L’innovation ne se décrète pas ; il ne suffit pas de lancer un laboratoire d’innovations pour que celles-ci s’ensuivent automatiquement. Cela, qui vaut en général, trouve une résonance particulière dans le domaine de la formation, où les innovations “ne prennent pas” autant qu’on pourrait le croire.
L’innovation ne se décrète pas. C’est le constat d’un rapport (accablant) de Cap Gemini, selon lequel 90% des laboratoires d'innovation échouent, avec des coûts qui peuvent sembler faramineux (plusieurs millions d’euros), mais il est vrai que les entreprises citées par l'étude ne manquent pas de moyens (ABC, British Airways, Coca Cola, Disney…). Bref : alors que l’innovation conditionne la survie des entreprises, il faudra trouver autre chose que ces “innovations labs”, et mieux appliquer quelques principes de bon sens inspirés par les causes d'échec.
Parmi ces causes (source : Tony Yoo, Business Insider), la fausse-bonne idée de confier l’innovation à une personne de l’entreprise. Question pour la formation : l’innovation en formation peut-elle venir de l'interne, du département formation ? Les équipes en place seront-elles les plus “entrepreneuriales, centrées sur les clients (internes ou externes)” ? Ou bien est-il préférable de recruter à l’extérieur ? Si oui, où (la fonction de "Chief Learning Innovation Officer" reste à créer) ?
Autre raison invoquée : l’innovation déconnectée des objectifs business. Constat : il arrive que les départements formation testent voire mettent en œuvre des innovations pédagogiques… “pour voir, pour se faire une idée de leur potentiel”, parce qu'une start-up est passée par là, convaincante. Conseil : le coût d’un test (ne serait-ce qu’en temps qu'on lui consacre), même si l’on se contente d’un pilote, impose de donner des objectifs concrets à l’innovation (prouvés par une valeur). Laquelle doit permettre de faire plus ou mieux ou plus vite ou moins cher que ce qui existe. On l’aura compris : en formation comme ailleurs, bannir la simple recherche de ce qui est nouveau. Un exercice auquel certaines entreprises sont rompues (l'Université Thales par exemple).
Si l’innovation échoue, c’est aussi parce que l’organisation (l’entreprise) ne laisse pas assez d’autonomie à son laboratoire d’innovation. Du coup, faut-il créer une équipe d’innvovation pédagogique qui ne dépende pas de l’organisation ni de la fonction formation ? Inimaginable, sauf dans quelques rares entreprises très fortunées. Alors sous-traiter l’innovation pédagogique ? Oui, sous deux réserves. La première est celle d’un partenariat durable entre le département formation et son sous-traitant pour l’innovation ; la deuxième : celle du choix de ce sous-traitant qui doit embrasser l’innovation pédagogique dans toutes ses dimensions, et ne saurait être un fournisseur ni même un intégrateur de digital learning.
J’entends qu’on s’étonne : l’innovation en formation bat son plein ! La preuve : gamification, Learning Analytics, video learning, mobile learning, MOOC, adaptive learning, social learning, 702010… Pas si sûr. S’agit-il là, vraiment, d’innovations pédagogiques ou bien de vieilles idées ravalées par le numérique ? Puis : à quelle profondeur ces innovations plongent-elles réellement dans les dispositifs et les processus de formation existants ? Leur généralisation est-elle en vue ? Quelle valeur mesurable ont-elles créée pour les métiers et les collaborateurs ?…
On pourrait multiplier les questions, et prendre le risque d’une provocation : en matière d’innovation pédagogique, le compte n'y est pas encore !
Michel Diaz
|