La crise sanitaire redistribue les cartes de la formation : les entreprises françaises sont-elles prêtes à s’adapter ? Les formations présentielles doivent-elles être repoussées, voire abandonnées ? Retour sur les leçons du baromètre 2020 de la formation linguistique.
Dans le contexte de crise sanitaire, les professionnels de formation font feu de tout bois pour maintenir la continuité de leurs services et activités, sur fond de crise économique à venir qui inquiète et ralentit les décisions, et freinés par le manque de pratique des outils digitaux et la peur qu’ils continuent de susciter.
Pourtant, il faut nous adapter en faisant évoluer nos pratiques. Étions-nous collectivement prêts à ces changements brutaux ? Je pense que oui. Preuve en est la rapidité avec laquelle les entreprises se sont mobilisées pour mettre en œuvre les outils de collaboration à distance et le succès qu’ont donc eu toutes ces plates-formes favorisant le télétravail. À cela, rien d’étonnant au regard des résultats du baromètre 2020 de la formation linguistique, réalisé en collaboration avec 200 entreprises de toutes tailles qui ont bien voulu partager leurs pratiques, leurs objectifs et leurs enjeux dans le cadre de cette enquête.
Plus de la moitié d’entre elles (51%) considérait dès avant le début de la crise sanitaire que la majorité de leurs salariés n’avait pas besoin du présentiel pour apprendre une langue étrangère ou se perfectionner. Ayant déjà expérimenté avec succès la formation via des dispositifs digitaux, avec un professeur ou avec une plate-forme de formation en ligne, elles ont l’intention de généraliser cette approche. Good point !
Que les entreprises françaises cherchent à diversifier leur catalogue d’offres et de dispositifs tout en optimisant leurs coûts de formation sans rogner sur la qualité des services offerts n’a rien de nouveau… Ce qui l’est plus, en revanche, c’est le déplacement de la décision de formation : pour 40% des entreprises, le choix de la formation est à la seule initiative du salarié, mais elles sont toutefois 30% à choisir les formations pour leurs collaborateurs… Mission délicate, alors que la réforme du CPF a privé le service formation de son rôle décisionnaire. On peut espérer que cette mesure aura un impact positif sur la motivation et l’assiduité des apprenants.
Autre leçon du baromètre : 33% seulement des entreprises disposent d’une cartographie des besoins en compétences ; 49% pensent que ce serait un atout mais n’en ont pas ; 18% n’y voient pas d’intérêt. Surprenant, quand la Loi Travail impose l’entretien professionnel (l'article L. 6315-1 du Code du travail) ! Rappelons que les entreprises ont obligation d’agir en faveur de l’employabilité de leurs collaborateurs par un suivi régulier et des formations. Il est dommage qu’en 2020, 67% d’entre elles persistent à se passer d’un outil aussi essentiel que cette cartographie des besoins en compétences - laquelle, appliquée par exemple à la formation linguistique et pouvant prendre la simple forme d’un tableau de bord avec des KPIs métiers, permettrait de mesurer et d’améliorer la performance linguistique globale, en informant l’employeur sur les écarts de compétences à combler, et les efforts individuels de formation à effectuer.
Dans le même ordre d’idée, seulement 18% des entreprises disposent d’une plateforme digitale de formation de libre accès aux salariés. Peut mieux faire ! À l’heure de l’entreprise apprenante, du télétravail et des questionnements sur l’animation et l’efficacité du management à distance des collaborateurs, l’accès aux ressources de l’entreprise doit être simplifié et généralisé.
Pour 27% des entreprises, le lancement d’une formation tient encore largement du “parcours du combattant”, certainement à cause de l’opposition maintenue entre formation présentielle et dispositifs digitaux… Contrairement à ce qu’on peut penser, formation présentielle n’est pas forcément synonyme de qualité ; pas plus qu’une plateforme digitale de formation ne l’est de formation “désocialisée” ou au rabais !
Il est essentiel aujourd’hui de trouver la meilleure balance entre l’investissement financier consacré aux formations et leur efficacité, car la pression sur les coûts peut déboucher sur des choix cornéliens. D’après le baromètre, 43% des répondants ne promeuvent pas l’utilisation de mesures du ROI, alors qu’ils sont 83% à considérer que le coût de la formation est un critère essentiel de leur choix… On oublierait presque que la formation vaut par la qualité de ses intervenants, la richesse des outils pédagogiques proposés et la diversité des moyens qui permettent à l’apprenant de “vivre sa formation” pour la restituer au plus grand bénéfice de l’entreprise.
Pour en savoir plus : Le Baromètre 2020 de la formation linguistique
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