Pour Claire Bernagaud (Dirigeante d'Ingenium digital learning), on n'a pas trouvé mieux que le blended learning, agencement de modalités de formation, pour répondre aux enjeux et à la diversité des besoins de formation professionnelle continue. La promesse d'une formation plus efficiente et à moindre coût repose sur des compétences riches et variées que les équipes pédagogiques d'Ingenium digital learning illustrent parfaitement.
Quelles sont les capacités attendues d’un concepteur de parcours blended learning ?
Claire Bernagaud : À l’origine, le blended learning reposait principalement sur un découpage temporel de la formation : apprentissage distanciel asynchrone avant le présentiel (test de positionnement, ressources à parcourir pour alléger le cours en salle) et post présentiel (pour aller plus loin). Le présentiel demeurait souvent inchangé. Avec la maturité des technologies éducatives, l’acceptation de ces dernières par les formateurs, et les difficultés à maintenir l’attention des apprenants dans les salles de formation, le blended learning aujourd’hui ne repose plus uniquement sur ce découpage temporel et spatial, mais oblige également à repenser complètement le présentiel. En effet, le parcours blended doit être très lisible pour l’apprenant : les ressources et activités travaillées en autonomie n’auront du sens à leurs yeux que si elles sont mobilisées ensuite en présentiel, qui doit se tourner vers l’expérimentation, la co-construction, le partage, les temps individuels réflexifs, et s'enrichir, par exemple, avec de l’immersif ! L’expertise du concepteur de formation en blended learning tient dans sa capacité à articuler les temps de formation autour d’intentions pédagogiques complémentaires, mais également à mobiliser les meilleures modalités possibles.
Quelles sont les modalités de formation utilisées par Ingenium digital learning ?
Claire Bernagaud : Nous disposons d'un vaste « arsenal » de modalités pédagogiques (outils réflexifs, immersifs, d’entraînement, présentiel enrichi…) pour nous adapter aux objectifs et aux populations cibles de nos clients.
Par exemple, dans un dispositif de formation qui s’adresse à des cadres, on tiendra compte de l’autonomie et du manque de temps qui les caractérisent. On pourra envoyer des micro-modules accessibles sur smartphone avant le cours en salle et, pendant la formation, proposer des mises en situation pour expérimenter, tester, dans un cadre sécurisé, les notions vues dans les micro-modules. Un tel dispositif peut être renforcé par des intersessions pour favoriser les mises en application concrètes et par des ateliers réflexifs, individuels ou collectifs, pour questionner les pratiques.
Un dispositif de formation qui s’adresse, lui, à des apprentis sera radicalement différent… Ils ne recevront pas des contenus avant le présentiel, mais on leur proposera, dans le cours en salle, des temps de travail en autonomie sur des activités digitalisées, chaque jeune pouvant ainsi avancer à son rythme, sans peur de se tromper « devant tout le monde ». Le présentiel pourra être enrichi avec des situations en réalité virtuelle idéale pour manipuler, tester… Les activités pédagogiques asynchrones seront plutôt réservées aux révisions, à l’entraînement avant les examens, soit sur smartphone, soit dans leur établissement durant des temps dédiés.
Quelles sont les modalités de formation les plus prometteuses ?
Claire Bernagaud : Prometteuses pour les apprenants ? C’est, à notre sens, le présentiel enrichi, car il renforce leur engagement grâce à la méthode de l’essai-erreur, et permet ainsi de véritables transformations. Il en va de même pour les formateurs : le présentiel enrichi nécessite certes un investissement initial de leur part, mais ils peuvent s’appuyer sur des situations concrètes que leurs apprenants pourront faire évoluer. On notera que la modalité distancielle n’est pas forcément la plus économique, car ces modalités peuvent requérir de gros investissements et des équipes pour les faire vivre… Finalement, oui, le plus prometteur, c’est bien le blended learning : un distanciel qui prépare, qui valide, et un présentiel enrichi qui autorise (voire favorise) l’essai-erreur, la co-construction…
La part de l'Humain se réduira-t-elle avec la montée en puissance de l'IA générative ?
