Dans une époque où les écrans s'invitent dans chaque coin de nos vies, l'UNESCO vient de lancer un cri d'alarme qui ne peut être ignoré. Son message ? Si nous voulons une technologie véritablement bénéfique dans nos salles de classe, il est temps de l'utiliser avec discernement. Perspectives pour les Directions Formation ?
Une révolution numérique inachevée
Au fil des années, l'éducation a vu l'introduction progressive d'outils numériques, promettant d'améliorer l'apprentissage, de rendre l'enseignement plus interactif et d'offrir des solutions adaptées à chaque élève. Mais, cet engouement s'est-il fait au détriment d'une réelle compréhension des conséquences ? L'UNESCO semble le suggérer. Avec cet appel, l'organisation montre que la précipitation vers l'intégration totale du numérique pourrait avoir omis certains aspects cruciaux. La technologie, si elle n'est pas utilisée judicieusement, pourrait causer plus de problèmes qu'elle n'en résout.
Former un plus grand nombre de salariés, y compris des actifs habituellement laissés pour compte de la formation continue, former toujours plus rapidement, engager les apprenants plus efficacement dans leur formation en mobilisant ce que la technologie numérique a de meilleur, notamment sa capacité à personnaliser les apprentissages… La pratique du Digital Learning en entreprise se reconnaîtra en partie dans le descriptif que l’UNESCO fait des usages du numérique dans l’éducation… Y compris dans les cours présentiels où tablettes et smartphones se disputent l’attention des apprenants au formateur.
Des bénéfices oui, mais à quel coût ?
L'un des principaux problèmes soulevés est celui de l'écart technologique. L'introduction massive du numérique dans l'éducation a paradoxalement creusé un fossé entre les élèves ayant accès à ces outils et ceux qui en sont privés, accentuant ainsi les inégalités éducatives. Par ailleurs, si personne ne nie les avantages potentiels de la technologie, l'UNESCO souligne qu'il est essentiel de peser ces bénéfices face aux coûts cachés. Outre les inégalités, la dépendance excessive à la technologie peut nuire à la concentration, affecter le bien-être mental des élèves et diminuer les interactions sociales.
Cette anecdote à propos de Steve Jobs : un jeune salarié s’apprête à dérouler le Powerpoint dans lequel il va présenter son projet ; le patron d'Apple lui tend un marqueur : « Expliquez-moi plutôt votre projet au paper board ». La leçon : se méfier de ce qui vient faire écran entre l’humain et la réalité (ne pas en abuser). Ce syndrome vaut pour la formation, pour les réunions, etc. Le semblant d’hyperconnexion procuré par le numérique peut entraîner, sauf à le contenir dans des limites raisonnables, une déconnexion d’avec l’humain.
Un appel à la prudence
L'UNESCO ne prône pas un retour en arrière, mais plutôt une réflexion sur l'usage que nous faisons du numérique. L'objectif est de trouver un équilibre, où la technologie est utilisée de manière judicieuse et réfléchie.
Du bon usage de la technologie : il y faut des indicateurs (sinon comment juger d’un usage judicieux et réfléchi). La fonction formation doit donner l’exemple, en n’abusant pas du numérique ; elle doit aussi former aux bonnes pratiques issues d’un corpus de règles (qui restent souvent à écrire). Cette question ne peut être isolée de celle, de plus en plus prégnante, du bien-être au travail. On ne sous-estimera pas les difficultés, pour les Directions Formation, d’aller un peu à contre-courant, car le digital s’est immiscé partout.
Vers une éducation hybride ?
Certains experts suggèrent que la réponse pourrait résider dans une approche hybride, combinant le meilleur du numérique avec des méthodes d'enseignement plus traditionnelles. Il s'agit de ne pas se laisser emporter par la vague technologique, mais d'apprendre à surfer avec elle, en gardant à l'esprit l'intérêt supérieur des élèves.
Hybrider la formation, les Directions Formation savent faire, de longue date : le blended learning est, de loin, l’approche pédagogique la plus utilisée dans les entreprises. Cependant, il y a encore beaucoup à faire en matière d’ingénierie pédagogique : comment choisir les modalités numériques qui vont entrer dans ce mix ? comment les assembler de façon pertinente, pour optimiser l’efficacité et les coûts de la formation ? Il semble, plus de vingt ans après l’apparition du numérique, que les professionnels de formation doivent s’efforcer d’établir leurs pratiques sur des bases scientifiques plus solides, même si les sciences cognitives ont commencé de s’emparer du sujet. À moins qu’il faille considérer que le « mix formation » relève avant tout d’un Art, à l’instar de la gastronomie.
Ce rapport de l'UNESCO, loin de jeter l'opprobre sur le numérique, appelle à une utilisation plus mesurée et réfléchie de la technologie dans l'éducation. S’il est temps pour les décideurs, enseignants et parents de se saisir de cette question cruciale pour l'avenir de nos enfants, les Directions Formation seront sensibles aux analogies possibles entre l'éducation et la formation professionnelle continue, problématiques et solutions, pour améliorer leurs offres et leurs dispositifs de formation.
FD
Source UNESCO : Global education monitoring report summary, 2023: technology in education: a tool on whose terms?
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