Pour Claire Bernagaud (Directrice générale, Ingenium digital learning), le métavers est susceptible d’enrichir considérablement les parcours de formation multimodaux… Toutes les dimensions de l’apprenance sont touchées : acquisition des savoirs, engagement des apprenants, mise en application, « collaborative learning »… Sans oublier l’intérêt économique de cette approche. Le métavers, c’est pour tout de suite ?
Qu’appelez-vous « métavers » ?
Claire Bernagaud : Le métavers (metaverse en anglais) désigne un ensemble de mondes ou d’univers numériques parallèles, mêlant réalité virtuelle, réalité augmentée et intelligence artificielle. Dans ces espaces connectés entre eux, on peut se créer un avatar, autrement dit un jumeau digital qui, grâce à des animations graphiques, des éléments 3D et une interactivité audiovisuelle, peut avoir des interactions sociales ou professionnelles avec d’autres. Le métavers permet ainsi d’associer immersion et actions collectives ou collaboratives et vient en quelque sorte concurrencer le monde physique réel.
Le concept ne date pas d’hier. Les premières applications concrètes viennent de l’univers des jeux vidéo, avec le pionnier « Second Life » et plus récemment « Fortnite ». Des films comme Matrix et Ready Player One ont aussi largement contribué à populariser cette idée de connexion entre monde physique et monde digital et alimenté les rêves et les peurs liés à l’usage de ces technologies.
Le métavers, un sujet pour Ingenium digital learning ?
Claire Bernagaud : Chez Ingenium digital learning, nous nous interrogeons toujours sur les nouvelles technologies : est-ce qu’elles peuvent avoir leur place dans les dispositifs de formation ? Qu'apportent-elles à la pédagogie ? Etc. Pour le métavers, nous avons même été des précurseurs il y a quelques années, avec la création d’une île dans Second Life, destinée à l’apprentissage des langues. Ces projets ont cependant disparu pour des questions liées à la sécurité des environnements. Aujourd’hui, les technologies ont évolué, se sont perfectionnées et les cas d’usages possibles se développent. Donc le métavers, bien utilisé et maîtrisé, a un véritable potentiel pédagogique.
Quelles en sont les caractéristiques ?
Claire Bernagaud : Accessibles sur téléphones portables, ordinateurs, directement sur le web, dans Teams, Zoom, en téléchargeant une appli… les plateformes de métavers sont diverses et du point de vue pédagogique, elles offrent un large éventail de possibilités. On peut tout à fait imaginer des présentations en amphithéâtre, des serious games, des escape games, des espaces de travail collaboratifs entre apprenants… Et lorsqu’il y a nécessité de manipuler des objets ou d’exécuter des gestes métier potentiellement dangereux dans le monde réel, l’apprentissage par l’immersif virtuel prend tout son sens !
Les bénéfices pour les apprenants semblent potentiellement illimités…
Claire Bernagaud : Le métavers permet, en effet, de créer ou de recréer tous types d’environnements avec précision, et donc d’immerger l’apprenant dans des scénarios potentiellement captivants dont il devient le « héros ». Selon les activités proposées, il interagit seul ou avec un groupe pour expérimenter, comprendre une situation et effectuer des choix. Il va donc pouvoir développer des compétences métiers, acquérir un savoir, mais aussi développer des soft skills, ces compétences sociales très recherchées aujourd’hui. C’est à mon sens tout l’intérêt du métavers. Parce que le métavers permet aux apprenants d’évoluer dans leur formation comme dans un jeu en mode multijoueurs. De ce fait, comme « joueurs » ou acteurs, ils discutent, argumentent, se corrigent mutuellement, analysent les situations, leurs choix… Ils sont donc plus engagés et mémorisent mieux les apprentissages. C’est cette dimension collaborative qui constitue l’élément différenciant du métavers et qui permet d’aller plus loin qu’avec de simples outils de classes virtuelles par exemple.
Cette approche est-elle déjà à la portée des Directions formation ?
Claire Bernagaud : Je pense que c’est vraiment en passe de le devenir. Les plateformes dédiées fleurissent. Pour bien choisir, il est important de tester l’ergonomie, la facilité de prise en main de ces plateformes (toutes ne sont pas aussi intuitives qu’elles veulent bien nous le faire croire), ainsi que l’intégration possible dans l’écosystème de l’organisme de formation.
Aujourd’hui, elles intéressent plus les organismes de formation que les Directions formation, même si l’intérêt des DRH s’aiguise rapidement, d’une part, parce qu’il y a un effet « waouh » évident et, d’autre part, pour leur gain économique ! On trouve aujourd’hui des solutions très intéressantes et accessibles. Chez Ingenium digital learning, nous travaillons avec des grandes entreprises à la création de parcours multimodaux, intégrant des activités dans le métavers. On peut facilement imaginer qu’à l’horizon de quelques années, le métavers soit, dans l’univers de la formation, un disrupteur comme l’e-learning l’a été il y a une quinzaine d’années.
Le métavers peut donc s’intégrer dans les dispositifs de formation qui existent dans les entreprises ?
Claire Bernagaud : C’est bien le cas ! Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de recréer des parcours de formation en présentiel, mais bien de proposer une modalité complémentaire, qui va permettre de mettre l’accent sur le travail de groupe, la co-réflexion… Rien n’empêche de proposer des parcours intégrant en même temps du e-learning « classique », des regroupements en présentiel dans le monde réel ou via des classes virtuelles, et des regroupements physiquement virtuels dans le métavers. Mais les activités se distingueront : elles viendront, par exemple, rendre pratique un enseignement théorique ou mettre plus l’accent sur l’apprentissage via l’expérience immersive ; elles renforceront des actions collaboratives, des comportements dans des situations données…
Le champ des possibles est donc ouvert, mais pour éviter le simple effet de mode, il faut réaliser un véritable travail amont sur la pédagogie pour trouver les bons usages, réfléchir à l’intérêt de rendre immersifs certains parcours de formation plutôt que d’autres, imaginer l’intégration du métavers dans un dispositif multimodal global.
Quelle est la proposition d'Ingenium DL aux clients ?
Claire Bernagaud : Aujourd’hui, nous sommes en veille permanente pour identifier les acteurs de ce nouveau marché. Nous avons expérimenté certaines plateformes existantes pour en identifier les points forts et les points faibles, des fonctionnalités au design. Nous conseillons et accompagnons nos clients dans l’intégration du métavers dans leur formation et redessinons avec eux des parcours de formation dans lesquels la multimodalité n’est pas un mythe.
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