Jean-Roch Houllier (Head of Operations, Learning & Digital, Safran University) souligne les enjeux et problématiques de la digitalisation pour les Directions Formation. Il leur propose quatre conseils (voire postures) pour réussir dans un nouveau monde qui peut, comme il le dit à bon droit, « donner le tournis » !
L’irrésistible montée en puissance du digital depuis une quinzaine d’années, l’amplification que lui a donnée la crise sanitaire ont propulsé les Directions Formation dans un nouveau monde. Lequel prend des formes variées. À commencer par l’abondance et la multiplicité des offres et des contenus pédagogiques numériques qui n’ont cessé de croître, toujours plus rapidement. Idem du degré d’exposition et de dépendance des Directions Formation, notamment aux solutions et plateformes technologiques requises pour créer, stocker et délivrer toutes ces « posologies » digitales destinées aux salariés de l’entreprise. Face aux enjeux et problématiques que dessine ce nouveau monde, les quatre leçons que j'ai retenues pour tirer parti des évolutions technologiques afférentes à la formation ; autant de conseils qui pourraient vous être utiles.
#1 Bien se connaître, pierre angulaire d’une « learning strategy » cohérente
Dans l’effervescence digitale, grande est la tentation de substituer le « comment » (la technologie) au « quoi » et au « pourquoi ». Il s’agit d’adopter une véritable stratégie de formation, pensée, structurée, formalisée et nourrie d’une connaissance fine et approfondie de la culture et de la maturité de l’entreprise où la Direction Formation officie. La culture donne de précieuses indications, par exemple en matière de « vision de la formation » : le choix d’une plateforme digitale différera considérablement selon que l'organisation est encore ancrée dans une vision « top-down » des contenus de formation ou qu'elle prône une approche collaborative et participative de la création interne de contenus. De même, la maturité digitale conditionne fortement le succès de l’intégration de la plateforme dans l’entreprise. L’innovation est une notion relative (ce qui est innovant pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre), et la réussite passe par un déploiement et une industrialisation durable dans l’entreprise.
#2 Formaliser la veille technologique, source d’inspirations variées
Les évolutions technologiques en cours peuvent donner le tournis ; certaines (l’IA, par exemple) traversent le Hype Cycle (Gartner) à vitesse V. Rien ne sert d’attendre une accalmie ! Alors, comment rester « au fait » et, plus encore, crédible vis-à-vis du business, des collaborateurs et de la direction de l’entreprise qui n’hésiteront pas à prendre les devants ? La veille technologique n’est plus une option, c’est désormais un « must » pour toute Direction Formation voulant conserver la « longueur d’avance » chère à Peter Senge. Elle peut prendre différentes formes, en s’exerçant notamment dans des « clubs d’entreprise » qui ont fait florès ces dernières années, et sont une source unique de partage des savoirs et de benchmarking des solutions technologiques à l’abri du marketing des fournisseurs de solutions. L’abonnement à divers sites (e-learning Letter, par exemple !) et la participation à des événementiels spécialisés complètent la panoplie. Informer l’entreprise des connaissances acquises via cette veille peut par ailleurs être judicieux, ne serait-ce que pour créer le lien stratégique entre la fonction formation et le business, par exemple à travers des « webinaires de la pédagogie » réguliers, comme ceux que Safran University consacre à l’innovation pédagogique.
#3 Adopter le mode projet, gage de réussite
Un grand nombre d’initiatives formation-RH échouent, voire restent au stade de l’intention… faute d’une culture de projet suffisante. Spécifier, sélectionner, concevoir, intégrer et déployer une solution technologique de formation à grande échelle : un projet d’autant plus complexe que la formation, sous pavillon RH, a peu de prise sur la technologie souvent laissée au département HRIS et à l’IT. Le succès est suspendu à la culture technique de la Direction Formation (ce qui peut le recrutement de profils adéquats), culture qui conditionne sa capacité à « converser » avec toutes les parties prenantes et à s'assurer que la pédagogie ne soit pas laissée pour compte d’un « diktat » exclusivement technologique et économique. Il est aussi conditionné à l’adoption du mode et de la culture projet qui sont essentiels à la structuration (en lots de travaux), à la répartition et au pilotage des activités variées. Cette maîtrise peut être acquise grâce à la formation ou, plus rapidement, avec un recrutement externe.
#4 Communiquer et accompagner le changement, deux incontournables !
Depuis que les apprenants ont quitté « la salle de classe traditionnelle » pour consommer opportunément tout ce que le digital peut leur offrir à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, la communication est devenue une compétence essentielle de toute Direction Formation. Créer une fonction de « Responsable de la communication et du marketing de l’offre », si les ressources le permettent, est pertinent. Ce profil viendra en appui des projets (pédagogiques, technologiques) pour les « vendre » aux clients internes de la formation ; il le fera en lien avec la Direction de la communication de l’entreprise. Cette approche constitue un atout majeur. N’oublions pas au passage la conduite du changement, qu’on devrait considérer comme la clé de voûte de tous les projets, en particulier des projets à dimension technologique. Combien de solutions technologiques déployées et finalement sans client ? Les professionnels aguerris savent toute l’importance à donner aux « cas d’usage » (préalable de vos spécifications) et au pilotage de la conduite du changement (lot du projet à part entière), incontournables à l’adoption et à l’ancrage durable des solutions technologiques appliquées à la formation.
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