Le Baromètre annuel Télétravail 2021 ((source : Malakoff Humanis) pointe les manques ressentis par les télétravailleurs trop longtemps éloignés du site de leur entreprise. La fonction formation doit méditer sur les raisons invoquées pour réhabiliter, s'il en est besoin, le cours présentiel…
De l’influence du cours présentiel sur l’engagement apprenant
Selon le Baromètre Télétravail 2021, 56 % des télétravailleurs se sentent plus engagés quand ils travaillent sur site. Par analogie, on se pose naturellement cette question : le cours présentiel favorise-t-il l’engagement apprenant ?
Il est certain que la fonction formation a très vite identifié que la question de l’engagement apprenant était une problématique clé de la formation à distance. À partir du moment où la formation est « orientée apprenant » — c'est-à-dire reposant principalement sur un apprenant qui peut, certes, accéder à de multiples ressources pédagogiques, mais avec un encadrement moindre que celui offert dans un cours présentiel —, les dispositifs doivent mettre en jeu tout un ensemble d’approches, de techniques et d’outils visant à s'assurer d'un minimum d'engagement apprenant : tutorat, gamification, diversité des modalités de formation, changements de rythme, design inspiré des usages numériques, etc. Force est de constater que le cours présentiel peut s’affranchir de la plupart de ces investissements élevés : les conditions dans lesquelles il prend place, et le simple fait d'être ensemble, ouvrent naturellement à la possibilité d’un engagement individuel plus important. Si 61 % des télétravailleurs indiquent se sentir plus efficaces dans leur travail d’équipe, on pourrait imaginer que la co-construction sociale des savoirs est, elle aussi, mieux satisfaite dans un cours en salle (ou dans tout autre modalité de formation présentielle, car le cours en salle ne suffit pas à toutes les épuiser).
Question de convivialité
Toujours selon le Baromètre Télétravail 2021, 59 % vont au bureau d’abord, disent-ils, pour partager un moment de convivialité avec leurs collègues, ils sont même 77 % à faire cette réponse dans la tranche des 18-24 ans ; 44 % des télétravailleurs indiquent par ailleurs qu’ils sont motivés par la rencontre avec les membres de leur équipe. Ces considérations sont à prendre au sérieux. Cette convivialité, qui existe le plus souvent dans un cours présentiel, est sinon absente, au moins très diminuée, dans les formations à distance. Les formateurs le savent, qui se nourrissent du sourire, des fous rires, des éclairs d’intelligence collective, des moments de grâce (un ange passe) et de mutuelle reconnaissance, qui émaillent la vie d’un groupe autour d’un but partagé pendant un ou plusieurs jours. Si la formation distancielle n’offre que (très) rarement pareils moments, c’est qu’elle se joue par écrans interposés : ce n’est moi qui participe à cette réunion, c’est mon image qu’en donne l’écran, image électronique lissée, amputée de la plupart des signaux multisensoriels que l’humain engage dans sa rencontre à l’autre dans le monde physique. Que les télétravailleurs les plus jeunes recherchent particulièrement ces moments de convivialité offerts par le travail sur site, cela indique assez aux services formation que les « digital natives » ne sauraient se contenter d’une formation à distance, ni même de digital learning : ils réclament leur lot de présentiel ! Ce rappel vient à point nommé, pour quiconque envisagerait de réduire le présentiel à la portion congrue, croyant ainsi moderniser ses dispositifs de formation sur une idée erronée de ce qu’attendent les plus jeunes collaborateurs.
Du bien-être des télé-apprenants
Le télétravail a négativement affecté la santé psychologique de 26 % de télétravailleurs (contre 12 % en 2019), faute de lien social — pour Aristote, l’homme est par nature un animal politique, vivant dans la « polis », la cité, parmi les autres : animal social… Ces chiffres n’étonnent pas ; ils confirment de multiples investigations de même nature (par exemple, concernant la santé des personnes âgées isolées). Les services formation sont bien sûr mobilisés pour aider ces télétravailleurs en difficulté : formations au bien-être, prestations d’accompagnement, usage du « live à distance » (réunions de formation, classe virtuelle) pour rétablir un semblant de contact. Ces aides sont utiles ; on peut toutefois imaginer que le retour au présentiel constituera une excellente réponse aux difficultés rencontrées par les télétravailleurs — apprenants à distance. Cette réponse, il faut toutefois le noter, risque de se heurter au développement du travail hybride qui réduit le temps passé sur le site de l’entreprise… À moins qu’une partie significative de ce temps soit consacré à la formation !
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