Pour Laurent Porracchia (membre du Comité Exécutif d'Airbus CyberSecurity), la cybersécurité peine à recruter malgré les besoins considérables de ce secteur, la noblesse et la variété des métiers qu’elle offre… Les formations existent, et non sont pas toutes aussi techniques qu’on l’imagine… Cet interview est en quelque sorte un appel à candidature !
Vous parlez d’un paradoxe en matière de cybersécurité…
Laurent Porracchia : En effet, parce que, si le secteur de la cybersécurité est bien repéré par l’opinion publique, il peine à trouver des professionnels aguerris. Le sujet fait pourtant la une de nos journaux : en 2018, selon une étude de F-Secure, les cyberattaques ont augmenté de 32%, et la délinquance cybernétique a coûté quelque 600 milliards de dollars, contre 445 il y a seulement 4 ans (source Allianz). À l’échelle planétaire, les cyber-incidents sont devenus les premiers risques pour les entreprises, ex-aequo avec les interruptions d’activité. Voilà pour la partie émergée de l’iceberg… Car d’un autre côté, la pénurie de main d’œuvre du secteur est criante, avec seulement 1 recrutement pourvu sur 4 émis. Selon le Fongecif, 6000 postes restent encore à pourvoir en Ile-de-France, région qui emploie 70% des 24 000 salariés recensés à l’échelle nationale… Pour l’essentiel, il s’agit de CDI à temps complet !
Qui plus est, on le sait moins, dans des métiers variés bien couverts par des formations existantes ?
Laurent Porracchia : Les besoins sont bien là, et les métiers suffisamment variés pour accueillir un large panel de profils. La filière cybersécurité comporte actuellement 18 métiers, qui recrutent à partir du bac + 2, et ce jusqu’au bac + 8. Cinq types de métiers sont envisageables, de l’organisation de la sécurité et gestion des risques au conseil, du management de projet à la maintenance, sans oublier les fonctions support et la gestion d’incidents. Les besoins les plus saillants en termes de recherches concernent les consultants, les veilleurs-analystes, les chefs de projets, les architectes sécurité et les administrateurs.
Les formations sont également là, qu’elles soient longues (licences professionnelles, masters… 150 au total) ou courtes (400 actuellement recensées).
On s’imagine à tort que la technicité est une barrière infranchissable à l’entrée dans ce secteur ?
Laurent Porracchia : La cybersécurité est méconnue, et elle pâtit sans doute de son image de technicité auprès d’un public de jeunes ou de salariés en quête de reconversion. Question de communication assurément ; question d’image également. Il y aurait fort à dire de ce métier dont les attributs répondent tout à fait aux enjeux de notre époque. Garants de la sécurité de nos données et de nos réseaux, les “cyber agents” veillent sur nos vies. Agissant dans l’ombre, devant faire preuve tout à la fois de sang-froid, de compétences et d’esprit d’équipe, ils constituent une élite au sein de nos entreprises, au même titre que nos pompiers ou nos forces de l’ordre à l’échelle sociétale. Comment passer à côté de la noblesse de leur tâche ? Il est urgent de construire autour de la figure de ces experts un story telling à la hauteur du rôle qui est le leur au quotidien, et qui constitue la garantie même de la stabilité de notre monde.
Propos recueillis par Michel Diaz
Notre avis : La comparaison que Laurent Porrochia fait entre les cyber agents et les pompiers est justifiée. La technicité d’une partie des métiers de la cybersécurité est réelle, mais ne doit pas être surestimée. Ce qui importe ici, ce sont tout autant ces “soft skills” qui sont le nouveau socle de compétences des actifs dans l’ère digitale. L’idée de construire un “Storytelling” autour de cette figure inspirera sans doute les Directions Formation… qui pourraient à leur tour susciter des vocations chez les éditeurs de contenus pédagogiques digitaux spécialisés dans les domaines de la sécurité.
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