L’actuelle crise de l’énergie et la « fin de l’abondance » incitent à la sobriété dans tous les secteurs, y compris dans celui de la formation qui doit être exemplaire dans ses pratiques et ses messages alors qu'on lui demande de sensibiliser, sinon d’éduquer, le monde du travail sur la question vitale de la transition écologique.
Freiner l’affolante croissance de l’empreinte énergétique du digital
Une rentrée sous le signe de la « sobriété énergétique » pour pouvoir passer l’hiver : après un été qui nous a rappelé que le dérèglement climatique était déjà là, le mot d’ordre de la rentrée : « sobriété énergétique ». Des paroles étonnantes dans la bouche d’un Président qui, en septembre 2020, au lendemain de la demande d’un moratoire sur la 5G, moquait « le modèle Amish ». Le 24 août dernier, changement de ton : afin de pouvoir assurer l’approvisionnement en énergie des Français durant l’hiver prochain, menacé par une série de crises toujours plus graves, « la fin de l’abondance et de l’insouciance » est annoncée et des efforts sont demandés à tous et toutes : individus, collectivités, entreprises. En quoi les acteurs du Digital Learning et de la formation peuvent-ils être concernés ?
Le numérique : un secteur de plus en plus vorace en énergie : d’après le rapport du Shift Project sur la sobriété numérique sorti en 2018, le développement extrêmement rapide du numérique entraîne une hausse de 9 % par an de son empreinte énergétique directe. La consommation d’énergie directe engendrée par un euro investi dans le numérique a augmenté de 37 % depuis 2010. L’intensité énergétique de l’industrie numérique augmente de 4 % par an : une hausse à contre-courant de l’évolution de l’intensité énergétique du PIB mondial, qui diminue actuellement de 1,8 % chaque année. L’explosion des usages vidéo (Skype, streaming, etc.) et la multiplication des périphériques numériques fréquemment renouvelés sont les principales causes de cette inflation énergétique.
Il est donc de la responsabilité de l’ensemble des acteurs du numérique, et donc des professionnels du Digital Learning et de la formation, de réduire leur empreinte énergétique et plus largement environnementale. À l’instar d’un collectif de 500 journalistes qui ont tout récemment mis au point une charte « pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique » en 13 points, il est possible d’esquisser des axes d’amélioration pour un Digital Learning et une formation en ligne avec ces enjeux.
Contribuer en tant qu’acteurs du Digital Learning et de la formation
En formation comme ailleurs, le digital ne doit pas être une fin en soi : le recours au digital doit se justifier par la valeur ajoutée concrète qu'il apporte à une formation : pour toucher un public cible dispersé géographiquement, diffuser un contenu de manière rapide et homogène, répondre à des besoins de formation en temps quasi réel, ou encore pour réaliser des simulations complexes ou dangereuses. En dehors de cela, le présentiel ou au moins le blended doivent être privilégiés. Le choix des formats doit être réfléchi pour limiter l'usage de la vidéo en ligne et d'autres technologies très énergivores et tendre vers une formation bas-carbone. À l’heure où de plus en plus de professionnels de la formation sont tentés par les autres réalités ou commencent à s’intéresser au métaverse, où la vidéo explose au point de concentrer 80 % des flux mondiaux de données, il est important de challenger nos usages du digital dans nos parcours de formation. Nous devons envisager des formats alternatifs (infographie, fiches d'aide, etc.), comme de limiter la durée des formats les plus énergivores ou encore jouer sur leur qualité de diffusion. Des axes mis en œuvre dans le MOOC de Formation à l’Animation de l’association La Fresque du Climat, primé dans la catégorie « La RSE au service de la formation » lors des Trophées du Digital Learning. Preuve que « sobriété » peut rimer avec « efficacité ».
Les technologies et les parcours de formation doivent être écoconçus pour réduire leur impact : si un tiers de la consommation d’énergie primaire consommée par le secteur du numérique est attribuable à la fabrication des équipements des utilisateurs et des infrastructures (réseau et data centers), les deux tiers sont dus à leurs usages. Un fournisseur de solutions de digital learning devrait donc évaluer son impact écologique, allant des serveurs sur lesquels il stocke ses données, jusqu'au mode de développement de ses technologies, à l'heure où nous parlons de plus en plus d'écoconception numérique.
Les professionnels de la formation doivent aussi être formés aux enjeux environnementaux : face à l’urgence de la situation, il convient de faire mentir l’adage « les cordonniers sont les plus mal chaussés » en montrant l'exemple et en exigeant que tous les professionnels de la formation soient eux-mêmes formés aux enjeux environnementaux et à l’impact du numérique : formations types « Fresque », MOOC, il existe aujourd’hui pléthore de ressources dans lesquelles puiser pour garantir un bagage commun autour de ces thématiques, afin de pouvoir mieux accompagner les collaborateurs par la suite.
L’écosystème de la formation doit se faire un devoir d’accompagner concrètement la transition vers des métiers et un monde plus durables : ce dernier point, celui du fond, devient de plus en plus fondamental. L’ensemble des professionnels de la formation, en étroite collaboration avec les ressources humaines, devraient s’interroger sur les formations à prioriser dans un monde toujours plus contraint. Le Plan de Transition de l’Économie française du think-tank Le Shift Project chiffrait en 2021 à +276 000 ETP (Équivalents Temps Plein) l’évolution nette des emplois en France avec la transition, avec toutefois des suppressions importantes dans des secteurs à l’impact environnemental de moins en moins soutenable comme l’industrie automobile, le logement ou le fret, qui doivent se transformer en profondeur. Doit-on encore dédier des ressources au maintien de compétences qui, au-delà de contribuer à l’aggravation des problèmes écologiques, vont rapidement devenir obsolètes dans un monde où nous commençons d'être rattrapés par les limites physiques ? Ou au contraire, n’a-t-on pas aujourd’hui la chance inédite de créer des programmes de formation qui permettent à ces secteurs de se transformer et de réellement enclencher leur redirection écologique ?
C’est la grande question que tout notre secteur devrait se poser maintenant : quel monde souhaitons-nous construire et accompagner, avec nos dispositifs de formation ?
Actualité :
Représentant La Fresque du Climat, Trophée du Digital Learning 2022 dans la catégorie Formation et RSE, participera à la table ronde "Formation et transition écologique" de la Conférence 2022 des Lauréats, en compagnie de Jean-Roch Houllier (Safran) et Patrick Benammar (Renault Group).
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