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Direction, le mentorat 3.0 : les décideurs formation-RH ont-ils seulement le choix ?
19 SEPTEMBRE 2022 / pratiques
Anne Grjebine
senior advisor innovation rh
air france
Le mentorat, qui n’a plus à faire ses preuves, n’a cessé d’évoluer. Il s’exprime aujourd’hui dans une version 3.0 dont de grandes entreprises françaises ont commencé à tirer profit, notamment dans le mentoring des jeunes cadres ou dans l’accompagnement à la mobilité professionnelle… Hybride (présentiel et distanciel), fondé sur les relations réciproques du mentoré avec ses mentors ou développeurs, le mentorat 3.0 résout bien des incertitudes du moment…

Limites du mentorat 2.0

Depuis des années, le mentorat est reconnu comme une approche utile, en particulier pour développer les jeunes cadres en début de carrière.

Le « reverse mentoring », qui s’est fortement implanté auprès des quadragénaires et plus, a constitué une aide précieuse à leur appropriation des outils digitaux : les plateformes digitales de mentorat 2.0 ont permis de constituer des cohortes de mentors en ligne, souvent sous la forme de binômes — l’un des membres étant expérimenté, l’autre moins — venant en appui au développement et au maintien, via le digital, de la relation de mentoring. Bien qu’il dispose d’atouts certains, ce mentorat 2.0 affichent de nombreuses limites. Notamment, parce que le développement des personnes est loin de reposer sur un seul mentor : c’est tout un réseau qui doit être mobilisé, un écosystème ou constellation de personnes (« les développeurs »), chacune avec son rôle spécifique dans la relation au mentoré (« le protégé ») (confèrent Higgins et Kram). 

Du mentorat 2.0 au mentorat 3.0

C’est pourquoi on s’intéressera à une évolution du mentorat — le mentorat 3.0 — que les directions L&D pourraient utilement expérimenter. En effet, le mentorat 3.0 (dont nous allons progressivement cerner les caractéristiques) est adapté aux nouvelles formes de travail hybride. Déjà, parce qu’il est lui aussi hybride ! C'est-à-dire offrant un double support, digital et présentiel, à la relation de mentoring qui vise, rappelons-le, à aider des salariés à atteindre leurs objectifs de développement. Le mentorat 3.0 est par ailleurs adapté aux nouvelles attentes : il est frugal, car ses coûts sont très réduits (une courte prise en main suffit à en maîtriser le fonctionnement) ; innovant (il commence tout juste à être déployé en France) ; il est simple à mettre en œuvre. Le mentorat 3.0 est également bien adapté aux besoins des salariés engagés dans une mobilité professionnelle ou personnelle. Nous avons constaté que les cas d’usage les plus probants concernaient des actifs en début de carrière ; ou, comme on l'a vu, des personnes susceptibles de mobilité à trois ans, ou dans le cadre d’une réorientation de carrière ; ou encore les seniors en vue de leur préparation à la retraite. 

Le rôle des « développeurs » dans le mentorat 3.0

Que le « protégé » ait un objectif professionnel à court terme (par exemple, réussir une prise de poste) ou à plus long terme (réussir une transition professionnelle à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise), son accompagnement devra mobiliser plusieurs personnes : l’expert du domaine (métier) en charge d’orienter le protégé sur les compétences à maîtriser et les bons contacts à développer ou connaître ; la personne avec qui il réfléchira à son orientation ; celles qui lui apporteront un soutien psychologique quand la transition pourrait s’avérer délicate… Cette équipe de « développeurs » (4 ou 5 en moyenne) grimpera potentiellement jusqu’à une dizaine de personnes, chacune, donc, dans son rôle, mais toutes offrant le soutien et la confiance aptes à atteindre les objectifs de développement. Des développeurs qui pourront avoir été désignés par l’employeur ou identifiés par le mentoré dans son réseau personnel hors l’entreprise (famille, conjoint, voire clients… ne sont pas exclus).

Ceci constitue une rupture fondamentale dans la façon d’aborder le mentorat : il ne s’agit plus pour l’entreprise de constituer des couples avec un senior aidant un junior, mais d’aider les personnes concernées à identifier leur réseau ou constellation de mentors et les encourager à identifier les stratégies gagnantes pour activer ce réseau de développement que constituent les mentors 3.0.

Les similitudes existent avec le mentorat 2.0 : la relation d’aide et d’accompagnement est au cœur des deux approches, par l’activation des personnes à même de contribuer au développement personnel et à l’atteinte des objectifs à court ou moyen terme spécifiquement et préalablement définis. De même, la relation peut être en présentiel (In Real Life, IRL) ou en digital, supportée ou non par une plateforme. Des formes très variées, donc, qui dépendent des développeurs que le mentoré trouvera dans son « réseau développemental ».

Le grand apport du mentorat 3.0, c’est la reconnaissance du fait que la personne se trouve au cœur d’un réseau dont elle n’est pas un acteur passif, car les relations sont réciproques, à double sens, d’autant plus riches, en effet, que la réciprocité sera forte. Le mentorat 3.0 reconnaît aussi l’importance de la dimension psychologique dans l’accompagnement d’une transition visant à surmonter des freins, des croyances auto-limitantes, des doutes liés à l’incertitude inhérente à toute période de transition. S’il valorise la personne désignée ou choisie en interne, il valorise également le réseau professionnel à l’extérieur de l’entreprise, de même que le réseau personnel. 

La révolution « One To Many »

D’une certaine manière, le mentorat 3.0 aide à formaliser l’approche empirique qu’on adopte souvent quand on s’entoure de plusieurs personnes dans ce type de transition. Il offre l’intérêt d’une méthode outillée par le digital notamment pour cartographier la constellation des développeurs, des conseils pour conduire et développer la réciprocité de la relation. Cette approche reposant sur la force d’un écosystème, donc partie intégrante de la révolution « One To Many », est particulièrement valable en ces temps (VUCA) où il faut gérer l’incertitude. Des entreprises leader sur le marché français (qui se reconnaîtront dans cette tribune !) l’utilisent déjà dans leurs programmes de développement des jeunes cadres, avec des retours du terrain d’ores et déjà très prometteurs.

L’auteur remercie Jean-Roch Houllier (Head of Learning et digital, Safran) ainsi que Gérald Peoux (Directeur Adjoint du Master Humanité et Management, Université de Nanterre Paris Ouest), pionniers dans l’adaptation de la méthode au contexte français, pour leur précieux éclairage sur le mentorat 3.0.

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