Votre projet de formation à l’éco-conception des produits répond à un enjeu plus vaste de Thales ?

Arnaud Blin : Développer une solide culture de développement durable est au cœur du plan stratégique de Thales, notamment via son engagement de produire 100 % de ses nouveaux produits en appliquant les principes d'éco-conception depuis début 2023. Nous avons développé des formations qui répondent à ce besoin d’un accompagnement individuel et collectif à la transition écologique de nos métiers et activités ; parmi elles, ce projet de formation à l’éco-conception. Plus de 80 % de l'empreinte carbone du Groupe provenant des émissions de ses produits et services lors de leur utilisation, c’est, dès leur conception, qu’il faut nous préoccuper de réduire les émissions de CO₂ de Thales et de ses clients. Plus de sobriété, c’est produire de meilleures solutions plus compétitives, car le produit devient plus léger et plus économique en se concentrant uniquement sur les caractéristiques à valeur ajoutée. Cela encourage les concepteurs à sortir de leur zone de confort et à développer des compétences de plus en plus recherchées. 

Le pré-lancement de cette formation a été particulièrement soigné…

Arnaud Blin : La question de l’efficacité de cette formation s’est posée bien avant sa publication officielle. Nous avons commencé par tester le module auprès d’un panel d’experts qui nous ont donné leur retour et proposé des améliorations. Le Net Promoter Score (NPS) qui en est ressorti, très positif, nous a permis d’anticiper un bon niveau indicateur de satisfaction de notre public cible, à savoir architectes et concepteurs. Dans un 2ᵉ temps, nous avons étendu la consultation auprès des « early birds », une communauté très impliquée dans la démarche RSE du Groupe. La valeur du NPS obtenu, +67, a dépassé toutes nos espérances ! Par ailleurs, nous disposions d’un sponsor, le VP Ingénierie et Transformation Digitale, très impliqué dans le suivi du projet et dans sa communication aux collaborateurs, notamment dans le cadre des journées consacrées au développement durable. Cette approche, doublée d’une grande qualité de l’expérience apprenant, a débouché sur un engagement personnel des apprenants qui nous a évité de rendre ce module obligatoire, alors qu’il est essentiel pour le Groupe. Le niveau d’engagement a été mesuré par des relevés réguliers sur le suivi de complétion du module auprès de la population cible.

Le storytelling proposé par le module de formation, sa navigation non linéaire… un défi en matière de conception et de production ?

Arnaud Blin : Le concept de ce module de formation, c’est celui d’une fiction humoristique, tournée en prise de vue réelle et en point de vue subjectif : l’apprenant est dans la peau d’un naufragé échoué sur une île déserte avec un mystérieux « Guide de l’Éco-conception » pour lui permettra de retrouver la civilisation via des phases de flashback. Intégrer des phases vidéos avec du contenu interactif nous a demandé beaucoup de travail dans la phase de storytelling, ne serait-ce que pour optimiser les périodes de tournage et pour harmoniser les phases de transitions dans le module. Nous avons fait appel à des acteurs professionnels ; notre expert et commanditaire a participé aux phases de tournage comme consultant auprès de ces comédiens pour les aider plus de crédibilité à leur jeu, en particulier auprès des acteurs en charge des doublages en anglais. Pour respecter un planning de production très serré, les tâches ont été très finement définies ; nous avons parallèlisé les activités liées à la vidéo (casting des acteurs, tournages…) et la réalisation graphique (design artistique, activités ludopédagogiques…), et raccourci la boucle de validation entre Thales et son prestataire (NDLR : adesias).

Avez-vous opté pour un « template pédagogique » ?

Arnaud Blin : Chaque chapitre s’est calqué sur un même schéma faisant appel à 4 modalités, pour créer une mécanique d’apprentissage efficace malgré l’aspect fragmenté et non linéaire du parcours. D’abord, une exposition : la scène introductive du film ancre l’univers, présente le sujet du chapitre et expose le problème à résoudre à l’apprenant. Ensuite, une phase inductive de « learning by doing » invitant l’apprenant à trouver des réponses à une question donnée en lui laissant la possibilité de se tromper et de recevoir des retours pour avancer vers la solution. Dans cette phase, nous utilisons des modalités variées (points à relier, drag & drop, textes à trou, hotspots…), adaptées aux contenus et aux objectifs pédagogiques, pour donner du rythme. La phase informative s’appuie sur des flashbacks qui rappellent toutes les notions théoriques nécessaires à la validation du chapitre par l’apprenant. Une fois le chapitre terminé, le Guide, complété avec la synthèse des notions acquises, fait office de fiche mémo pour l’apprenant, qui peut le consulter à tout moment. Enfin, la phase déductive consiste en la validation des connaissances à travers un quiz de 4 ou 5 questions pour chaque chapitre. Ce quiz doit être complété à 80 % pour valider l’apprentissage de la stratégie. En cas d’échec, il est possible de réaliser sur le champ le quiz ou de reprendre à partir de la saynète avec la formatrice.

Plus de 7 000 collaborateurs ont achevé le module… l'objectif initial de 4 000 été largement dépassé !

Arnaud Blin : Et les retours de cette approche ludique et engageante dont l’apprenant est le héros ont été très positifs. Faire appel à des acteurs donne vie aux messages et apporte du sens. Au lieu du module e-Learning à base de clics et d’un quiz final rudimentaire auxquels ils sont souvent confrontés, les apprenants sont pris à partie dès le début du module, dans une inversion complète des rôles ; car nous comptons sur la déduction et l’attention de ce dernier pour la réussite du contenu. Cela dit, l’approche ludo-pédagogique a pu dérouter quelques rares apprenants qui trouvent le module trop long. Nous améliorons l’expérience apprenant en accentuant le message à transmettre en fonction de sa technicité et en précisant au démarrage que ce « learning journey » peut être mis en pause et repris à tout moment ! 

Mais, le format a réellement plu à la grande majorité des apprenants parmi lesquels des responsables d’autres fonctions qui y ont vu une approche adaptée pour des modules d’onboarding sur leur métier ou de premier niveau d’apprentissage. Cette approche décomplexée sur des disciplines qui peuvent monter sur de hauts niveaux de technicité permet de fédérer le plus grand nombre sur des basiques et permet d’étendre la culture d’entreprise des collaborateurs.

Michel Diaz (Président, Trophées du Digital Learning)