De nos jours, portés par le Web, les savoirs sont partout, les opportunités d’apprentissage démultipliées au point que, le plus souvent, nos apprenants sont perdus au beau milieu d’un océan de savoirs. Le problème n’est plus quantitatif, car d’un simple clic sur le Web, on accède à un nombre incalculable de références ; il est qualitatif : « comment identifier un savoir de qualité qui répondra à mon besoin ». L’expérimentation d’un agrégateur de contenus chez Safran University constitue une amorce de solution dont quelques enseignements peuvent être tirés.
Curation, agrégation et compilation des contenus : de nouvelles compétences indispensables
Les Directions Formation sont depuis longtemps confrontées à la problématique de la validité des contenus digitaux de formation qu’elles mettent à disposition de leurs « clients » : question de pertinence par rapport aux enjeux de l’entreprise ou encore aux besoins spécifiques de l’apprenant ; question de quantité de contenus qui risque de décourager l’apprenant ; question d’obsolescence de contenus quand la librairie de la plateforme de formation ne se renouvelle pas assez souvent. Ces retours sont remontées au service formation de longue date.
De fait, on observe que les apprenants (dont le temps disponible ne cesse de diminuer) rencontrent de plus en plus de difficulté à identifier le bon contenu, au bon moment et obéissant aux critères qualité adéquats. Pour répondre à ce défi, le secteur de la formation a vu émerger de nouveaux profils dont les compétences relèvent de la curation (au sens initial de la sélection, qualification et mise en valeur des données sur le Web), de l’agrégation (regroupement et structuration des contenus, par exemple, par métier) et de la compilation (synthèses sur des sujets variés). On notera au passage que le métier de la compilation et les processus de traitement des informations ont commencé de se formaliser dès le Moyen-Âge puis à La Renaissance (si ce n’est avant) ; alors, il était déjà délicat, sinon quasiment impossible, de maîtriser toutes les productions livresques !
Accéder aux savoirs de l’entreprise et au-delà : diversité et ouverture sur le monde, nouveaux leitmotivs
Les premières plateformes de formation du début des années 2000 pouvaient intégrer des librairies de grande qualité, parfois produites en collaboration avec de grandes institutions académiques. On partait d’une vision plutôt centralisée des contenus (« mono librairie ») délivrés de façon descendante (« top-down »). Les services formation étaient régulièrement challengés sur le rapport qualité/prix de ces librairies, lesquelles demeuraient finalement très onéreuses. Par ailleurs, les approches pédagogiques restaient souvent monolithiques, répétant les principes et les modalités qui présidaient à la librairie choisie, ce qui ne manquait pas de lasser les apprenants. Enfin, les contenus peinaient à se renouveler : le constat de leur obsolescence pouvait démotiver les apprenants à revenir sur les plateformes — un phénomène très réel objectivé par l’effondrement du « taux de rebond ».
Ce schéma a fini par laisser la place à des approches plus diverses (que les contenus soient produits en interne ou qu’ils proviennent de fournisseurs externes) sous-tendues par l’idée-force d’ouverture au monde. Les solutions technologiques correspondantes mettent en avant une nouvelle proposition de valeur et de nouveaux services propulsés par les compétences de curation, d’agrégation et de compilation déjà évoquées. Cette proposition de valeur tire tout son potentiel du pont dressé entre, d’une part, la plateforme de l’entreprise et, d’autre part, les contenus variés du Web, l’ensemble de ces contenus étant intégrés et accessibles d’un clic à l’apprenant depuis sa plateforme habituelle d’apprentissage. C’est une façon, pour l’entreprise, de se rapprocher des apprenants devenus les principaux acteurs de leur développement, en leur proposant de consulter opportunément toutes les ressources mises à leur disposition. La multiplicité des librairies décuple les opportunités d’apprentissage, tandis que les fonctions de curation et de structuration, menée en collaboration avec le département de formation et les métiers de l’entreprise, donnent sens et épaisseur aux contenus proposés.
Informer ou former : intention pédagogique et structuration, les deux piliers du parcours de formation
L’approche se veut plus collaborative, soutenant le principe d’une organisation devenue apprenante avec une production et une mise à disposition des savoirs à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise ; certaines entreprises, qui vont même jusqu’à proposer ces contenus aux familles de leurs salariés, font écho à l’érosion souvent constatée de la frontière entre les mondes professionnel et privé… Une manière pour elles de développer leur attractivité, grâce à la formation !
Ce nouveau schéma n’est pas sans poser des questions, notamment celle des modalités de validation et d’adéquation des contenus dont on a ainsi ouvert la « boîte de Pandore ». Chez Safran University, cette question a été résolue par la mise en place d’un comité éditorial auquel participe le partenaire agrégateur, des membres du département formation ainsi que des métiers du groupe. Les apprenants eux-mêmes peuvent noter et commenter les contenus. Il n’en reste pas moins qu’un contrôle total reste bien difficile ; ce qui, à nos yeux, n’est pas payé trop cher les énormes bénéfices d’une ouverture et d’un décalage aux vertus réflexives et inspirantes ! Plus encore lorsque l’on sait qu’un mauvais contenu sera naturellement éliminé de la plateforme.
Autre question à considérer : les modalités de prise en compte de ces contenus. Chez Safran University, la réponse a consisté à les laisser par défaut « hors du cadre » de la formation « formelle », autrement dit à mettre ces contenus au service d’un principe d’information et de sensibilisation sans intentionnalité pédagogique avérée. Et quand ces contenus sont amenés à rejoindre un parcours structuré par une ingénierie formalisée (tout l’intérêt est qu’ils sont intégrés et directement accessibles dans la plateforme traditionnelle de formation), ils sont alors valorisés au même titre que les autres composants du voyage d’apprentissage.
Avec l’aimable contribution de Matthieu Estève et de Catherine Loirant
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