Devenir une entreprise apprenante, dans un contexte de mutation du travail et de quête de sens accrue, ne se résume pas au déploiement d’une plateforme de contenus pédagogiques ni aux programmes de montée en compétences, aussi utiles soient-ils… La question, plus large, est celle de la capacité de l’entreprise à se revitaliser.
La problématique de l'engagement est devenue structurelle
59 % des salariés disent être présents, mais sans l'être réellement ! Manque de reconnaissance, absence de perspective (vision, projet, développement professionnel) ou mauvaises relations de travail, non-respect des valeurs de l'entreprise… Les raisons de cette « absence » (qu’on pourrait qualifier de démission silencieuse) sont nombreuses. Loin d’être conjoncturel, ce désengagement est devenu structurel qui témoigne d’un profond changement dans notre rapport au travail. Au-delà de la récente pandémie, la succession des crises traversées démontre que la vie n’est plus balisée, et que la quête de sens et le besoin d’une raison d'être se sont plus que jamais invités nos vies personnelles et professionnelles.
L’engagement ne se décrète plus
S’engager au travail ? Ce « sacrifice » ne va plus de soi… les vocations se perdent dans l’avénement d’un nouveau paradigme fondé sur le travail hybride qui interroge l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée (à quand la semaine de quatre jours ?). L’engagement continue d’exister, mais personnalisé, individualisé ; il exprime un fort désir partagé de liberté qui peut être observé sous l’angle « intellectualiste » (raison d’agir, motivation extrinsèque au salarié) ou sous l’angle « volontariste » (désir d’agir sur un socle de valeurs, de convictions…) selon Jean-Philippe Pierron (« L’engagement. Envies d’agir, raisons d’agir »). C’est à l’intersection de l’envie et de la raison que l’engagement peut émerger : là où un sens est donné à l'action. Pour relever ce défi, les organisations doivent se muer en espace de sens, d’épanouissement individuel et collectif et d'efficience.
Le profil de l’entreprise apprenante à venir
L’entreprise apprenante sera une entreprise vivante : organisation qui procède ou a déjà procédé aux mutations nécessaires pour redonner du sens aux relations qui se développent en son sein, lieu de création où les désirs individuels rencontrent la puissance du collectif. S’engager et se dépasser dans l’entreprise, sous réserve d’y trouver du sens ! C’est dans ces dynamiques relationnelles que peut naître cet élan vital qui nous incite à agir, progresser, créer, contribuer à plus grand que soi. Cela suppose d'oser une vision humaniste de l'entreprise où les singularités servent l'aventure collective, où le projet collectif nourrit l'individu, où chacun trouve un emploi aligné sur sa raison d'être ; une entreprise dans laquelle les parties prenantes s’engagent de manière saine et durable.
L’accompagnement par la Direction Learning & Development
Dans ce type d’organisation, qui n’a plus rien d’une utopie, les Directions Learning doivent intervenir en synergie avec les équipes RH, autour d’un ensemble d’actions, parmi lesquelles on peut relever les suivantes :
Diagnostiquer les signaux faibles en matière d'engagement et de performance en revisitant certains indicateurs des baromètres et des sondages internes pour intégrer une dimension plus holistique des besoins humains (mental, physique, émotionnel, sensible).
Démocratiser les pratiques de connaissance de soi et de connexion à soi pour aider les collaborateurs à s'épanouir - ce qui constitue une attente forte exprimée dans de nombreuses études (formation à la gestion des émotions, pratiques et rituels pour maintenir son énergie, santé mentale…).
Inspirer les leaders par de nouveaux modèles de leadership féconds, pour créer une rupture avec les dogmes relationnels obsolètes dont les entreprises du 21ᵉ siècle doivent s'affranchir (on a tout à gagner à la disparition de l’arrogance, de l’égo, des injonctions et des masques…).
Outiller les managers aux pratiques du management par le Care, en se concentrant sur trois niveaux de relations : de soi à soi, de soi à l'autre et de soi à l'environnement, avec comme ligne directrice (« prendre soin de soi et des autres » pour mieux contribuer au monde).
Aider la direction à dépasser le stade du discours pour incarner véritablement la culture de l'entreprise en revisitant les pratiques de valorisation des comportements attendus et sanctionner les comportements inadaptés.
Nouveaux enjeux et perspectives pour les RH et la formation
Derrière ces initiatives, un projet : contribuer à nourrir un nouveau tissu relationnel pour maintenir les entreprises en vie. Faire émerger de nouveaux collectifs. Dans le nouveau monde hybride, maintenir la cohésion sociale est crucial ; créer sans cesse du lien, du sens, de l’émotion, pour tous et pour chacun, permet de révéler des collectifs conscients, inspirés et inspirants. Une culture d’entreprise apprenante et vivante est à ce prix : libérer les énergies, laisser s’exprimer les émotions, cultiver la connaissance de soi et l’altérité, bousculer les référentiels de réussite et renouveler ceux de la performance. Mais il faut aller au-delà du changement, et miser sur les transformations individuelles pour permettre la transformation collective.
Dans un contexte de « désamour » de l'entreprise, les dirigeants, DRH et acteurs du Learning sont invités à réenchanter le travail pour des salariés engagés, des leaders éclairants et des entreprises plus désirables. C’est l’objectif de l’innovation relationnelle, qui souligne la nécessité de comprendre et d'intégrer une vision holistique du fonctionnement humain, comme préalable au développement des talents. Dans ce vaste projet de transformation relationnelle, l’appel à des experts (psychologie humaine et positive, psychologie sociale, neurosciences, par exemple) pourra démultiplier la puissance des initiatives RH déjà engagées, et dépasser des limites qui peuvent exister dans l’entreprise.
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