Claire Bernagaud : Un chatbot, aussi puissant soit-il, pourra-t-il remplacer un formateur ? C’est un sujet d’actualité brûlant. Il peut répondre à des questions de façon plus interactive qu’une traditionnelle FAQ, mais la part de l’humain reste essentielle. L’IA paramétrée sur un sujet précis répondra mécaniquement sans forcément donner du sens à l’ensemble. Surtout : comment maintenir l’engagement des apprenants ? On sait que celui-ci passe par des contacts, un engagement implicite dans une « cohorte », en particulier dans les formations longues. La dimension « affective » (avec ses pairs ou avec son formateur) conditionne largement la réussite d’une formation. Cela dit, l’IA peut apporter beaucoup à la formation et au blended learning. L’analyse des interactions entre les apprenants et le LMS, notamment, permet à l’IA de développer des modèles prédictifs puissants pour prévenir des situations d’échec, voire pour proposer à chacun des activités ou des ressources en fonction de ses réussites et ses échecs.
En matière d'agencement de parcours de formation blended learning, quelles sont les règles à respecter ?
Claire Bernagaud : Voici quelques règles d’or : 1) Adopter des formats courts, voire très courts, quand l’apprenant est en autonomie sur son parcours. 2) Pousser les ressources et les activités vers l’apprenant, qu’il n’ait pas à les chercher. 3) Créer une véritable logique de parcours pour que présentiel et distanciel s’imbriquent de façon cohérente. 5) Donner du sens à l’ensemble en rendant le parcours et ses objectifs visibles.
On peut parler d’une expertise de « Learning Architect » ?
Claire Bernagaud : Le Learning Architect doit comprendre la population cible à former et bien cerner les objectifs pédagogiques du parcours de formation pour les traduire, avec les formateurs, en capacités visées très opérationnelles. Puis, tenant compte de ces éléments, il doit être capable de proposer un scénario pédagogique alternant temps de travail synchrones / asynchrones, en présentiel / en distanciel, entre pairs, temps de tutorat individualisé, de réflexion, de mise en application dans le contexte professionnel de l’apprenant.
La variété des compétences requises par l'ingénierie blended learning suppose une collaboration d'équipe…
Claire Bernagaud : Effectivement, une collaboration d’équipe est nécessaire ! L’erreur, c’est de croire que le formateur peut tout faire tout seul, alors qu’il a au contraire besoin de s’appuyer sur de multiples expertises : la rédaction d’un story-board doit se faire en binôme avec un ingénieur pédagogique, la création de modules e-learning avec un concepteur pédagogique… Un Learning Architect peut s’avérer indispensable : si le formateur apporte la matière brute, le Learning Architect saura s’appuyer sur des ingénieurs pédagogiques, des créatifs, des intégrateurs pour construire le parcours. Ces compétences ne sont pas toujours disponibles chez nos clients, c'est une des raisons pour lesquelles ils font appel à nos services..
Quelles sont les évolutions attendues du blended learning ?
Claire Bernagaud : Le blended learning évoluant avec sa cible, il n’y a pas de modèle unique. Dans les CFA, l’accent sera mis sur l’enrichissement du présentiel, sur la mise à disposition d’outils visant à faciliter les mises en application et les révisions (outils en VR, en 360 ou simples outils en 2D). Pour des cibles plus autonomes, on développera du micro-learning en amont de la formation pour recentrer le présentiel sur des mises en situation et, en parallèle, la mobilisation de l’intelligence collective via des outils d’animation de communauté qui permettront de prolonger les échanges entre pairs. Avec toujours cette exigence : une communauté sans animateur ne vit pas. L’IA pourra-t-elle jouer ce rôle… qui sait ?
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