Pour François Galinou, Président de l’ICPF & PSI et membre de la commission de normalisation Formation Professionnelle, les entreprises n'ont guère le choix : elles prendraient un risque à ne pas se mettre en conformité avec la Loi du 5 mars 2014. Mais l'essentiel est ailleurs : les dispositions de cette réforme sont utiles, et les entreprises peuvent en tirer bénéfice.
Les critères qui définissent la qualité des formations selon la Loi du 5 mars 2014 suffisent-ils à répondre à la diversité et l’évolution des attentes des divers publics de la formation en 2018 ?
François Galinou : Oui. Sur le fond, quant aux exigences basiques en matière de droit et de qualité de la formation. Exemple d'attentes minimales : voir ses objectifs clairement identifiés comme ses besoins particuliers et son appréciation pris en compte. Le problème, c'est qu’un grand nombre de professionnels expérimentés ne se sont pas encore appropriés les critères du décret. Mais ça viendra.
Quelle place faut-il laisser aux forces du marché et à l’innovation pour trouver les bons équilibres, notamment en matière de qualité de la formation ?
François Galinou : Le prestataire doit être choisi parmi ceux qui sont présents sur le catalogue de référence, lequel permet le financement de l’action ! Le client connaît ses prestataires qui ont démontré leur capacité à obtenir le résultat attendu, de même que le stagiaire et le commanditaires ont aussi identifié le déroulement de l’action et son résultat au préalable. Dans le cas des nouveaux usages, en particulier numérique, le challenge est pour l’offreur de maîtriser les critères du décret pour pouvoir les adapter et rester cohérent et attractif.
Le temps que la compréhension et la bonne application de la réforme demande aux responsables formation entreprise ne serait-il pas mieux utilisé ailleurs ?
François Galinou : Non, en aucun cas. Si le responsable formation ne met pas la réforme en application, il fait courir un risque à son entreprise. Il lui faut comprendre que la réforme va dans son sens. Veiller et établir un catalogue d’organismes de formation certifiés et référencés, c’est de la veille intelligente ; identifier les prestataires qui réalisent eux-mêmes les prestations de formation plutôt que d'acheter à des organismes qui sous-traitent sans apporter de valeur, c’est faire gagner de l’argent à son entreprise et aux prestataires de valeur ; construire un plan de formations certifiantes pour les salariés avec des attestations de compétences reconnues, c’est appliquer la réforme et contribuer à l’épanouissement professionnel de tous les salariés de son entreprise. Tout cela est compatible avec l’innovation, la digitalisation et la synchronisation opérationnelle avec les besoins métiers, et le fait de concentrer les financements sur les prestataires de valeur permet aux responsables formation d’investir dans des offres digitalisées, innovantes !
Pensez-vous que cette réforme pourrait être remise en cause par le chantier formation ouvert par le gouvernement ?
François Galinou : D'abord, si une nouvelle réforme est votée en avril, ses modalités pratiques ne seront décrites qu'en 2019 et n'entreront en vigueur en 2020 voire 2021 ! Nous avons donc un peu de temps. L’application en cours de la réforme de 2014 est bien le problème opérationnel principal. Ce qui va rester, c’est l’obligation de formation, les catalogues de référence des organismes de formation et le CPF pour les formations du RNCP et de l’inventaire. Ce qui pourrait disparaître, ce sont les listes CPF, l’inscription possible sur le catalogue de référence sans certification.
Datadock s’appuie sur les déclarations des organismes de formation… Est-ce suffisant pour garantir la qualité des formations ?
François Galinou : On sait que c’est insuffisant, ce que les membres du GIE Datadock sont les premiers à reconnaître. C'est pourquoi des contrôles sur site vont s’intensifier en 2018. De mon point de vue, le problème vient du fait que ce système, comme celui du numéro de déclaration d’activité, incite à la multiplication des candidatures. Or chaque instruction de dossier Datadock a un coût et est payé par le contribuable… Dans notre cas (à l’ICPF & PSI), le coût est au contraire supporté par le demandeur.
D’une façon générale, quels progrès restent à accomplir dans les certifications professionnelles du secteur et des métiers de la formation ?
François Galinou : C’est une excellente question ! Je regrette qu’on se batte autour de « titres de noblesse » délivrées par des « autorités » censées permettre l’accès à de plus hautes fonctions. On se focalise sur un des points de sortie de la formation : la certification professionnelle. Elle doit être une attestation de connaissance ou de compétence acquise reconnaissable par le futur employeur. Cela paraît simple mais c’est très compliqué à réaliser, comme d'éminents universtaires en témoignent en refusant de s’engager sur la reconnaissance d’une compétence ! La priorité, c'est de progresser sur la qualité du parcours de formation menant au diplôme, notamment sur le sentiment d’efficacité du stagiaire qui doit en effet se sentir plus efficace après la formation et être en mesure de le démontrer. Il me semble qu'il y a dans le décret qualité de 2015 des élémens solides pour avancer dans ce sens.
Propos recueillis par Michel Diaz
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