Une innovation est entrée sur le radar du département formation qui envisage de l’adopter et de la déployer au sein des dispositifs existants… L’euphorie a pu gagner, comme souvent devant la nouveauté, surtout lorsqu’elle se pare des atours du digital, et le sentiment d’être à la pointe… Oui, mais…
Quelques questions de bon sens avant d'innover en formation…
Quel est vraiment l’intérêt de cette innovation ? Quels pourraient en être l’usage réel, l’impact sur le dispositif de formation, le surcroît de valeur créée par la formation. À quel coût ? Qui n’est pas seulement le coût d’achat ou d’abonnement (souvent remisé par le fournisseur pour donner plus de chance à son innovation de trouver ses premiers chantiers pilotes), car la charge de travail liée au test et à l’appropriation par le département formation est elle aussi toujours significative.
Se poser ces premières questions constitue une saine hygiène pour résister au "bling-bling” ambiant et à la course à "l’innovation pour l’innovation” (qui a des airs de course à l'échalote) où l’on risque souvent de verser sous les assauts répétés d’une offre numérique quasi illimitée ! De plus il est essentiel de respecter le "principe de connexion" du nouveau dispositif avec le contexte - l’entreprise, ses métiers, son niveau de maturité et de culture digitale, le dispositif de formation existant, son écosystème d’applications - sauf à ce que l’innovation “tombe à plat”, car une innovation pédagogique pertinente pour une entreprise ne l'est pas forcément pour tout autre.
De la nécessité d'une approche globale et d'une stratégie de curation…
Innover avec succès, cela passe donc par une approche globale, une stratégie (anticipation, formulation) fondée en partie sur tout un ensemble d'activités - la “curation” - qu'on voit monter en puissance au sein des départements formation dont le sens critique est de plus en plus mis à rude épreuve. Les équipes formation devront en effet muscler leur capacité à choisir les innovations pédagogiques pertinentes pour leur entreprise et ses collaborateurs à partir d’une connaissance fine de l’écosystème d’exécution et des besoins sous-jacents.
En particulier, l'architecte pédagogique en charge de la conception des dispositifs veillera au sens porté et à la cohérence du parcours d’apprentissage et des diverses modalités qui le constituent, chaque modalité devant se placer au service d’une ambition pédagogique étendue. L’impact de l’innovation tiendra tout autant à sa bonne mise en cohérence avec les autres modalités (innovantes ou non) qu'à ses caractéristiques intrinsèques.
La pédagogie, c'est un métier !
Dans cette curation, comme dans le domaine plus vaste de l'innovation, les départements formation sont désormais en concurrence avec de nombreux acteurs externes et internes, notamment les organisations métiers de l’entreprise et les nombreuses structures productrices de contenus et de services dans le domaine de la pédagogie. Par ailleurs, l’avénement de l’opportunisme et du consumérisme programme l’obsolescence rapide des modalités pédagogiques : on se lasse vite et ce qui était innovant la veille ("nice to have”), rapidement banalisé, est aujourd'hui devenue "must have”, une tendance bien connue du modèle de Kano.
La formation n’a d’autre choix que d’être au fait des nouveautés pédagogiques si elle veut conserver cette petite longueur d’avance essentielle au maintien de sa crédibilité. Mais on attendra aussi qu’elle sache prendre le recul nécessaire pour conseiller valablement toutes les parties prenantes de la formation dans l'entreprise, en particulier celles tentées par une “modernité” qui ne serait que de façade. Une façon de replacer le département formation au cœur du jeu, et de montrer à ceux qui l’auraient oublié que la pédagogie est décidément un métier.
À suivre…
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