Petit retour sur l’IA et ses applications en formation, avec Didier Gaultier (DataScience & AI Director at Business & Decision, Orange group)… L’IA dans la formation, c’est maintenant ! Y compris pour les organismes de formation dont les investissements en IA peuvent être en partie financés.
Un court rappel sur ce qu’on appelle l’IA, ses promesses et ses limites dans le monde du travail, peut être utile…
Didier Gaultier : En effet, on peut commencer ainsi ! Chez Business & Decision, nous avons adopté la définition suivante : « Discipline consacrée à la construction « d’agents » (logiciels ou matériels) qui interagissent avec l’environnement, peuvent apprendre à partir de données initiales fournies ou collectées lors des interactions pour réaliser des fonctions (actions ou aide à la décision) dans un environnement déterminé, avec un certain degré d’autonomie. »
D’emblée un vaste champ…
Didier Gaultier : L’IA, qui englobe de fait de nombreuses disciplines, est elle-même englobée dans une discipline plus large qu’on appelle « DataScience », laquelle inclut également des disciplines comme le Machine learning (comprenant le deep learning également inclus dans l’IA), les statistiques, le Data Engineering pour n’en citer que quelques-unes. Les DataScientists qui conçoivent les programmes d’IA doivent bien sûr comprendre les différents enjeux business du métier sur lequel ils cherchent à implémenter de l’IA. Dans le domaine de la formation, la satisfaction des apprenants, des formateurs et des responsables de formation reste un point de vigilance capital.
Un point important à noter, c’est que les IA que nous savons produire (au sens large) sont des IA contextuelles : la technologie qui réaliserait des IA fonctionnant quel que soit le contexte n’existe pas aujourd’hui, et je doute qu’elle puisse exister un jour. On est donc très loin des films de science-fiction ! Par conséquent, un programme d’IA qui fonctionne pour une formation donnée ne fonctionnera peut-être aucunement pour une autre formation. D’une certaine façon, c’est rassurant : l’intelligence artificielle n’a pas vocation à se substituer à l’humain, mais plutôt à l’aider à décider ou à agir quand il y a un très grand nombre de données à considérer ou dans des temps très courts.
Quelles sont les applications de l’IA dans le champ de la formation professionnelle ?
Didier Gaultier : L’IA peut (et devrait) être utilisée dans la formation professionnelle dans tout un tas d’applications, qui vont du planning à l’analyse des résultats en passant par l'e-learning, l’analyse des prérequis, de la progression, des résultats des tests, de la pratique et du retour des apprenants. Chez Business & Decision, nous travaillons sur des projets dans lesquels l’IA est utilisée en « adaptative learning », par exemple, pour une société cliente spécialisée dans la formation autour de progiciels. Les résultats sont probants quand il s'agit d’évaluer du niveau d’utilisation d’un progiciel ou d’une application web par un utilisateur, de cartographier des usages et des profils d’apprenants, de classifier et d’analyser les résultats obtenus. Dans ce projet, les formateurs qui ont conçu les modules de formation sont secondés par l’IA pour analyser les résultats atteints et, éventuellement, les contenus de formation. On retrouve la complémentarité que j’évoquais. Ajoutons que l’IA se révèle d’autant plus efficace que la classification du vocabulaire (ontologie) et des modules de formation, issue de l’analyse initiale, est conduite rigoureusement. Post formation, l’IA peut aussi jouer un rôle essentiel dans l’analyse globale des résultats d’apprentissage et de l’efficacité du programme de formation en comparant plusieurs cohortes d’apprenants.
Ces applications de l’IA sont donc d’ores et déjà effectives ?
Didier Gaultier : L’application que je viens de mentionner est encore en phase pilote, mais ses résultats dont d’ores et déjà prometteurs. De plus, je ne vous surprendrai pas en rappelant que notre école interne pour DataScientists et DataEngineers (« l’école de la Data et de l’IA ») utilise massivement l’IA pour évaluer continument la pertinence des modules et des cours délivrés, qu’ils aient été délivrés avec un enseignant ou en e-learning. La mesure de la satisfaction des apprenants et le retour des enseignants en fonction des catégories de profils étant anonymisée, l’IA a permis la réalisation d’analyses d’une grande finesse dont nous avons tiré des conclusions qui auraient été invisibles autrement.
Vous parliez d’adaptive learning…
Didier Gaultier : Si un professionnel est mieux placé que l’IA pour concevoir globalement des parcours de formation complets, souples et adaptables, l’IA permet ensuite d’analyser, voire d’adapter, les parties du programme de formation pour une meilleure progression et plus de satisfaction des apprenants. Pour que cela soit intéressant et financièrement rentable, il faut que le même programme puisse être suivi par plusieurs dizaines, sinon plusieurs centaines d’apprenants. Pour des petites cohortes, l’IA n’apportera pas de gains significatifs, faute de données suffisantes pour « entraîner » une IA et lui permettre d’apprendre à partir des données existantes.
Les services formation vont devoir se doter de data scientists ?
Didier Gaultier : C’est probable et souhaitable ! Parce qu'un bon usage de l’IA est susceptible d’apporter des gains de compétitivité durables. Comme les IA sont encore, et pour longtemps, contextuelles, aucune IA n’est capable de s’adapter à tout type de formation et de cursus… L’intervention d’un DataScientist s’imposera. Mentionnons au passage que les PME et les ETI peuvent obtenir des financements pour développer leur programme d’IA, par exemple, en Île-de-France grâce au Pack. Une façon, pour les organismes de formation, de franchir ce pas à moindre coût.
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