Dans le premier volet de cet article, il a été question du tableau de bord de la direction formation, et de la nécessité de le revoir, sinon de le réinventer à partir d’une batterie de nouveaux indicateurs où les services formation peuvent puiser.
Cet exercice doit s’appuyer sur un cadrage ; celui qui suit, en neuf points, peut en donner une idée :
- Les services formation doivent réinventer leur stratégie d’évaluation en profitant des nouvelles possibilités que leur offrent les technologiques numériques. Longtemps, en effet, les services formation ont pu s’abriter, à juste titre, derrière la charge de travail quasi insurmontable qu’il leur aurait fallu engager pour recueillir les données, les contrôler, les analyser, les corréler avec l’impact réel de la formation sur la performance des collaborateurs ou le développement et la mobilité du capital humain de l’entreprise. À présent les technologies numériques sont à même de gérer la plus grande partie de ces tâches fastidieuses.
- Évaluer la qualité des formations ne suffit plus ; il faut désormais évaluer l’impact de la formation, notamment sur la performance du business, le développement du capital humain, et, plus généralement sur la capacité de l’entreprise et de l’organisation à faire face aux nouveaux enjeux. Le temps n’est plus où l’évaluation pouvait se réduire au renseignement d’un formulaire papier par l’apprenant à l’issue du stage de formation, même complété du rapport du formateur. Le service formation est mis au défi de prouver la valeur crée dans sa réponse aux enjeux stratégiques que l’entreprise et ses collaborateurs doivent affronter. Cette preuve peut prendre la forme d’un calcul de rentabilité des coûts engagés dans la formation (ROI), mais il y a bien d’autres possibilités, comme on l’a vu dans le premier volet de cet article.
- L'évaluation de la qualité et de l’impact de la formation vont de pair. Pour les services formation, la question ne se pose pas de choisir entre, d’une part, l’évaluation de la qualité des formations et des services délivrés, et, d’autre part, l’impact que la formation doit avoir (la valeur créée). Les deux sont complémentaires : quel intérêt aurait une formation dont les activités pédagogiques, le timing, la documentation seraient perçues comme d’excellente qualité, si elle ne procédait pas de l’impact qui en est souhaité ? Réciproquement, une formation même pertinente perdrait en impact si elle n’atteignait un niveau de qualité correct.
- Les clients de la formation sont les meilleurs juges de sa qualité et de son impact. Ces dernières années, l’apprenant a vu son rôle évoluer : de simple usager d’un budget de formation trop heureux de bénéficier d’un stage, à client à part entière choyé par les multiples possibilités, souvent très tentantes, qui s’offrent à lui pour se former. Dans ce contexte d’abondance et de concurrence des propositions, les services formation ne peuvent se payer le luxe d’ignorer ce que les apprenants, leurs managers, et l’entreprise, pensent réellement de la qualité et de l’impact des formations (présentielles/distancielles, synchrone/asynchrone, formelle/informelle) délivrées.
- Pour améliorer son impact, la formation doit prolonger son action au-delà de son « régalien » habituel, en facilitant les conditions, voire les objectifs de mise en pratique des savoirs qu’elle a contribué à construire. Parce que l’impact de la formation dépend de l’usage que le collaborateur fera post formation des compétences acquises en formation. Ce transfert des acquis est, on le sait, le niveau le plus sensible du modèle de Kirkpatrick et de ses dérivés. Les services formation ne sauraient le laisser en jachère plus longtemps.
- Les services formation doivent s’efforcer de mieux impliquer les collaborateurs dans l’évaluation des formations. Un collaborateur à qui l’on demande d’évaluer la qualité d’une formation, et à plus forte raison de s’impliquer dans l’évaluation de son impact, peut concevoir de l’inquiétude : est-ce que cette évaluation ne va se retourner contre moi ? Si le recueil automatique des données permet de réduire en partie ce biais, il est toutefois préférable d’opter pour la transparence sur la future exploitation des résultats. Mieux vaut créer la confiance, pour démontrer aux collaborateurs qu’il est de leur intérêt, comme de celui de l’entreprise, d’évaluer objectivement les formations pour les améliorer quand c’est nécessaire.
- Une évaluation n’est pas forcément un pensum ! On peut évaluer la qualité ou l’impact de la formation de façon ludique, engageante, en utilisant des modalités variées, digitales ou non. Plutôt que de parler d’évaluation, il vaudrait mieux parler de mix d’évaluation, ou de blended evaluation, c'est-à-dire d’une combinaison cohérente de différents médias d’évaluation (synchrone ou non, distancielle ou non, formelle ou non).
- L’évaluation est une modalité de formation à part entière. L’évaluation n’est pas seulement un contrôle a posteriori, même si ce contrôle est indispensable pour l’obtention de certaines certifications ou habilitations. La puissance de l’évaluation comme modalité de formation n’est plus à prouver (les études abondent en la matière), au point d’être prisée par certaines populations cibles (les équipes commerciales, par exemple) qui la considère, notamment sous forme de gamification et autres leaders boards, comme un défi à relever.
- L’Intelligence artificielle et son exploitation judicieuse des données vont révolutionner les pratiques d’évaluation. On a déjà noté que les technologies numériques sont de nature à soulager les services formation des tâches, routinières et trop lourdes en charge de travail, qui sont attachées à l’évaluation. De fait, ces technologies vont aujourd’hui bien au-delà de cette « simple » possibilité. En effet, les algorithmes (IA) vont permettre de croiser les données du travail (issues des SI métiers), de la formation (issues de l’écosystème digital de formation) et de la gestion des talents (SIRH ou talent management system). Pertinence et qualité des formations pourraient ainsi s’améliorer dans des incrémentations toujours plus rapides ; surtout, l’évaluation s’ouvre la perspective du prédictif, voire du prescriptif.
|