Ce 2ᵉ volet sur la formation en situation de travail traite de l’AFEST qui fait écho aux composantes « terrain (70) » et « sociale (20) » du modèle 70/20/10. Il s’agit bien, avec l’AFEST, de se former au travail, dans l’action et avec l’aide de diverses parties prenantes souvent elles-mêmes sur le terrain.
Formalisation et reconnaissance d’une innovation pédagogique : l’action de formation en situation de travail (AFEST)
La Loi du 5 septembre 2018 (pour la liberté de choisir son avenir professionnel) ouvre la voie à l’AFEST comme modalité pédagogique à part entière, portée à un niveau de formalisation jusque-là inexistant dans les dispositifs de formation, et faisant l’objet d’une « reconnaissance officielle ».
L’AFEST se caractérise par la place faite à l’accompagnement des apprenants, dans un « apprendre ensemble » de chaque instant. L’accompagnement n’a bien sûr pas attendu l’AFEST pour se manifester, car il trouve ses origines dans un long et lointain passé, notamment dans un système de compagnonnage qui existait déjà au Moyen Âge, et sans doute bien avant (depuis qu’il existe des « gestes métier » à transmettre) !
Si les entreprises pratiquent toutefois largement l’accompagnement (sous diverses formes : mentorat, tutorat, coaching…), c’est sa dimension réflexive qui distingue l’AFEST, et son impact sur la perspective générale - l’apprenant se forme, il n’est plus formé - et la posture des acteurs - questionner et non montrer en créant les conditions d’un apprentissage réussi (Marc Dennery, C-Campus). Responsabilisant et impliquant comme jamais l’apprenant dans sa formation, érigeant quiconque, potentiellement, en transmetteur de savoirs, l’AFEST est un solide pilier de l’organisation apprenante à venir.
L’ancrage terrain de l’action de formation
Dans sa conception et son déploiement, l’AFEST se présente comme un itinéraire d’apprentissage fortement ancré sur terrain, qui démarre à partir d’une analyse du travail (tel qu’il est ou devrait être effectué, dans son véritable contexte) à travers des interviews des diverses parties prenantes, des observations sur le terrain, des études documentaires… L’AFEST, dont la durée dépasse celle d’une action traditionnelle de formation, tirera profit d’un référentiel de compétences… à moins qu’elle n’aide parfois le service RH de l’entreprise à affiner ce référentiel ! L’itinéraire d’apprentissage inclura des modalités d’accompagnement et d’évaluation. L’action sera systématiquement personnalisée à l’apprenant ; elle sera cadencée par l’analyse réflexive qui lui est proposée (travail sur soi, prise de recul sur ses propres actions, développement personnel…). Précisons enfin que l’AFEST ne remplace par les autres modalités (présentiel, classe virtuelle, e-learning…) qu’elle vient au contraire compléter - à l’instar du modèle 70/20/10 dont on connaît la richesse de combinaisons.
Conditions à réunir pour réussir une stratégie AFEST
Pour être menée à bien, l’AFEST doit réunir tout un ensemble de conditions qui figurent en filigrane dans ce qui précède. On aura d’abord noté l’implication nécessaire de plusieurs parties prenantes (commanditaire, apprenants, référent, accompagnateurs, sachants, fonction formation, managers). Ensuite, la situation de travail devra être aménagée, sans toutefois la dénaturer. Par ailleurs, les référents et les accompagnateurs devront avoir été formés à une posture d’écoute qui emprunte beaucoup au coaching (dimension réflexive, adaptation au niveau de maturité de l’apprenant). Le pilotage d’un dispositif formalisé et exigeant en matière de documentation et de preuves incluant le Protocole Individuel de Formation (PIF) et le dossier d’analyse réflexive est un impératif ; il en va de même d’une bonne compréhension des mécanismes de co-financement éventuels et des exigences associées - on ajoutera que qu’une approche AFEST doit être tracée et que ses charges doivent avoir été préalablement agréées par les parties prenantes. Enfin, la conception de l’itinéraire d’apprentissage incluant formalisation des objectifs, progression et séquences pédagogiques, dispositif de positionnement (basé sur un référentiel de compétences) et méthodes d’évaluation (au sens pilotage), cette conception suppose de réelles compétences d’ingénierie pédagogique…
Perspectives ?
L’AFEST n’est-elle qu’un volet d’une réforme de plus (de trop ?) de la formation ? Nous pensons le contraire ! L’opportunité est réelle pour les entreprises et leurs employés d’y trouver une réponse à la question si souvent entendue à la fin d’un stage de formation : très bien, et après ? L’AFEST est une illustration pertinente et exigeante de ce que l’on attend aujourd’hui d’une formation proche du terrain, plaçant l’apprenant au cœur de ses apprentissages et faisant de chacun un transmetteur potentiel de savoir.
Premier volet : Le modèle 70/20/10… avant l'AFEST
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