Les quelques semaines qui viennent de s’écouler ont permis aux Directions Learning & Development d’accélérer la transformation digitale de leurs dispositifs de formation. Pour elles : nécessité fait force de loi… ou comment transformer une contrainte en opportunités…
Céline Cussac (Natixis) : Nous vivons une véritable accélération des projets de fonds de transformation digitale, par nécessité : pour accompagner les collaborateurs et leaders à traverser la période de confinement / déconfinement, en transformant certains formats présentiels ou distanciels, en cohérence avec notre plan de continuité d’activité. Le Webinar est plus largement utilisé pour toucher le plus grand nombre sur des sujets d’actualité. Certains parcours de formation sont “distancialisés” (celui des nouveaux entrant dans les métiers de l’Assurance). Les membres de la Direction communiquent via des podcasts. Grâce aux équipes IT, nous avons réalisé en 2 mois ce que nous aurions fait en 6 ou 9 mois en temps normal ! Certains outil (plateforme collaborative d’intelligence collective, classe virtuelle) qui était en cours d’expérimentation vont être généralisés beaucoup plus rapidement. Le partage et la capitalisation des savoirs au format vidéo, dont l’usage était déjà bien établi, sont renforcés. Enfin, les contraintes du confinement nous ont permis d’expérimenter la réalité virtuelle en distanciel avec le support de l’association France Immersive Learning, dont Natixis est l’un des membres fondateurs.
Claire Delouis (Clarins) : Nécessité ayant force de loi, nous avons effectivement assisté à une accélération de la demande de formation à distance, dans un premier temps pour former les salariés pendant la période de confinement mais après, et surtout, pour préparer les plans de formation du 2ème semestre et de l’année 2021, car les budgets de formation présentielle ont été drastiquement réduits. Plutôt que de tester des innovations, nous avons consolidé des pratiques existantes ou favorisé certaines modalités, tout en privilégiant une démarche agile qui nous permet de nous ajuster au contexte et aux besoins de nos filiales. De nombreux marchés ont accéléré dans le développement de communautés apprenantes, ce qui a permis de resserrer les liens en période de distanciation sociale, d’encourager le partage d’expériences et le dialogue, et donc d’être finalement un support émotionnel plutôt qu’une injonction d’apprentissage. Une autre tendance s’est nettement confirmée pendant la période : celle de la formation directe de la clientèle (B2C), à travers les réseaux sociaux (Instragram, Facebook), à mon sens une tendance durable car plébiscitée par les clientes.
Paul-Henry Fallourd (Schneider Electric) : Nous avions déjà engagé fortement la transformation digitale de notre portfolio de formation depuis plusieurs années, mais cette période agit en véritable accélérateur du déploiement de nos programmes. Compte tenu de la consommation en forte hausse de nos programmes digitaux sur le premier trimestre - lesquels représentent désormais plus de 50% du total de nos formations -, nous nous attendons à une accélération considérable en 2020. Les apprenants attendent des formats courts, vidéos ou webinars, sessions interactives de type “Share & Learn”. Les équipes Learning sont accompagnées dans la transformation rapide de leurs programmes de formation. La “Learning Expédition” d’une semaine qui était planifiée en présentiel pour notre équipe L&D internationale restreinte a été digitalisée à 100% en moins d’une semaine ! Avec un programme plus serré et plus concis, et la possibilité d’inviter plus de participants, doublés d’une belle économie financière et carbone ! Last but not least : un taux de satisfaction très élevé, qui nous conduit à renouveler l’expérience dès le mois de juin.
Sophie Maladri (KPMG) : Le confinement a été un accélérateur forcé de la digitalisation des formations. Passées les formations/informations “de survie”, descendantes diffusées en Web Conférences, nous avons progressivement retravaillé les formations qui nécessitaient de la reformulation, de l’intelligence collective, un travail individuel pratique, ou d’autres pédagogies actives. Là où le distanciel ne nous paraissaient pas approprié, nous lui trouvons de nouvelles vertus… Nécessité fait force de loi ! Notre principale innovation a résidé dans l’usage participatif des classes virtuelles et le rythme des dispositifs : classe virtuelle de 2h en début de journée, cas pratiques individuels dans la journée pendant 2 h, puis de nouveau une classe virtuelle d’1 h en fin d’après-midi, avec un partage et des corrections en sous-groupes par les pairs… Formateur disponible sur l’ensemble de la journée pour des questions sur Teams : impératif !
Laurent Reich (L’Oréal) : Entre janvier et avril nous avons réaliser autant d’heures “digital learning” que sur toute l’année 2019 à la suite de 3 changements qui devraient perdurer. D’abord l’explosion du nombre de MOOCs suivis avec notre partenaire Coursera (plus de 6000 MOOC en 4 mois : marketing, agilité, apprendre à apprendre, intelligence artificielle, management de projet). La certification offerte par des universités prestigieuses est donc plus que jamais prisée. Ensuite, des centaines de webinars et de classes virtuelles ont permis à des milliers d’apprenants de se connecter partout dans le monde avec des experts sur des durées courtes ; efficacité plébiscitée. Enfin, nos apprenants ont pu découvrir la richesse de notre plateforme de formation en ligne et de ses contenus très “premium”, ils confirment le besoin de lire, d’écouter des podcast, de regarder des vidéos … Tout cela a été possible par un intense effort de 4 mois, en communication extrêmement personnalisée fondée sur l’analyse de nos données… Cela a confirmé notre vision de gérer notre plateforme comme un site de e-commerce.
Xavier Voilquin (Medtronic) : Nous avons été renforcés dans notre vision, car nous avons choisi de virtualiser nos programmes il y a déjà 2 ans en transposant transposition fidèlement la classe physique dans le monde virtuel, notamment en utilisant Zoom… Cette transposition passe en particulier par la possibilité offerte aux apprenants d’observer le langage non verbal, d’utiliser un vaste patrimoine de ressources pédagogiques, et d’interagir entre eux et avec ces ressources. Nos sondages internes ont aussi confirmé la faveur dont jouissent les formations gamifiées. La situation actuelle a donc un “effet laboratoire” : elle nous pousse à essayer des nouvelles propositions, dont certaines sont d’ailleurs inspirées par divers départements de Medtronic obligés de réinventer leurs process de travail par une intégration plus serrée de modalités digitales… qui n’étaient pas à l’origine dans le viseur du training (les lunettes connectées, des applications liées aux procédures chirurgicales) ! Autre moteur pour la formation : la pression des leaders en charge d’anticiper et de préparer l’organisation post Covid-19 ; plus ouverts au digital, ils nous sollicitent pour adapter notre offre en conséquence.
Propos recueillis par Michel Diaz
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