Le grand retour de l’esprit critique sur le devant de la scène… Quelles seront les compétences ou les aptitudes dont seul l'humain pourra se prévaloir, si d’aventure, les nouvelles technologies et tout particulièrement l’intelligence artificielle s’immiscent définitivement et pour une large part dans notre quotidien ?
De nombreuses études se penchent sur cette question. Dans cette perspective et avec l’avènement de l’ère digitale, il nous paraît que l’esprit critique demeure une incontournable compétence.
Aux origines de l’esprit critique
Au IVe siècle av. J.-C., Aristote formalise dans un ouvrage appelé Organon, les principales composantes de la pensée critique (analyse du discours, rhétorique, logique…). Cette œuvre sera transmise et intégrée dans les cursus universitaires au Moyen-Âge et à la Renaissance, notamment à l’époque de l’humanisme où l’enseignement des humanités (Lettres, Histoire, Philosophie…) occupe une place centrale.
L’esprit critique - du grec κριτικός : qui désigne un « esprit qui n'accepte aucune assertion sans contrôler la valeur de son contenu et son origine » (« Le scepticisme, l’esprit critique est l’aristocratie de l’intelligence », Goncourt, Journal, 1861, p. 963).
Un monde en pleine effervescence
Nous vivons dans un monde complexe caractérisé par une incertitude grandissante, difficile à appréhender et à formaliser. L’émergence d’une nouvelle ère du numérique au travers du développement des technologies de l’information et de la communication a également contribué à cette complexité.
Overdose informationnelle ou encore « infobésité » pour reprendre le néologisme créé par nos amis québécois doublée d’une dominance du « temps court » ou instantanéité des échanges sans frontières lorsque l’on songe par exemple à des canaux de communication comme la messagerie instantanée, sont désormais les maîtres mots d’un quotidien hyper-connecté où guettent surcharge cognitive, absence de prise de recul et plus largement perte de sens.
Il nous semble que cela questionne pour chacun d’entre nous notre capacité à exercer notre propre libre arbitre et plus généralement notre relation au monde, notre façon « d’être au monde ».
« Quand le passé nous inspire »
Voici une belle occasion de nous rappeler que le passé et ceux qui nous ont précédés ont beaucoup à nous apporter et que selon nous, l’innovation est avant tout une histoire de curiosité…et d’humilité.
L’esprit critique exercé avec humilité (il n’existe pas de personnalité omnisciente et chacun peut contribuer au savoir) prend toute son importance pour tout individu qui désire conserver cap et maîtrise dans son quotidien face aux effets de cet univers numérique décrits plus haut auxquels s’ajoutent interactions multiples, temporalités variées et écheveau de relations, de géographies co-localisées et distantes.
En cela, effervescence du monde, avènement de l’ère digitale et « changement devenu permanent » ont pour conséquence le retour sur le devant de la scène d’une vieille compétence, l’esprit critique, propice à développer notre propre lucidité et génératrice de sens.
Développer l’esprit critique revient à cultiver le fameux « cerveau libre » de Michel Serres, c’est-à-dire en toute situation une capacité, une agilité à filtrer, trier, analyser les informations, prendre du recul, prendre les bonnes décisions,…
Son développement s’ancre dans le principe d’une éducation permanente, tant dans nos univers privés que professionnels, faisant de l’esprit critique une « méta » compétence, un « invariant » (par opposition à d’autres compétences dont l’obsolescence est programmée) utile tout au long de la vie.
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