Pour le philosophe Luc de Brabandère, l'enjeu du digital n'est pas tant d'améliorer le présent que de changer de "modèle mental" pour inaugurer des solutions de rupture. Mettre la transformation avant les solutions, c'est une différence de fond entre la révolution digitale en cours et l'émergence du e-learning il y a plus de 20 ans… Revue de quelques enseignements tirés chez Danone depuis 2013.
Quelle stratégie : transformation digitale ou transformation du learning ?
Plutôt que de se demander "Quelle stratégie digitale pour améliorer nos approches formation ?", commencer par les enjeux business, organisationnels, humains pour définir une stratégie learning ambitieuse, rendue possible grâce au digital.
C'est l'approche adoptée par Danone depuis 2013, avec l'ambition "d'apprendre à la vitesse du changement" : diffuser plus rapidement les compétences clés ; multiplier les opportunités d'apprendre pour lutter contre l'obsolescence programmée des compétences ; faire circuler les savoirs et nouvelles pratiques plus vite et de façon moins coûteuse ; anticiper sur les modes d'apprentissage des nouvelles générations. Nous avons progressé dans cette voie en activant le modèle 70/20/10 sous des formes nouvelles grâce au digital, avec un motto : "One Learning a Day" (apprendre au quotidien).
La réussite du learning "transformé par le digital" s'est appuyée sur plusieurs leviers : un "story telling" portant une vision inspirante ; la transformation des process RH (notamment dans la construction des plans de formation) ; l'éducation et l'équipement des employés et des managers (en particulier sur l'apprentissage "on the job") ; la valorisation du temps passé en formation "virtuelle" (souvent sur son poste de travail)… Et bien sûr le choix et la mise en œuvre d'une architecture technologique pertinente.
LMS ou non ?
Aucune solution technologique ne permet aujourd'hui d'embrasser tous les champs du learning :
- La gestion de la formation du point de vue des responsables formation : gestion de catalogue, enregistrement aux programmes présentiels et digitaux, gestion administrative et logistique, reporting ;
- La gestion des compétences et des évolutions professionnelles, telle que vue par les RH et les salariés, avec au coeur les référentiels de compétences et le plan de développement individuel ;
- La distribution de ressources learning au plus grand nombre, à travers des solutions digitales, et de plus en plus mobiles.
- L'apprentissage social, avec et par les pairs, qui renouvelle notamment le "knowledge management" ;
- Les outils digitaux pour créer et animer des programmes : outils auteurs, MOOCs, Virtual class, systèmes de "vidéo learning", de réalité virtuelle…
Si le LMS joue un rôle clé dans les deux premiers champs, il couvre encore assez mal les champs 3 et 4 (au moins comparé à d'autres solutions du marché). Une "technologie intégrée" n'est d'ailleurs pas forcément la meilleure réponse, car elle aurait les limites et contraintes de cette solution : mieux vaut combiner plusieurs briques technologiques pour répondre aux objectifs.
L'une des questions clés dans la construction de cette architecture, est le curseur de la politique de formation, entre d'une part, un pilotage serré des formations par les RH, concentrées sur les compétences nécessaires à l'entreprise dans les différentes fonctions et d'autre part, un "empowerment" des salariés dans leur développement, via des ressources sur des domaines dépassant largement les compétences-clés… mais source de plus d'engagement !
Chez Danone, nous avons choisi dès l'origine une architecture bâtie autour du LMS Cornerstone, utilisé pour structurer et optimiser le portefeuille de formations au niveau global et local, harmoniser et outiller les processus de gestion de la formation administrés par les responsables formation, diffuser les ressources learning digitales, et structurer le "plan de développement individuel" dans un cadre 70/20/10.
D'autres briques ont été mises en place en complément, notamment une plateforme video et une connexion au réseau social d'entreprise. Le tout connecté à une plateforme web permettant un point d'entrée unique pour les employés ; cette plateforme permet aussi de recommander des formations en lien avec les évolutions de carrière, grâce à la visualisation de "learning maps".
L'expérience nous a appris trois principes clés, qu'on pourrait regrouper par "SAS" : Simplicité (soigner la qualité de l'experience apprenant) ; Accessibilité aux apprenants où qu'ils soient (ne pas oublier de miser sur les solutions mobiles) ; rapidité et performance des Systèmes ("Speed to learning - speed to business").
Trois suggestions pour expérimenter le futur
Innovations incessantes, émergence de nouveaux acteurs, de nouveaux "modèles mentaux"… c'est le lot de cette révolution digitale en cours. Il est nécessaire que la formation se projette dans le futur.
Première suggestion : expérimenter fréquemment (on n'anticipe pas le futur, on le crée !)… Dès 2013 Danone a par exemple déployé la possibilité pour chaque employé de déclarer des heures de formation "on the job" sur sa plateforme digitale learning… une façon de faire évoluer les mentalités en matière de learning. Demain, expérimenter l'IA (Intelligence Artificielle) ?
Deuxième suggestion : explorer plus avant la dimension sociale du learning, avec pour ambition d'aider les employés à être à la fois "learners" et "trainers", à travers le partage de "morceaux de compétences" sous forme de videos et via des réseaux sociaux apprenants.
Troisième suggestion (liste non exhaustive !) : la fonction learning doit se ré-inventer en développant une posture et des nouvelles compétences : "performance consulting" vs administration de formation ; "learner experience design" vs conception de programme… et investir tout le champ du learning (70/20/10) !
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