Pour Anne Grjebine (Senior Advisor Innovation RH, Air France), la frugalité n’est pas qu’affaire de coûts, elle est aussi une opportunité de réinventer la formation, ses dispositifs, ses modalités, ses instances ; à sortir des sentiers battus à la recherche du plus haut niveau de satisfaction pour les apprenants et l’organisation… Six principes pour aller vers une formation plus frugale.
Quand la crise est là, que les budgets sont de plus en plus contraints, le découragement peut vite guetter les responsables formation. Comment faire de la formation quand tout semble trop cher ? Comment continuer d'innover dans le développement des salariés ? Voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide ? Comment transformer une vraie contrainte en opportunité ? Plusieurs années d’expérience dans un contexte économiquement très contraint démontrent que d’autres dispositifs de formation sont possibles pourvu qu’on accepte de changer de paradigme et d’adopter de nouvelles pratiques…
#1 Penser d’abord aux coûts
Cette orientation n’est certes guère exaltante, mais elle indispensable. En matière de coût, s’il faut privilégier un seul indicateur de pilotage (outre le budget, bien sûr), ce sera celui du coût de l’heure stagiaire dans lequel entrent, rapportés à cette unité de temps, tous les coûts internes du présentiel et du digital (masse salariale, locaux, frais de structure…) et externes (achats de formation, notamment) et dont on peut déduire les recettes éventuelles (ventes), elles aussi rapportées à l’heure stagiaire. Cet indicateur sera suivi dans son évolution, année après année, et pourra être comparé (benchmarké) avec celui d’autres entreprises. Il est utile, aussi, dans le choix d’une modalité pédagogique ou d’un prestataire : il permet d’éliminer rapidement des options non économiquement viables.
#2 Penser au digital
Garder à l’esprit la formule « digital first » ! Tant la formation digitale offre des gains substantiels (de 2 à 10) par rapport au cours en salle. La réduction des coûts induite par le digital provient d’un temps moindre passé en formation (la réduction est de l’ordre de 1 à 4-5) ainsi que de l’économie des frais de déplacement et d’hébergement et de la moindre cherté des outils auteurs qui permettent, par exemple, de produire de la Vidéo 3D ou des Mooc. Un conseil : dans votre réflexion, n’oubliez pas qu’un Learning Expérience Platform (LXP) permet d’ajouter sans inflation des coûts une interface apprenant de haute qualité aux plateformes LMS et aux outils transactionnels présent dans le SI formation (les plateformes LMS s’y essaient, sans grand succès).
#3 Expérimenter
Les contraintes économiques incitent à innover : réinventer l’action de formation en se concentrant sur la montée en compétences plutôt qu’en tentant à tout prix de préserver un formalisme administratif désuet. Exemples : transformer la culture managériale via l’intervention de speakers et d’auteurs inspirants, mais sans attenter au coût à l’heure stagiaire cible global ! ; combiner digital et présentiel dans des formations hybrides en tirant le meilleur parti des deux…
#4 Faire de la curation et assembler plutôt que créer
Le temps est révolu où le responsable formation repartait d’une page blanche pour créer un nouveau contenu pour répondre à chaque besoin de compétence transverse ou managériale. Les éditeurs offrent des contenus d’une telle richesse qu’on peut (et qu’on doit) maintenant se constituer son catalogue en puisant dans les contenus externes les plus en adéquation avec les besoins de compétences et la culture de l’entreprise. Veiller, connaître le marché, jouer un rôle d’ensemblier : ce sont les nouveaux impératifs, auxquels on peut ajouter la nécessité d’inventer des nouvelles modalités à partir des ressources souvent gratuites existant dans le Web ou dans l’entreprise. Dans cette mission de curation, on pourra s’aider des plateformes dédiées récemment apparues sur le marché.
#5 Tirer parti des compétences des experts internes, pour apprendre de ses pairs
Les services formation ne doivent pas viser à développer un effectif important de formateurs permanents, mais à créer et à animer un réseau de formateurs occasionnels : ces experts métier animés du désir de transmettre leur savoir au plus grand nombre dans l’entreprise. En combinant leurs compétences métier avec les compétences d’ingénierie pédagogique des équipes formation (ou des experts externes), il est possible de développer des programmes de formation qui, après avoir été cotestés par les experts métiers et les pédagogues, peuvent ensuite être déployés exclusivement par les formateurs occasionnels internes.
#6 Collaborer
Collaborer, co-construire, co-créer, s’inspirer… On ne dira jamais assez les vertus de la collaboration, alors que la formation doit se synchroniser avec un monde du travail et des attentes en pleine accélération. Démarrée au printemps 2020, la pandémie a permis à la fonction formation de démontrer qu’elle était capable de s’adapter avec la plus grande réactivité, pour remplacer le cours en salle interdit par le confinement et former massivement les salariés aux nouvelles modalités de travail et aux nouvelles règles du bien-être. Les « Learning Activists » (club informel d’une vingtaine de responsables de formation émanant de grandes entreprises : L’Oréal, Air France, Total Energies, Saint Gobain, Renault, Orange, Generali…) a donné un bel exemple de collaboration renforcée, avec de nombreuses réunions d’échange, l’utilisation d'un groupe WhatsApp, le partage de documents et de contenus dans un groupe Teams. Chacun a pu gagner des dizaines d’heures de travail dans l’alignement de son dispositif de formation avec les défis du #newnormal !
Pour conclure :
Être frugal, cela ne consiste pas seulement à réduire les coûts, mais à véritablement réinventer la formation, ses dispositifs, ses modalités, ses instances (à commencer par le rôle du responsable formation) ; à sortir des sentiers battus en se mettant systématiquement à la place des apprenants : comment maximiser leur satisfaction ?
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