Lancée en 2011 la stratégie digital learning (à l'époque "e-learning") de Clarins a rendu tous les effets attendus, jusqu'à prouver chiffres à l'appui son impact sur le business. Comme le montre Claire Delouis, Responsable du développement formation la marque ne s'est pas arrêtée en si bon chemin : les formats et les offres de formation, la pédagogie, continuent d'évoluer sous la pression des usages et d'une utilisation intelligente des innovations sociales et digitales.
Quelles sont les populations visées par le e-learning de la marque Clarins ?
Claire Delouis : Le dispositif formation retail Clarins adresse les conseillers(ères) beauté qui vendent les produits de la marque dans l'univers de la distribution sélective (enseignes de parfumerie, grands magasins, duty free, boutiques et Instituts Clarins,…). Ces conseillers(ères) peuvent conseiller différentes marques distribuées par l'enseigne, ou être exclusivement dédiés à la marque Clarins.
Les besoins de formation portent essentiellement sur la connaissance marque et produits (savoir et expertise), mais également, pour les conseillers(ères) exclusifs(ves) Clarins, sur les compétences métier.
Quels ont été les principaux bénéfices du e-learning pour la marque et son réseau de distribution ?
Claire Delouis : En premier lieu, il a permis de former massivement et "juste à temps" cette cible que nous avons de plus en plus de difficultés à former en présentiel. C'est également un excellent moyen de faciliter la prise de poste pour un nouvel entrant qui doit être rapidement opérationnel, mais aussi de former en continu l'ensemble de notre personnel à la vente.
Les communautés d'apprentissage en ligne ont favorisé l'échange de bonnes pratiques tout en renforçant le sentiment d'appartenance à la marque chez les apprenants. Grâce à cette meilleure connaissance de la marque et ses produits, et à la démultiplication des points de contact formation, notre personnel à la vente a acquis plus de confiance, ce qui a eu un effet positif sur les ventes - effet que nous avons pu mesurer sur certains marchés.
Enfin, un bénéfice à ne pas négliger, et qui constitue pour moi un vrai bonus est la valorisation de la fonction formation et du formateur. En effet, le digital learning a permis de redonner sa vrai valeur au présentiel en le recentrant sur la pratique, l'entraînement et l'échange. Il a aussi contribué à donner plus d'assise et de visibilité aux directions formation en leur donnant l'occasion et les moyens de démontrer que la formation est un levier de la performance commerciale. Argument imparable pour convaincre les directions formation de s'embarquer dans l'aventure !
Quels freins avez-vous rencontré dans la mise en oeuvre de votre stratégie e-learning ?
Claire Delouis : Il y avait une véritable attente sur nombre de nos marchés, qui souhaitaient des solutions pour former plus efficacement nos conseillers(ères) de vente. L'intégration du eLearning s'est donc globalement déroulée sans heurt.
Le point crucial dans l'implémentation a été d'accompagner nos marchés à repenser toute leur stratégie formation et à définir une stratégie blended learning. C'est un accompagnement sur le long terme, qui demande de faire beaucoup de pédagogie auprès des parties prenantes, encore plus depuis qu'on parle de digital learning… car le mot "digital" efface souvent le mot "learning" ! Nous devons aussi faire face aux problèmes techniques et d'accessibilité, qui engendrent beaucoup de démotivation. Nous avons mis en place des outils type FAQ, mais avons également formé des relais sur le terrain (équipes commerciales par exemple), qui communiquent et motivent au quotidien. La clé étant de maintenir une communication constante avec nos apprenants.
Enfin, nous devons constamment jouer sur les différents leviers de motivation pour conserver le momemtum et fidéliser nos apprenants, qui se forment je le rappelle sur leur temps personnel : incentives, certifications, gratifications, … et bien entendu des contenus qui répondent au plus près de leurs attentes et de leurs besoins opérationnels.
Vos formats e-learning ont-ils évolué ? Dans quelle direction ?
Claire Delouis : Les outils doivent s'adapter à la réalité du business… et ces dernières années ont été mouvementées dans le secteur du retail, les rythmes du business se sont accélérés : nombreux lancements produits, hausse du turnover des conseillères, concurrence accrue, transformation de la distribution nécessitant une expérience client de plus en plus exceptionnelle,… Je dirais que les formats doivent être de plus en plus courts et opérationnels. Ils doivent également s'adapter aux conditions d'apprentissage et aux usages de l'apprenant : mobiles (aujourd'hui, 31% de nos apprenants se connectent à la plateforme eLearning depuis leur smartphone, versus 17% en 2015), impactants, ludiques, gamifiés, et en lien avec leur problématiques de formation quotidiennes … En bref, il est impératif de marketer son offre digital learning, de penser expérience d'apprentissage, d'être centré apprenant, tout en continuant de servir une stratégie business.
Quelles sont les prochains chantiers e-learning prioritaires pour la marque Clarins ?
Claire Delouis : L'écosystème digital learning s'est considérablement enrichi depuis les débuts du eLearning chez Clarins (2011). Nous sommes en veille permanente des tendances de la formation actuelles, notamment les technologies immersives (réalité virtuelle ou augmentée), l'exploitation du big data ou de l'intelligence artificielle pour concevoir des parcours de formation ultra-personnalisés, les chatbots et objets connectés visant à optimiser et démultiplier les expériences d'apprentissage. Mais il faut que ces outils prennent sens dans notre propre écosystème de formation. A court terme, nous tendons vers une expérience d'apprentissage plus ajustée aux besoins de nos apprenants : plus mobile, plus axée sur l'intelligence collective (en développant notamment les " user generated contents "), et surtout plus orientée vers un support continu à la performance individuelle de chacun(e) de nos conseillers(ères) de vente.
Comment voyez-vous évoluer les métiers de la formation chez Clarins ?
Claire Delouis : Les anglo-saxons utilisent l'expression "Learning & Development" qui rend mieux compte de la transformation en cours de la fonction formation, de ce passage d'un mode "push" où la formation délivrait de façon descendante, à un mode "pull" où il s'agit davantage de mettre à disposition des outils et des contenus, de faciliter et d'organiser les apprentissages, d'accompagner et de guider pour développer les compétences de chaque collaborateur. Il y a là un élargissement, un enrichissement de la fonction qui ouvre tout un champ des possibles pour les passionnés de la formation que nous sommes.
Propos recueillis par Michel Diaz
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