L’histoire des technologies en apporte de multiples preuves : une innovation de rupture est toujours doublement pressentie comme destructrice et créatrice d’emploi. L’IA générative ne manque pas de soulever à son tour ces questions : quels emplois seront détruits, créés ? les seconds compenseront-ils les premiers en volume et en qualité ? Et : les professionnels de formation évincés par l’IA générative pourront être formés aux nouveaux emplois créés par cette même innovation ?
L’IA & le mythe de de Prométhée
Dans la mythologie grecque, Prométhée vole aux dieux le feu de la connaissance pour l'offrir aux hommes. Ce feu sacré permettra à l’humanité de maîtriser les arts, les sciences et les techniques. En punition du crime de lèse-dieux, Prométhée sera éternellement enchaîné sur son rocher, et son foie chaque jour dévoré par un aigle. Depuis la nuit des temps, la survie de l’Homme est ainsi conditionnée par la maîtrise du feu qui, laissé à lui-même, est susceptible de tout détruire (la Nature comme l’Homme, qui en est une part). Le feu, donc, comme métaphore de l’industrie et du défi prométhéen… L’imprimerie, l’automobile, l’informatique, le numérique, l’Intelligence Artificielle nourrissent autant de ruptures qui sont sources des mêmes craintes : cette technologie va-t-elle détruire mon emploi ? Va-t-elle me remplacer ?
L’impact de l'IA sur le travail et les emplois de la formation
Depuis le lancement de ChatGPT à l’automne 2022, l’inquiétude grandit : l’IA menacerait 300 millions d’emplois dans le monde (source : Goldman Sachs). Illustration : le gel par IBM de ses recrutements sur des postes remplaçables par l’IA. De fait, l’IA va affecter nombre de métiers, en particulier ceux des cols blancs : près de 50 % des tâches effectuées par des cadres administratifs sont automatisables par l’IA (États-Unis) ; la productivité générée par l’IA générative n’est pas en reste : un gain de 15 à 30 % ! Quant à la formation, les chiffres sont édifiants : plus de 80 % des tâches d’un chargé ou d’un responsable de formation sont menacés par l’IA à l’horizon 2027-2030 (source : Tomorrow Theory). Impact également sur le métier d’ingénieur pédagogique ou de formateur, déjà observables : l’IA générative peut générer, en quasi-autonomie, des scripts de cours, supports de formation ou autres contenus pédagogiques numériques via les nombreux outils, sans cesse plus performants, disponibles sur le marché.
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
Pour autant, nous prenons le pari que l’IA ne remplacera pas l’Humain ! Déléguer une partie des activités de formation à une IA ? Certes, encore faut-il qu’il y ait un pilote ! Pour : analyser les besoins de formation, orchestrer la partition des divers outils mobilisés à cette occasion, vérifier et recouper les résultats générés par l’IA… Orchestrer, c’est bien le mot, le programme humainement conçu avec l'assistance de l’IA ; orchestrer et arbitrer les résultats obtenus (30 % des productions des IA génératives sont des « hallucinations »…). Par ailleurs, les métiers de formation se caractérisent souvent par leur dimension critique (Rabelais nous a appris que « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ») et créative. L'ingénieur pédagogique, par exemple, devra exercer son regard critique sur l’expression d’un besoin de formation comme sur la documentation que lui aura transmis un expert métier. Idem de la conception (architecture) de dispositifs innovants à même d’engager les apprenants dans des voyages d’apprentissage toujours plus digitalisés. Vraiment : l’IA ne saurait remplacer l’Humain dans le vaste domaine de la formation.
La destruction créatrice (Schumpeter toujours d’actualité)
Retour aux 80’s : l’informatisation des feuilles de calculs via les tableurs, si elle a fortement réduit l’emploi comptable, a considérablement augmenté celui des analystes financiers qui, partant des lignes d’écriture comptable, mobilisent leur compétence pour analyser les résultats et produire des recommandations en vue d'une meilleure prise de décision. Nous pensons que l’IA aura un effet similaire ; loin de seulement remplacer des emplois ainsi détruits, elle pourrait aboutir à un fort accroissement du nombre de métiers (63 % des métiers seront complémentés, et seulement 7 % remplacés par l’IA générative (source : Goldman Sachs, étude précitée)).
Dès lors, la question n’est pas tant celle des emplois rendus obsolètes par l’IA ni de la nature des postes à remplacer que celle de l'acculturation des professionnels de formation aux nouveaux outils et pratiques de l’IA : comment procéder à « l’up skilling » des métiers affectés, tout en suivant le rythme accéléré des innovations technologiques ? Une problématique qui sera au cœur de la formation en général, et du Digital Learning en particulier, dans un proche avenir, car il s’agit bien d’accompagner les collaborateurs (clients de la formation) dans l’adoption des changements technologiques majeurs. La peur n’évitant pas le danger, s’approprier, apprivoiser l’IA est une nécessité parfaitement compatible avec l'esprit formation : les deux (formation, IA) ont finalement pour même objectif d'augmenter l’Humain !
5 mythes de l'Intelligence Artificielle (en formation, comme ailleurs)
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