance pour l’entreprise qui recherche désormais des individus curieux, ouverts, flexibles et adaptables, capables d’affronter les changements devenus permanents, plus encore d’apporter des idées, occasionnellement en rupture et fondamentales pour reconsidérer un point de vue, une façon de faire. Plus largement, les individus polycentriques sont amenés à confronter les idées, à relativiser les perspectives et à prendre du recul sur les situations, dotés d’un champ d’observation et de perspectives multiples. En cela, ils sont des praticiens réflexifs « au fait » avec eux-mêmes et les autres.
Complément : Étude expérience employé (KPMG France et Usbek & Rica)
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