L’intelligence artificielle (IA) rentre progressivement dans nos organisations… et pose des questions de fond, notamment lorsque l’on considère la nomination récente d’une IA comme CEO chez NetDragon Websoft, entreprise chinoise spécialisée dans les jeux en ligne ! Sans aller jusque-là, la mise en application de l'IA dans les activités formation nous invite notamment à repenser les modes d’apprentissage formels et informels…
Petit rappel sur le modèle « 70/20/10 » qui décrit comment on développe ses compétences : formations présentielles ou/et à distance (10 % de ce que l’on apprend) ; apprentissage social (20 %) et apprentissage « en situation de travail » (70 % de ce que l’on apprend). Quels sont d'ores et déjà les impacts de l'IA sur ces trois modalités de développement des compétences ?
IA et apprentissages formels : « adaptive learning »
L’IA permet une personnalisation des parcours de formation grâce à l’utilisation des données : en fonction du profil des apprenants, des activités en cours de programme, et des résultats obtenus, les algorithmes proposent des modalités d’apprentissage différenciées, en activant les « grains pédagogiques » les plus pertinents, tant sur le fond que sur la forme.
- De façon « macro », à partir d’un positionnement initial de chaque apprenant, dont le calibrage peut progressivement s'affiner par l’entraînement des algorithmes à partir des données accumulées ;
- De façon « micro », en adaptant en continu le rythme, le niveau de difficulté, ou encore les activités (par exemple, les questions posées aux apprenants).
L’efficacité de ces dispositifs ? Elle provient de la personnalisation des parcours, de l’optimisation du temps de formation grâce à la pertinence des ressources proposées et du renforcement du « transfert » en situation de travail par un meilleur ancrage mémoriel.
IA et apprentissage social : pour tous et par tous !
Les algorithmes ont le potentiel « d’augmenter » la dimension sociale essentielle à l’apprentissage. Nombre de startups et solutions RH ont investi ce champ : certaines visent à renforcer le « mentoring » et l’apprentissage entre pairs, avec des algorithmes de « matching » ; d’autres permettent d’activer des « coachs virtuels », combinant questionnement en ligne et recommandations, en s’appuyant sur le profil de l’apprenant et sur les données accumulées sur l’ensemble des apprenants et leurs interactions. Si ces solutions ne se substituent pas à l’intelligence humaine et émotionnelle d’un coach ou d’un mentor, elles visent à rendre accessibles au plus grand nombre, de façon simplifiée (une aide régulière et de « premier niveau »), des approches réservées jusqu’à présent à une élite. La technologie et l’IA permettent aussi une « augmentation » des communautés de pratiques ; par exemple, un collaborateur peut surmonter un obstacle au moment où il survient, en recevant rapidement des conseils d’experts et de pairs ayant été confrontés à la même difficulté — l’IA étant « entraînée » par des experts, ainsi que par l’ensemble des contributeurs sur un thème donné. On entrevoit ici une collaboration inédite entre intelligence artificielle et intelligence collective.
« Augmenter » l’apprentissage en situation de travail
Le numérique outille depuis longtemps l’apprentissage en situation de travail, en permettant au collaborateur, dans le cadre même de son activité, d’accéder à des « capsules de formation » — souvent appelées « performance support » — au moment où elle ou il en a besoin. L’IA permet de renforcer considérablement l’efficacité de tels dispositifs, en suggérant des graines pédagogiques « dans le flux de travail », en fonction du profil du collaborateur (ancienneté dans le poste, maturité dans la pratique, performance dans le poste, etc.). Aujourd’hui, si vous êtes confronté à une difficulté d’utilisation d’un système, la machine peut « lire » votre humeur et vous proposer une aide simple pour la surmonter ! Ces possibilités invitent les Responsables Formation à « commencer par le 70 » : autrement dit, réfléchir à l’intégration optimale de « ressources learning » dans les processus de travail, plutôt que prévoir une formation en amont dont les apprenants ne retiendront que 10 % ou 20 %.
Refonder le développement des compétences
Plus fondamentalement encore, les algorithmes peuvent transformer les stratégies de développement des compétences, via :
- Le repérage des compétences explicites et tacites de chacun, en intégrant la reconnaissance du langage naturel, sur la base des compétences déclarées, ainsi que du CV, du profil Linkedin, de la reconnaissance par les pairs — tel le système interne de type Linkedin d’IBM ;
- L’identification des possibles évolutions de carrière dans l’entreprise — sur la base des projections de métiers, voire sur le marché externe – à partir d’analyses statistiques issues, par exemple, de Linkedin ;
- La proposition d’activités de développement pour combler les écarts de compétences, à partir du positionnement individuel, des souhaits d’évolution, et des formations déjà effectuées.
Le vrai « superpouvoir » de l’IA n’est-il pas, au fond, d’être le catalyseur d’un « développement pour tous », permettant une réflexion personnalisée qui nécessiterait, sans elle, de multiplier les effectifs RH ?
|