Annoncé en avril, le projet d’acquisition de Talentsoft par Cegid est officiellement confirmé. On espère que Cegid saura préserver les capacités inscrites dans l’ADN de Talentsoft dans sa création il y a quinze ans, et qui lui ont permis un très beau parcours.
Mariage de la carpe et du lapin ou mariage de raison ? La réponse, qui ne va pas de soi, conditionne la réussite d’une union qui présente beaucoup d’avantages sur le papier, et dont les conséquences concernent directement les clients de Talentsoft.
Casting
Deux sociétés d’origine française.
Talentsoft : un peu mois de 100 millions de chiffre d’affaires annuel, positionné comme un éditeur européen de référence des solutions de gestion des talents dans le cloud (recrutement, learning, core RH, etc.), dont l’essentiel des revenus est réalisé auprès de grandes entreprises françaises, mais disposant d’une bonne notoriété à l’international : 2 200 clients dans 130 pays. Un affichage séduisant dans plusieurs benchmarks internationaux, dont les services IT et achats sont friands dans leurs appels d’offre : la suite « talent » de Talentsoft est complète, fait grand cas de l’expérience employé et présente des avancées dans l’IA appliquée à la gestion RH. Croissance essentiellement organique depuis l’origine, avec quelques incursions de croissance externe ; on mentionnera en particulier l’acquisition réussie d’e-doceo, qui a permis d’accélérer la pénétration de Talentsoft dans le périmètre Learning (LMS, outils auteurs) en France.
Cegid : cinq fois plus de chiffre d’affaires que Talentsoft ; principalement réalisé sur des solutions répondant à un large spectre de besoins (ERP, cash management, fiscalité, paie, gestion RH…), y compris des besoins « verticaux » (distribution), ce qui peut être vu comme un avantage (possibilité de « saturer » les clients d’une des solutions avec d’autres composants du portefeuille produits) ou un inconvénient (quelle est la vision de l’entreprise ? comment maintenir une offre de haut niveau dans chacun des compartiments ?). Une reconversion réussie dans le Cloud (créée en 1983 par Jean-Michel Aulas, l’entreprise a fait toutes les guerres de l’édition de logiciels !) : 80 % des 500 millions d’euros de revenu (avant acquisition de Talentsoft) sont apportés par une vaste clientèle principalement de PME et d’ETI françaises. Depuis toujours, Cegid a largement opté pour un mode de croissance externe, en cours d’accélération : Talentsoft est la cinquième acquisition de l’éditeur depuis le début de l’année.
Mariage de la carpe et du lapin ?
Au vu des deux profils — Talentsoft tenant du lapin par son agilité, sa capacité à s’aligner rapidement sur les exigences d’une transformation numérique perpétuelle ; Cegid tenant d’une grosse carpe lestée d’un bel estomac aux facultés digestives toutefois mises à rude épreuve - on peut s’interroger sur l’avenir de ce mariage de la carpe et du lapin. Cegid saura-t-elle en tirer tout le parti, en laissant Talentsoft exprimer son potentiel, tout en lui apportant le soutien financier dont l’éditeur a besoin, alors que nombre de grands clients ont reporté leurs achats depuis le début de la crise sanitaire ?
Un mariage de raison
Ces réserves faites, on admettra que l’union reste placée sous d’heureux auspices. D’abord, Cegid affiche de beaux résultats dans son offre de gestion des ressources humaines, et de non moindres ambitions. Ensuite, c’est bon signe, les fondateurs de Talentsoft (Jean-Stéphane Arcis, Joël Bentolila et Alexandre Pachulski) restent à la barre des 600 collaborateurs qui viennent de rejoindre officiellement Cegid. Enfin, le chiffre d’affaires résultant (600 millions d’euros) fait de Cegid une « locomotive de la French Tech ». Mais, réalisé, comme on l’a mentionné, sur une large gamme de solutions : le chiffre d’affaires des Talent Management Systems ne doit guère excéder un quart du total — ce qui place « Cegid HCM » encore bien loin des leaders mondiaux du marché.
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