Tout le monde s’accorde sur le fait que la formation sera un moteur essentiel de la reprise économique… Mais il y a loin d’un accord sur le rôle qu’elle doit jouer et les conditions dans lesquelles elle doit se déployer… 5 mesures pourraient effectivement renforcer ce rôle.
Verbatim
Ecoutons tout d’abord les propos tenus début juillet par la RRH d’une usine (300 salariés), assez représentative des futures “politiques formations” des entreprises pour 2021 :
“Ni cette année ni en 2021 nous ne dépenserons un euro de plus pour la formation. Face à la baisse importante de notre activité nos efforts se portent sur la limitation de l’impact des licenciements prévus, nous n’organiserons donc aucune nouvelle action de formation au moins jusqu’en 2022. Nous avons perdu tous les financements mutualisés et notre OPCA, il est hors de question de payer 4 fois pour former les salariés : la cotisation obligatoire qui ne nous donne droit à rien, des dépenses pédagogiques nouvelles, le salaire chargé des ouvriers et le salaire des personnels à remplacer (intérimaires avec une moins bonne qualité). De toute façon nos salariés refusent de partir en formation CPF hors temps de travail et il est impossible de baisser la productivité de l’usine en les envoyant en formation sur leur temps de travail.” (Mme N T, Responsable RH, région Nord-Ouest)
Cette entreprise payant sa quote part de 1% de la masse salariale pour la formation s’estime dédouanée de tout effort supplémentaire pour développer les compétences de ses salariés (formations qui relèvent désormais pour elle exclusivement de la sphère publique).
Au niveau des Pouvoirs Publics, le discours du Premier Ministre (de politique générale) est tout autre :
“Mais, la clé, encore et toujours, c’est la formation. Dans une économie qui évolue très vite, le développement des compétences est la meilleure des protections pour garder, trouver ou retrouver un emploi. Sur ce sujet, beaucoup a été fait depuis 2017. Mais nous devons faire plus encore, en investissant 1,5 milliard supplémentaires dans la formation, et en invitant les Régions à amplifier leurs interventions propres. Les personnes qui s’orienteront vers les formations dans ces secteurs en tension verront leur compte personnel de formation abondé. Nous nous fixons un objectif de 200 000 places supplémentaires de formation en 2021, notamment au bénéfice des jeunes et des demandeurs d’emploi.” (Jean Castex, le 15 juillet à l’Assemblée Nationale)
A entendre les Pouvoirs Publics, et malgré le changement de Ministre du travail, pour la formation tout aurait été (bien) fait depuis 2017, la loi Avenir Professionnel ne nécessiterait qu’un petit coup de pouce financier (CPF abondé sur les métiers en tension avec 1,5 milliard d’abondement de l’Etat) et nous serions collectivement prêt à l’effort de formation pour rebondir en 2022 dans un monde post-Covid et bouleversé économiquement et devenu ultra-compétitif.
Quelles mesures (raisonnables) devraient être prises pour faire de la formation une vraie clé de notre redémarrage économique (et social) ?
#1 Changer la fiscalité de la formation : Tout comme la culture ou le livre une TVA réduite à 5,5% (au lieu de 20%) doit être mise en œuvre. Tous les organismes de formation (publics comme privés) doivent y être soumis. A l’instar des investissements matériels, les entreprises doivent pouvoir sur-amortir à hauteur de 150 % leurs dépenses formation. Un travailleur doit quant à lui pouvoir bénéficier d’un crédit d’impôts s’il investit dans sa formation.
#2 Reformuler le CPF : Sans objet pour les jeunes (qui ne dispose d’aucun crédit) ni pour les chômeurs (un demandeur d’emploi avec un projet professionnel doit pouvoir se former avec ou sans crédit CPF). Le CPF est fait pour des formations courtes (pas forcément certifiantes) pour les travailleurs en poste (salariés ou non-salariés) et financé par une double cotisation employeur et salarié.
#3 L’Etat doit tenir ses promesses de financement du CPF à hauteur de 10 milliards par an : 20 milliards doivent être disponibles pour 2021 (10 milliards au titre de 2019 et 10 milliards de 2020). Ces 20 milliards seraient accessibles à toutes les entreprises pour développer les compétences des 20 millions de salariés du privé.
#4 Les salariés devraient consacrer les périodes de chômage partiel à leur formation : Le CPF est réalisé par nature sur le temps libre des travailleurs, les RTT comme le chômage partiel doivent être des périodes privilégiées pour se former.
#5 L’obligation de gestion des parcours de formation sur 6 ans doit être reportée d’un an et réécrite : elle est actuellement trop floue et imprécise dans la durée des formations comme des obligations des employeurs.
La formation est bel et bien une clé de notre redémarrage économique, si nous acceptons de ne plus nous payer de mots ou de nous agiter inutilement. Le “dossier formation” doit donc être rapidement réinvesti, pour le sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve depuis 2014, aggravée par la crise systémique ouverte par le Covid19. Il est urgent que l’Etat reprenne la main, sauf à ce que la perfusion financière administrée à nos entreprises ait été finalement vaine.
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