« Guerre des Talents » et « Bataille des Compétences » font rage ; les Directions Formation sont à la manœuvre pour « engager » les apprenants et améliorer le « ciblage » des populations (engagement, ciblage : les termes sont bien choisis) pour leur apporter des solutions pertinentes. La métaphore de la guerre a le mérite de rappeler aux entreprises qu’elles doivent se préparer à une formation « à haute intensité » !
Préambule : l’expression « haute intensité » a vu le jour post Guerre Froide, pour caractériser une nouvelle forme de conflits mobilisant le maximum des forces et des ressources nécessaires pour s’opposer à la violence caractérisée d’un adversaire, ce concept (apparenté à celui de « Guerre Totale » théorisé par Clausewitz (De la Guerre, 1832)) s’opposant donc à celui de conflit de faible intensité (local, ponctuel, circonscrit).
La formation : nouveau théâtre des opérations
Le monde d'aujourd'hui, où la guerre (en Ukraine) et ses métaphores (dans l’entreprise) se sont partout invitées, est devenu « VUCA » (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity) — un acronyme introduit par l’US Army War College dans les années 1990, à la suite de l’effondrement de l'URSS. Dans ce #newnormal, les entreprises affrontent une véritable « Guerre des Talents » pour attirer (trouver de nouvelles « recrues »), intégrer et fidéliser les nouveaux collaborateurs qu’il faut également aider à monter en compétences et à partager la culture de l’entreprise. La formation joue un rôle crucial dans ce chantier qui touche à l’ensemble de l’entreprise ; pour ce faire, elle mobilise une vaste « base arrière » : Directions Formation, services RH : Recrutement, Rémunération, Talent, Knowledge Management… Formation « de haute intensité », car s’immisçant au cœur du théâtre des opérations pour servir la performance de l’entreprise, en formant plus, plus vite et encore mieux. Au passage, la fonction formation change de posture pour devenir, plus que jamais, proactive : elle se déplace au centre des combats et des attentions.
Le Digital Learning : une arme particulièrement efficace
Cet effort se concentre notamment sur la bataille des compétences, l’obsolescence de celles-ci s’accélérant sous l’action conjuguée des transformations technologiques et digitales. Leur durée de vie se compte désormais en mois : de 12 à 18 pour une compétence technique (source : OCDE). Tous les métiers sont touchés, d’autres métiers émergent (Responsables Cyber, Data Steward, Software Engineers…). Le rythme et l’intensité de ces mutations incitent les Directions Formation à adapter leurs dispositifs grâce au Digital Learning. En permettant de démultiplier la création de contenus pédagogiques digitaux et de généraliser l’accès « ATAWAD » (anytime, anywhere, any device) à ces ressources, le Digital Learning fait de la formation une arme particulièrement efficace : tous les salariés pourront se former à la carte sur des contenus techniques, business, transversaux… (de fait, dans tous les domaines où les collaborateurs doivent massivement monter en compétences). Les outils et les plateformes sont aux avant-postes dans l’objectif d’un accès massif (démocratisé) à la formation (passant par une forme d’industrialisation) assurant à chaque collaborateur qu’il disposera également d’une formation personnalisée dans ses formats comme dans ces contenus. Sont à l’œuvre les plateformes LMS ainsi que nombre d’outils plus récents : LXP, TMS, nudge, e-tutorat, etc. La formation de haute intensité ? Le croisement de la « masse » et de la « technologie » qui permet le « passage à l’échelle », pour répondre aux défis de guerre des talents et de la bataille des compétences.
La formation de haute intensité : surface et profondeur
La haute intensité n’est cependant pas uniquement réservée aux modalités numériques : l’entreprise ne manque pas d’utiliser des formats plus traditionnels, mais revus sous l’angle de l’intensité recherchée. On peut penser, par exemple, à la vague des « bootcamps » en présentiel pour traiter plus en profondeur des thématiques comme la Data ou le Digital. Les formations de haute intensité peuvent ainsi se décliner en « surface » (traitant un grand nombre de thématiques) ou avec des frappes « en profondeur » (le traitement d’une thématique). Les deux sont complémentaires.
Limites d’un concept
Que la formation soit de haute intensité, n’empêche pas, au contraire, qu’elle doive également répondre à des enjeux de « sustainabilité » et de durabilité, sinon de frugalité, car les Directions Formation n’ont pas vu leurs moyens augmenter sensiblement. Leur défi : faire plus à iso moyens ; il s’agit donc d’agencer une stratégie de haute intensité avec une approche plus durable et frugale passant notamment par une meilleure exploitation des ressources existantes. Autre défi : la formation doit simultanément s'inscrire dans le temps long pour accompagner les collaborateurs dans leur carrière et servir leur performance au quotidien (notamment via le « learning on the job »). En quelque sorte : formation de basse intensité, au jour le jour, devant composer avec la haute intensité ! En réconciliant ces divers aspects — masse et technologie, surface et profondeur, temps court et temps long —, la formation peut se penser comme une réponse stratégique aux challenges rencontrés par les entreprises. Ne lui reste plus qu’à apprendre à « agir en primitif et prévoir en stratège » pour reprendre la formule de René Char.
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