La table ronde qui s'est tenue lors de la Conférence 2023 des Lauréats du Digital Learning du 12 décembre à Paris, a rassemblé des experts de renom pour débattre des dualités de l'intelligence artificielle et du big data dans le domaine de la formation professionnelle. De l'urgence de développer les qualités spécifiquement humaines qui nous permettront d'en tirer le meilleur parti, et surtout d'éviter le pire !
François Debois (L’Oréal) et Jean-Roch Houllier (Safran) ont partagé leurs expériences sur l'intégration de l'IA dans l'excellence et l'innovation en matière d'apprentissage. Cécile Dejoux, professeure au CNAM et auteur du Mooc « ChatGPT et IA, mode d’emploi (22.000 inscrits) » a apporté un éclairage académique nourri d’enquêtes sur les pratiques déjà en œuvre dans les grandes entreprises, tandis que Sarah Lenoir, avocate et fondatrice d'Alkeemia Avocat, a enrichi la discussion avec une perspective juridique. La rencontre, orchestrée par Michel Diaz (E-learning Letter, Féfaur) a permis de mettre en lumière les succès, les défis et l'avenir de l'IA dans la formation et le management.
L'IA concrètement : la transformation des programmes de formation chez L’Oréal et Safran
L'intégration de l'intelligence artificielle dans la formation professionnelle n'est plus une prospective, mais une réalité concrète dans de grands groupes tels que L'Oréal et Safran. Chez l’Oréal, François Debois souligne que les équipes formation utilisent notamment l’IA dans la création de contenus et le coaching personnalisé. L'IA joue un rôle quotidien dans la production de contenus éducatifs, influençant non seulement la formation mais aussi les opérations commerciales plus larges, une plateforme comme LinkedIn Learning utilisé par L’Oréal a adopté des « AI coachs » pour faciliter une recherche interactive et intuitive parmi leurs ressources pédagogiques. Safran, reconnu pour son avancée dans la haute technologie, s'intègre dans cette vague d'innovation. Jean-Roch Houllier indique que l’Université de Safran se positionne pour établir son expertise dans le domaine de l'IA en formation, laquelle est déjà présente dans divers processus et sur plusieurs sites de production.
Sécuriser l’utilisation de l'IA : Enjeux et responsabilités dans le nouveau cadre Juridique
Le paysage juridique qui encadre l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) est en pleine évolution. Des projets de réglementations européennes sont en discussion, visant à définir les responsabilités liées à l’IA et à sécuriser son usage pour les utilisateurs et la société. La pertinence et l'efficacité de la réglementation dépendront des cas d'utilisation spécifiques tels que les parcours personnalisés et les agents conversationnels. Actuellement, rappelle Sarah Lenoir, le cadre juridique englobe déjà des lois sur la propriété intellectuelle, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) pour la protection des données personnelles, ainsi que des normes pénalisant la discrimination et régulant les produits défectueux. Ces textes préexistent à l'essor de l'IA, mais leur adaptation est cruciale pour suivre le rythme rapide de l'innovation technologique. Les futures réglementations, notamment le projet de règlement européen, chercheront à équilibrer la protection des consommateurs tout en encourageant la croissance et l'innovation dans le domaine de l'IA.
Devenir IA compatible : les Compétences transversales essentielles
Dans le contexte actuel où l'intelligence artificielle (IA) se démocratise, l'accent est mis sur la nécessité pour les professionnels de devenir « IA compatible ». Cela signifie cultiver un ensemble de compétences transversales adaptées à l'interaction avec l'IA, telles que la maîtrise du prompt et la capacité à comprendre et à vérifier les informations dans un environnement de plus en plus automatisé. L'apprentissage de ces compétences permet non seulement de travailler avec l'IA mais aussi de se projeter dans l'avenir. En outre, Cécile Dejoux souligne l'importance de la créativité humaine, du travail d'équipe et de l'intuition, des traits qui restent uniques aux humains malgré l'avancée de l'IA. À mesure que l’utilisation de l'IA évolue, passant du rôle de simple exécutant à celui de partenaire avancé, ces compétences humaines deviennent essentielles pour maintenir la valeur ajoutée de l'humain par rapport aux machines.
Contraintes de l'Intelligence Artificielle : lutter contre les accoutumances et anticiper les dangers de la désinformation
En plus de l'acquisition de compétences techniques, il est impératif de considérer le risque d'addiction associé à l'usage de l'IA et à des technologies similaires, telles que les réseaux sociaux. Cela rend indispensable le développement de ce que Cécile Dejoux appelle des compétences de centrage qui permettent de maintenir la concentration, la mémoire et l'énergie. Elle insiste également sur la nécessité d’adopter une approche de management attentive et bienveillante, souvent résumée par le concept de « CARE ». Cette approche holistique est cruciale pour naviguer dans l'environnement numérique d'aujourd'hui sans succomber à ses pièges potentiels. L’intelligence artificielle est potentiellement une énorme source de désinformation à même de produire des « hallucinations informationnelles ». Face à ces risques, la nécessité d'établir des contre-pouvoirs est devenue cruciale. L'éducation apparaît comme l'un des moyens les plus efficaces pour contrer ces dangers. Elle joue un rôle capital, dès aujourd'hui, et, on peut en être assuré, de plus en plus à l’avenir, dans un contexte où la décentralisation du savoir se généralise. Enseigner comment évaluer l'information et promouvoir la pensée critique est impératif dans un monde où l'IA façonnera largement notre compréhension de la réalité.
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