Le baromètre CSP Docendi 2023 des soft skills vient de paraître. Photographie précieuse d’un sujet (les soft skills) qui fait couler beaucoup d’encre ; des évolutions, par rapport aux éditions 2021 et 2022, sont repérées ; mais l’ensemble dégage une impression de grande stabilité. Commentaires sur quelques résultats.
L’échantillon, interrogés au printemps 2022 : 623 répondants, principalement dans la fonction formation-RH (42 %) et direction générale (26 %), dans tous les secteurs d’activité, avec une forte proportion (34 %) des services aux entreprises ; les grandes entreprises (plus de 5 000 salariés) et les ETI représentent 38 % des entreprises interrogées.
Connaissance des soft skills
72 % de l’ensemble des répondants (84 % pour la fonction formation-RH) indiquent connaître bien ou très bien les soft skills, ce qui représente un gain de 11 % en 2 ans… L’écosystème formation-RH connaît un tel battage autour des soft skills qu’on ne s’en étonnera guère. Réputées comme essentielles dans le #newnormal (le monde du travail entré dans l’ère VUCA), elles sont principalement vues sous l’angle des compétences comportementales (plutôt que des compétences cognitives ou organisationnelles sur lesquelles nous reviendrons). À noter : 90 % des répondants considèrent que ces compétences comportementales doivent être entretenues : loin de l’idée, donc, qu’on se fait parfois de compétences qui seraient innées, loin aussi de l’idée que, seules, les hard skills (compétences métier, techniques) ont besoin d’être maintenues… Les soft skills courent, elles aussi, le risque d’obsolescence ! Notons enfin que cette connaissance des soft skills est corrélée à la taille de l’entreprise (dans les grandes entreprises, 87 % des répondants disent bien ou très bien connaître les soft skills).
Au fait, qu’entend-on par soft skills ?
Essentiellement, les compétences relationnelles (79 %) et, dans une moindre mesure (66 %), les compétences émotionnelles. Les auteurs de l’étude notent que : « La bonne compréhension de la notion de soft skills n’a pas progressé. Les préjugés sur ces compétences ont la vie dure : elles continuent à être ramenées quasi-exclusivement à leurs dimensions « relationnelle » et «émotionnelle». », laissant au second plan toutes celles qui ressortent de « l’organisationnel, le cognitif et le conceptuel ». Alors même, comme le mentionne le rapport annuel « Future of Work » (World Economic Forum), que les compétences clés à l’horizon 2025 sont la pensée analytique et l’innovation, la capacité à apprendre, la résolution de problèmes complexes, la pensée critique, la créativité, le leadership… Des compétences « d’ordre le plus souvent cognitif ou conceptuel ».
Identification et développement des soft skills
L’identification et le développement des soft skills est une réalité dans 63 % des soft skills (vs 50 % deux ans auparavant). Mais 3 entreprises sur 10 seulement les évaluent sérieusement (tests psychométriques, assessment center, etc.). Rien de nouveau, l’évaluation des compétences continuant de poser un problème, y compris celle des hard skills (normalement plus simples à évaluer) : comment en serait-il autrement de l’évaluation des soft skills dont les frontières sont plus floues, et les risques de contestation par les évalués plus grands. Les auteurs de l’étude le constatent : « En 3 ans, nous n’avons observé aucun progrès en matière d’utilisation d’outils d’évaluation de type tests psychométriques ou Assessment Centers. Celles qui utilisent ces méthodes et celles qui affirment qu’elles vont s’en doter représentent toujours 1 entreprise sur 5. ». Une note de satisfaction toutefois : « La seule évolution notable est le recul des « je ne sais pas » - cela montre que la question est devenue plus « accessible » pour les répondants. ».
Se former aux soft skills
CSP Docendi, un leader de la formation aux soft skills ne pouvaient pas se désintéresser de cette question : des formations dédiées aux soft skills ont-elles été déployées dans votre entreprise durant les 12 derniers mois ? Réponse : « En additionnant les entreprises formatrices et celles qui envisagent de former aux soft skills dans l’année, nous arrivons à 49 %, contre 48 % en 2021. Et ce chiffre représente une légère baisse par rapport à 2022 (52 %). Globalement, nous assistons à une stagnation, voire à un léger retour en arrière. ». La vague serait-elle en train de refluer ? Les entreprises privilégieraient-elles les formations métiers dont on imagine, éloignement de l’entreprise et télétravail en cause, qu’elles ont été un peu délaissées en 2022 ? Mais il est vrai, comme on va le voir, que les soft skills sont de plus en plus instrumentalisées (dans le bon sens du terme) au service de la performance opérationnelle de l’entreprise.
À quoi servent les soft skills ?
Les soft skills mobilisées par les répondants dans le cadre de leur fonction sont les suivantes : l’écoute (66 %) vient au premier rang, l’empathie ne vient qu’au 3ᵉ rang (43 %) mais en forte progression (+10 %) par rapport aux éditions précédentes. Les deux sont liées, évidemment : on voit mal comment on pourrait se mettre à la place de l’autre, identifier ses préoccupations, voire son état intérieur, sans être à l’écoute. Et l’on comprendra, à partir de ces prémices, que l’usage des soft skills est-il particulièrement décisif dans les domaines du management des équipes (63 %, stable par rapport aux précédents baromètres), de l’efficacité professionnelle (61 % des réponses) et de la prévention et de la résolution des conflits. Ce dernier domaine est en hausse significative (46 %) édition après édition (37 % en 2021, 41 % en 2022) : la période est porteuse de conflit. Les auteurs ont cette conclusion : « Les soft skills sont en phase de devenir davantage un outil de management RH « quotidien » qu’une béquille provisoire en période de crise et de changement. Elles s’installent progressivement dans la boîte à outils des DRH. ». On observa par ailleurs que l’usage des soft skills ne s’impose pas réellement dans les domaines du management de projet (14 %) ou de la gestion de l’incertitude (10 %)… bizarre.
L’impact des soft skills : stratégique pour l’entreprise et pour l’individu
Enfin, et on s’arrêtera ici dans les commentaires d’une étude qui contient bien d'autres informations, l’impact des soft skills est considéré comme stratégique, par les répondants, aussi bien pour l’entreprise (47 %), car elles engagent sa performance à long terme, que pour l’individu (49 %), dont elles conditionnent l’employabilité à long terme. C’est de bon augure : chaque fois que coïncide l’intérêt à long terme de l’organisation et des individus qui la composent, l’avenir peut être envisagé plus sereinement. Cependant, faute d’une évaluation sérieusement corrélée entre, d’une part, les investissements dans les soft skills, et, d’autre part, leur impact stratégique collectif et individuel (dispose-t-on seulement de la méthode et des données sur le long terme ?), on reste un peu sur sa faim, notamment au moment de décider des critères sur lesquels il faut ou non former les collaborateurs aux soft skills.
Pour en savoir plus : Baromètre CSP Docendi 2023 des soft skills
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